Une note en date de 2007 publiée par Wikileaks, issue d’un entretien entre Alain Bifani, directeur du Ministère des Finances, et l’ambassadeur des Etats-Unis d’alors Jeffrey Feltman, accuse le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) d’avoir agi en contravention avec la législation financière libanaise et d’avoir oeuvré en faveur de son élection à la Présidence de la République Libanaise.

Selon cette note initialement rédigée en anglais et dont vous pouvez lire ci après la traduction, Feltman, d’après ses entretiens, aurait indiqué que :
– Salameh était un candidat officiel à la présidence, et a déclaré cette candidature à des banquiers.
– Salameh était en compétition avec Siniora
– Salameh ne souhaite pas divulguer le montant de réserves monétaires nettes
– Salameh aurait falsifié le bilan de la BDL pour ne pas y faire figurer des pertes
– Salameh aurait violé la législation financière libanaise sur les taux d’intérêts qui auraient dû être décidés en coopération avec le ministère des finances.

Selon la note 07BEIRUT352_a,

Riad Salameh, gouverneur de la banque centrale du Liban, a pour la première fois exprimé publiquement son intérêt à son élection la présidence, fin février 2007.

Salameh a critiqué de manière à peine voilée, le programme de réforme économique du GED, démontrant ses différences concernant les priorités politiques et les points de vue personnels de son actuel leadership et son besoin de prendre ses distances du 14 mars qui le font apparaître comme un candidat à la présidence neutre et viable.

Le secteur bancaire soutient largement Salameh, qui en tant que président resterait probablement intéressé par les questions économiques. Il s’oppose aux interventions, au suivi international et travaille en étroite collaboration avec les secteurs bancaires et commerciaux. Fin du résumé.
 
SALAMEH DEVANT SON PUBLIC DE CAMPAGNE

(SBU) Salameh, gouverneur de la Banque du Liban (BDL), prenant part fin février à un dîner du Rotary Club, a exprimé ouvertement et pour la première fois son intérêt pour la présidence; sachant qu’une élection au Parlement pour choisir le prochain président était prévue un peu plus tard cette année.  

En réponse à un homme d’affaires qui a demandé à Salameh ce que sa politique serait s’il était président, il répondit :
“Donnez-moi la présidence et je vous le dirai.”

Également en février, Salameh a annoncé à un journaliste de l’Hebdomadaire francophone Libanais, La Revue du Liban, qu’il était un candidat à la présidentielle. Le Magazine de langue anglaise Lebanon Opportunities a présenté le point de vue de Salameh et il s’est adressé à au moins deux reprises fin février sur ce sujet lors de déjeuners avec des banquiers et des hommes d’affaires. Salameh a été candidat non officiel à la présidence depuis des années et était présenté comme le favori de la France, comme cela était souligné par le président français Chirac lors de la conférence de Paris III. Cependant, Salameh n’avait pas précédemment déclaré sa candidature.

SALAMEH CRITIQUE DU PLAN DE RÉFORME DE SANIORA

(SBU) Alors que le consensus qui se dégage est que le prochain président ne peut être étroitement identifié avec le coalition de la majorité ou de l’opposition, Salameh a essayé de paraître politiquement neutre et économiquement plus puissant que les autres responsables économiques.
Salameh a indiqué que, tandis qu’au Liban de fortes divisions politiques ont paralysé d’autres institutions, la “BDL s’est positionnée comme une institution impartiale, qui a adopté une politique neutre vis-à-vis des différentes politiques”. Salameh a également réaffirmé que la BDL pouvait revendiquer le crédit pour le maintien d’une monnaie stable et de taux d’intérêt stables également, et chercher des stratégies pour aider le secteur privé.
 
(SBU) Salameh faisait officiellement partie de l’équipe qui a préparé le programme de réforme économique et commenté de manière constructive la politique monétaire et la vente de titres détenus par BDL.
Cependant, un contentieux concernant la relation entre Salameh et le Premier ministre Siniora est clair dans les critiques de Salameh du programme de Saniora. Il a déclaré publiquement que “le programme aborde théoriquement la durabilité de la situation financière du GED et a inclus certaines initiatives sociales.
“La contribution de la BDL au programme consistait en la politique monétaire et la vente des actifs détenus par la BDL. Lors d’un déjeuner le 21 février, Salameh a estimé que si les augmentations de taxes pourraient nuire au pouvoir d’achat de la population, elles seront reportées. Cela devrait intéresser les partis d’opposition et les fédérations du travail qui ont critiqué le programme de réforme du GED à cause des augmentations d’impôts.
 
(SBU) Alain Bifani, directeur général du ministère des Finances (MOF), a souligné que Salameh et Siniora n’avaient pas eu de bonnes relations depuis le début des années 90, et Salameh croit que Siniora va essayer de le garder hors de la présidence.
Bifani nous a également dit que Siniora avait demandé au FMI, une évaluation de la BDL, comme moyen pour vérifier les mesures prises lors du mandat de Salameh en dépit de l’autonomie extrême de la BDL.

Soutien à SALAMEH

(SBU) Salameh a un fort soutien de la communauté bancaire; il sait comment approcher les banques libanaises comme nous l’a dit le banquier Saad Azhari.

