Mercredi 14 septembre, une journée marquée de manière éclatante par une jeune femme Sali Hafiz qui, face au refus de la BLOM Bank à verser la somme nécessaire de ses propres comptes gelés pour assurer le traitement de sa soeur, jeune maman aussi, atteinte d’un cancer. Elle n’a pas hésité à prendre une arme factice pour obtenir simplement le droit de payer pour faire soigner sa soeur.

Si Sali est passée à l’acte, c’est face au désespoir, tout comme Bassam avant elle face à la maladie de son père, il y a, à peine, un mois et comme d’autres encore avant.

Si d’autres demain passeront à l’acte, c’est aussi ce même désespoir qui les anime et face au désespoir. Aucune force ne peut arrêter des gens qui sont déterminer à obtenir simplement leurs droits surtout quand il s’agit d’une question de vie ou de mort.

Sali Hafiz est devenue ainsi, bien malgré elle tout de même l’héroïne, un exemple à en croire beaucoup à suivre même au grand damn des banques et de leurs employés qui craignent depuis plusieurs mois ce scénario.

De nombreux libanais sont également en colère et ne comprennent pas que les banques locales puissent avoir pu geler de manière aussi insidieuses leur propre argent bloqués depuis l’instauration d’un contrôle informel et donc non légal en novembre 2019.

Les Libanais ne comprennent également pas comment les différentes actions devant la justice libanaise face aux banques se soient soldées par une non-exécution des jugements pourtant nombreux contre les établissements financiers.

Les libanais ne comprennent aussi pas, quand eux-même souffrent, comment les responsables financiers y compris publics continuent à disposer librement de réserves qui semblent inépuisables de fonds et se pavanent dans de nouveaux clubs réservés pour eux faute de pouvoir aller dans des lieux publics dans lesquels ils étaient autrefois adulés – star system – et aujourd’hui sous les huées

Les banques, pour beaucoup, paraissent désormais être un état dans l’état, un état sur lequel le droit ne s’exerce pas et encore qui montrent simplement aucune empathie face à la détresse des autres qui n’ont pas la chance d’être nés un billet de banque en main à défaut d’une cuillère en argent à la bouche.

Si les banquiers restent dans le déni officiel face à la réalité d’une crise économique qu’ils refusaient jusqu’il y a longtemps même à voir, ils sont les mieux placés aujourd’hui pour comprendre que ce système dont ils sont le rouage essentiel ne peut plus continuer ainsi.

Certainement que les banques libanaises ne peuvent pas être considérées comme victimes mais plutôt responsables de la situation actuelle, en ayant mal géré les fonds dont ils avaient la responsabilité.

Effectivement, les banques libanaises et leurs employés aussi, ont finalement raison de craindre cette colère d’une population qui désormais n’hésite plus à recourir aux armes réelles ou factices face à des situations désespérées, parce qu’ils ont volontairement ou involontairement contribué à ce désastre sur un plan national.

De nombreux libanais font en effet face à d’importantes difficultés simplement pour survivre et non plus vivre et sont déjà conscients qu’ils ont beaucoup perdu de leur épargne. Ceux qui ont épargné en livre libanaise ont perdu 95% de la valeur des dépôts. Ceux en dollar, quand ils ne peuvent plus faire autrement, acceptent de facto une décôte à un taux de change 3900 LL/USD au départ puis de 8 000 LL/USD aujourd’hui, le taux du désormais fameux lollar – alors qu’au marché noir, le vrai dollar s’échange au-dessus des 30 000 LL/USD.

Que dire à un enfant, une épouse ou un mari ou encore à une mère ou un père que son argent qu’il a épargné toute une vie pour son avenir, son présent ou sa retraite a tout simplement disparu, surtout quand il en a besoin de manière urgente, quand il s’agit comme dans le cas de la soeur de Sali, d’une question de vie ou de mort.

Par coïncidence, aujourd’hui, en ce jour d’éclat de Sali Hafiz, les autorités libanaises ont présenté un nouveau plan, soi disant, de sauvetage des dépôts mais en réalité, un plan de sauvetage des actionnaires des banques, un plan qui une nouvelle fois, comme les amendements des textes relatifs à la levée du secret bancaire, à la liquidation des agences exclusives, ne porte que le nom mais non le contenu puisqu’il ne prévoit tout simplement pas la condition sine qua non pour rétablir la confiance, le détricotage d’un système financier qui s’est impliqué dans un schéma Ponzi avec une forte ingérence de par des actionnaires dont nombreux sont des hommes politiques au profit d’un système financier transparent et assaini.

La confiance ne reviendra pas tant que le secteur financier n’assumera pas ses fautes et ne cessera pas de vouloir faire assumer aux autres, aux victimes, à l’état et donc à la population, ses errements.

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