Le projet de budget pour l’année 2025 prévoit des dépenses publiques s’élevant à LBP 427,695 milliards et des recettes atteignant LBP 410,129 milliards, ce qui entraînerait un déficit budgétaire de LBP 17,566 milliards. À première vue, ce déficit, représentant 4,11% des dépenses publiques, pourrait être perçu comme un signe d’amélioration par rapport aux 13,9% des dépenses projetées dans le budget de 2024. Toutefois, dans le contexte actuel de crise économique profonde au Liban, ce chiffre mérite une analyse plus nuancée.
En effet, l’habit ne fait pas le moine.
Dépenses publiques : Une répartition qui ne répond pas aux urgences
Côté dépenses, la prédominance des dépenses courantes sur les dépenses en capital est frappante : 90,2% des dépenses totales sont allouées à des dépenses courantes, laissant seulement 9,8% pour les investissements en capital. Alors que les salaires, avantages sociaux et allocations sociales accaparent 54,8% des dépenses courantes, les dépenses en biens et services ainsi que les transferts continuent d’absorber une part importante des ressources. Cette répartition, bien qu’importante pour soutenir la fonction publique et les prestations sociales, révèle une approche qui manque cruellement de vision stratégique à long terme pour un pays en crise.
La part des dépenses d’urgence, à 5%, et celle du service de la dette, à 8,2%, soulèvent également des questions. Dans un contexte où l’économie libanaise est en pleine déroute, la priorité devrait être donnée à des investissements structurants capables de relancer la croissance. Au lieu de cela, les dépenses d’urgence restent relativement faibles, malgré la nécessité d’une réponse immédiate aux crises multiples que traverse le pays. Quant au service de la dette, il est symptomatique de la spirale de l’endettement dans laquelle le Liban est enfermé, sans perspective de désendettement à court terme.
Recettes publiques : Une dépendance excessive aux taxes régressives
En termes de recettes, le projet de budget table sur des recettes fiscales atteignant LBP 326,416 milliards et des recettes non fiscales de LBP 83,713 milliards. Si cette projection montre une volonté de diversifier les sources de revenus, elle met surtout en lumière une dépendance excessive aux taxes régressives, telles que la TVA (73,2% des recettes issues de la taxe sur les biens et services).
La taxation indirecte, qui pèse lourdement sur les ménages, est une arme à double tranchant. Bien qu’elle puisse être une source stable de revenus pour l’État, elle aggrave les inégalités dans un contexte où la majorité des Libanais sont déjà confrontés à une précarité économique sans précédent. La hausse des prix, résultant en partie de la taxation sur les biens et services, risque d’amplifier la paupérisation de la population, rendant toute relance économique encore plus difficile.
Les revenus issus des propriétés gouvernementales et des institutions publiques (65,5% des recettes non fiscales) sont également à questionner. La dépendance à ces revenus, souvent générés par des structures inefficaces et corrompues, montre une fois de plus que le système en place n’a pas appris des erreurs du passé. Le manque de transparence et les pratiques de mauvaise gouvernance qui gangrènent ces institutions risquent de miner la confiance des citoyens et des investisseurs, indispensables pour la reprise.
Un budget déconnecté des réalités économiques
Le projet de budget pour 2025 semble, à bien des égards, déconnecté des réalités économiques du Liban. Les projections optimistes d’une réduction du déficit budgétaire sont en fait un trompe-l’œil, qui masque les véritables défis auxquels le pays est confronté. L’absence de réformes structurelles profondes, la répartition déséquilibrée des dépenses et la dépendance à des recettes fiscales régressives montrent que ce budget ne fait que prolonger l’agonie d’un système économique en faillite.
Le Liban a besoin d’une stratégie budgétaire audacieuse, qui ne se contente pas de colmater les brèches mais qui engage de véritables réformes pour sortir le pays de la crise. Ce projet de budget pour 2025, loin de répondre à ces attentes, laisse plutôt entrevoir une continuation du statu quo, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour l’avenir du pays.