Quand les erreurs du Liban deviennent des leçons pour les autres

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Cellule du quartier d’isolement de la prison Jacques-Cartier de Rennes (France), à travers le judas. Crédit photo: Édouard Hue . Source http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cellule_du_quartier_d’isolement_de_la_prison_Jacques-Cartier,_à_travers_le_judas,_Rennes,_France.jpg

A Roumieh cette semaine, une grande opération de démantèlement de l’Emirat islamiste a eu lieu, cette organisation ayant été mis en place dans la prison de la banlieue Est de Beyrouth depuis l’arrestation de centaines de militants de Denneyeh à Arsal en passant par Nahr Bared. Cette opération aurait ainsi concerné 900 individus du bloc B dont 300 militants islamistes radicaux transférés depuis dans le bloc D. Le quotidien Le Monde évoque ainsi un véritable centre de commandement djihadistes présent dans l’établissement pénitenciaire, preuve s’il en est, du laxisme qui s’est développé au sein de l’administration carcérale au long des années écoulées.
Au nom de la liberté d’expression, pourrait-on finir par croire, les détenus pouvaient ainsi communiqués avec téléphones portables, internet, etc… et ainsi, coordonner les actions terroristes ayant frappé le Pays des Cèdres, de Tripoli et des combats entre quartiers sunnites de Bab Tebenneh et allaouites de Jabal Mohsen, jusqu’à la banlieue Sud, décrit comme fief du Hezbollah, voir donner des instructions aux preneurs des otages liés aux mouvements rebels syriens Daech et Al Nosra, qui avaient kidnappés des membres des Forces de Sécurités du Jurd d’Arsal quant aux négociations à tenir avec l’état en vue de leur libération. C’est du moins ce qu’a annoncé le Ministre actuel de l’Intérieur, Nouhad Machnouk. Ce dernier a également révélé que les militants islamistes étaient même en possession d’armes.

En France cette semaine, en réponse aux attentats perpétrés contre le quotidien Charlie Hebdo, le gouvernement d’Emmanuel Valls annonce le projet de regrouper les prisonniers islamistes présents, afin de limiter le phénomène de radicalisation de la petite délinquance au sein des établissements pénitenciers, ce qui aurait notamment été le cas des Frères Kaouchi et d’Amedie Coulibany. Cette mesure serait déjà expérimentée à petite échelle, notamment à Fresnes. Cependant, un rapport ne reconnait l’existence que de 152 militants radicaux présents en prison. Ce nombre peut paraitre un peu dérisoire quand on le compare par exemple aux 1500 militants djihadistes d’origine française, présents dans l’Organisation de l’Etat Islamique ou Daech en Syrie.
A l’image du Liban, on peut aussi se souvenir que des détenus avaient déjà réussi à communiquer avec l’extérieur et sur les réseaux sociaux par des smartphones introduits au sein des prisons par des proches parfois, par des surveillants eux-même d’autres fois, comme se fut le cas pour le chef du gang des barbares, Youssouf Fofana qui pour rappel avait torturé et tué le jeune Ilan Halimi parce que Juif et condamné à perpétuité en 2009.
Ce chiffre donc semble sous-estimer le nombre réel. Outre la difficulté de repérer les personnes à risque, on peut également s’interroger sur une politique du pire, ou des détenus déjà extrémistes pourraient encore le devenir encore plus. Et qu’en sera-t-il au moment de leur libération? Seront-ils jetés à la rue sans contrôle?

Pour une fois que le Liban – par les erreurs qu’il a commis par le passé – puisse être un donneur de leçon. Regrouper des détenus radicaux tels que ceux là ne peut être qu’une erreur difficile à gérer à l’image de ce qui s’est déroulé à Roumieh, surtout au long terme. Les gardiens de prison l’ont déjà bien compris: Ainsi dans un reportage diffusé par une chaine française, l’un d’entre eux travaillant au sein de l’établissement de Fresnes, dénonçait à juste titre, cette mesure, estimant qu’au contraire, la situation n’était déjà plus gérable, et de citer notamment le fait que les détenus allaient même jusqu’à menacer de mort les fonctionnaires et appelaient désormais même à la prière en public. On aurait dit désormais que l’appel du Muezzin avait bel et bien remplacé les sonneries d’alerte.
Ce n’est pas l’isolement qui est la solution, ni la libération de ces personnes. Comment guérir une personne extrémiste dont la conduite est dictée par une pseudo-foi appelant à la négation de tout ce que représente l’Humanité? Est-ce que par exemple, les mesures de déradicalisation invoquées par d’autres pays occidentaux marchent? A ces questions, il ne me revient cependant pas de répondre, il s’agit d’un débat de société, à savoir ce qu’elle est prête à accepter, certains évoquent un retour du bagne, donc de l’exil dans des terres lointaines ou la peine de mort, d’autres ont une approche plus psychologiques, avec des mesures de suivi, etc…

Mais à coté de ces questions, ces 2 pays ne devraient pas commettre les mêmes bêtises que les uns ou les autres ont déjà commise, au nom de grands principes comme la liberté de foi, quand cette dernière  par l’intermédiaire de certaines sectes, appelle clairement à tuer ceux qui ne croient pas, l’égalité et la non-discrimination – y compris quand cette non-discrimination s’avère dangereuse -. La métropole pourrait connaitre l’erreur de voir se multiplier des prisons à l’image de Roumieh au Liban, des émirats islamiques sur son propre territoire qu’elle pourrait finir à long terme par ne plus pouvoir contrôler. Cela évidemment, on ne le souhaiterait pour rien au monde, mais tout de même, il est inutile d’en prendre le moindre risque comme on peut malheureusement, et à juste titre, le craindre.

Ghassan Chiha

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