En tant que banquier d’investissement chez Merrill Lynch en charge du portefeuille du défunt Premier ministre Rafiq Hariri, Salameh comprend les marchés. Depuis son entrée en fonction en 1993, Salameh a noué une coopération extrêmement étroite entre les banques et la BDL, assurant la stabilité financière et monétaire et la poursuite de la rentabilité des banques.
Après Paris II, Salameh a obtenu auprès du secteur bancaire 3,7 milliards USD en deux ans, avec des dépôts à taux zéro à la BDL pour aider le GED à réduire ses dettes. (Commentaire: Avant l’entrée en fonction de Salameh, les relations entre la BDL et les banques étaient tendues, bien que les banques en aient profité pendant des années à partir des rendements élevés obtenus sur la dette souveraine. Fin du Commentaire.)
 
(SBU) Azhari nous a dit qu’il aimerait voir Salameh comme étant le prochain président du Liban parce que ce dernier a pris ses distances de tous les groupes politiques et maintient de bonnes relations avec eux tous.

Il a souligné que malgré le fait que Salameh fût nommé par le Premier ministre feu Rafic Hariri à la tête de la BDL, il s’est opposé à Hariri à plusieurs reprises sur plusieurs questions, y compris les échanges d’Eurobond, prouvant que Salameh est prêt à s’opposer à sa politique quand cela est nécessaire pour soutenir ce qu’il croit être le meilleur pour le Liban.
 
IMAGINER UNE PRÉSIDENCE SALAMEH

(C) Salameh en tant que président resterait probablement focalisé sur les questions économiques, plaidant pour une augmentation des impôts plus graduelle, une monnaie stable et des taux d’intérêt, et moins d’interventions et de suivi par des entités internationales.

Salameh est également perçu comme un homme d’État proactif qui souhaite accélérer la croissance économique. Cependant, certains aspects du bilan de Salameh pourraient être de mauvaise augure pour une présidence transparente:
rumeurs de corruption, rumeurs concernant un penchant pour le secret et en faveur de l’autonomie extralégale à la Banque centrale, proximité dans le passé avec les dirigeants syriens, refus de divulguer la quantité des réserves nettes de devises du Liban, et résistance à la supervision d’un programme du FMI.

Il y a aussi une présumée contrainte constitutionnelle contre Salameh, assumant la présidence directement de son poste actuel de gouverneur de la banque centrale, mais une voie légale pourrait probablement être trouvée pour contourner cette restriction.

DONNÉE BIOGRAPHIQUE

(SBU) Salameh est l’un des nombreux membres de l’équipe du Premier ministre Rafiq Hariri

Les anciens employés de Hariri qui ont été retranchés dans gouvernement depuis près de 20 ans. Salameh, un chrétien maronite né en 1950, est devenu le gestionnaire de portefeuille de Hariri pendant ses 20 ans de carrière chez Merrill Lynch, jusqu’à ce que Hariri l’a amené à diriger la BDL pour un mandat de six ans à la fin de 1992.
Il y est resté depuis. Salameh a un BA en Économie de l’AUB.
 
(C) Durant son mandat de gouverneur, Salameh a conçu des outils monétaires pour maintenir la stabilité de la monnaie et noué un partenariat avec les banques commerciales pour la stabilité monétaire et la constitution de réserves en devises.

Ses politiques ont aussi transféré de vastes sommes de fonds publics au secteur privé, les banques et les riches alliés libanais et arabes. Salameh a utilisé sa connaissance du marché pour soutenir le Premier ministre Hariri; quand en 1995, Hariri voulait renouveler le mandat du président Hrawi, les marchés ont été sous pression et la BDL a versé environ 2 milliards de dollars en réserves de change et relevé le rendement des bons du trésor à 40% pour maintenir la stabilité de la monnaie. (Remarque: au début des années 90, certaines banques commerciales, y compris BankMed contrôlée par Hariri et la banque Libano-Saoudienne, auraient agi contre les autorités locales
avec une monnaie qui s’est fortement dépréciée, atteignant 3 000 LL par rapport au dollar au printemps 1992, provoquant la chute de l’adversaire de Hariri, Omar Karami et son Cabinet. Note finale.)
 
(C) L’ambassade n’a pas été en mesure de confirmer ou de réfuter les rumeurs selon lesquelles Salameh aurait tiré profit du commerce stratégique de GOL concernant la dette durant Paris III et des liens familiaux au sein de la BDL.

Salameh a signé un contrat avec une entreprise canadienne de billet de banque de type américano-britannique pour l’impression de la devise libanaise au moment de devenir gouverneur de BDL au début des années quatre-vingt-dix.

Raja, frère de Salameh, est impliqué dans l’accord avec le fils de l’ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam, Jamal.
Raja Salameh a alors gagné une commission sur le contrat et continue à gagner une commission à ce jour à chaque fois que de nouveaux billets sont imprimés (car la qualité du papier n’est pas bonne et le nouveau billet doit être remplacé presque chaque année).
Riad Salameh a parrainé son gendre Chafic Abillamah au sein du Département juridique de la BDL et dans les affaires juridiques de son cabinet privé avec les banques.

Bifani nous a dit que Salameh violait les lois Libanaises lorsque la BDL a émis des instruments monétaires à long terme et à taux d’intérêt élevés qui ont principalement profité aux institutions financières. Il a également noté que Salameh cachait le déficit dans les livres de la BDL en réglant une dette élevée du ministère des Finances et en réémettant cette dette à taux réduit dans le portefeuille de BDL.
Salameh décide unilatéralement des politiques de taux d’intérêt, bien que la loi l’oblige à le faire de concert avec le Ministère des Finances.
 
FELTMAN

Lire la note de Wikileaks (en anglais)

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