Le député indépendant Marc Daou a adressé cette semaine une question écrite au Conseil des ministres, exigeant la publication intégrale de la liste des transferts de fonds effectués par les banques libanaises depuis le déclenchement de la crise financière fin 2019 jusqu’à la fin 2024. Cette interpellation fait directement écho à une révélation faite par le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Karim Souaid, lors d’une réunion récente avec le Conseil économique et social (CES). Selon le gouverneur, une banque libanaise aurait autorisé le transfert de 280 millions de dollars à l’étranger au profit d’un seul client, alors que les dépôts des autres clients demeuraient gelés.
Cette affaire met à nu les dysfonctionnements persistants du secteur bancaire libanais, miné par l’absence d’une loi formelle sur le contrôle des capitaux. En l’absence de cadre légal clair, les établissements financiers ont appliqué des pratiques discrétionnaires, favorisant certains déposants au détriment des petits porteurs de comptes. Le gouverneur Souaid a précisément invoqué ce cas pour illustrer « les pratiques arbitraires adoptées par les banques », soulignant l’urgence d’un texte législatif garantissant un « traitement équitable et égal » pour tous les clients.
Une révélation faite au cœur du CES
Le Conseil économique et social, instance consultative créée en 1999 pour éclairer les pouvoirs publics sur les questions économiques et sociales, a récemment accueilli le gouverneur Souaid dans le cadre d’une séance dédiée aux défis de la reconstruction financière. Lors de cet échange, tenu fin octobre 2025, Karim Souaid n’a pas mâché ses mots. Il a décrit comment, dès les premiers mois de la crise – marquée par l’effondrement du système bancaire en novembre 2019 –, certaines banques ont contourné les restrictions informelles imposées par la BDL pour permettre à des clients privilégiés de rapatrier leurs devises.
Le cas des 280 millions de dollars est emblématique. Transférés vers l’étranger sans autorisation préalable de la banque centrale, ces fonds ont échappé aux mécanismes de gel qui ont privé des centaines de milliers de Libanais de l’accès à leurs économies en dollars. « Alors que les autres déposants voyaient leurs comptes paralysés, un seul a pu sortir une somme colossale », a-t-il insisté, pointant du doigt l’absence de législation contraignante. Cette déclaration, relayée immédiatement, a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux et dans les milieux parlementaires.
Marc Daou, le député qui brise le silence
Élu député de la circonscription de Batroun-Tripoli-Koura en 2022 sur une liste d’opposition au système traditionnel, Marc Daou s’est imposé comme une voix réformatrice au Parlement. Ancien journaliste, connu pour ses enquêtes sur la corruption, il n’hésite pas à interpeller les autorités sur les scandales financiers. Sa question, déposée cette semaine auprès du bureau du Premier ministre Nawaf Salam, est précise : elle requiert non seulement la liste exhaustive des transferts autorisés, mais aussi les noms des bénéficiaires, les montants exacts et les motifs invoqués par les banques.
« Il est temps de lever le voile sur ces opérations opaques qui ont saigné les réserves du pays », aurait déclaré le député lors d’une intervention informelle. En ciblant la période 2019-2024, Daou vise les années les plus sombres de la crise, avant l’entrée en fonction du gouvernement Salam en février 2025 et la nomination de Souaid à la tête de la BDL en mars. Cette démarche s’inscrit dans une série d’interpellations de l’élu, qui avait déjà critiqué les lenteurs des réformes bancaires au printemps dernier.
Le vide juridique, terrain de jeu des banquiers
Depuis 2019, le Liban applique des contrôles de capitaux informels, via des circulaires de la BDL limitant les retraits en dollars et les transferts abroad. Mais sans loi organique votée par le Parlement, les banques jouissent d’une large marge d’appréciation. Des cas similaires aux 280 millions ont émergé par le passé : en 2020, des fuites ont révélé des transferts de dizaines de millions à des hommes d’affaires proches du pouvoir ; en 2022, la justice a enquêté sur des opérations douteuses impliquant des politiciens.
La BDL a tenté de resserrer la vis. En juillet 2025, une circulaire a interdit tout transfert à l’étranger sans aval préalable de la banque centrale, en réponse à des plaintes massives de déposants lésés. Pourtant, les pratiques persistent, alimentant un sentiment d’injustice profonde. Les petits déposants, majoritairement de la classe moyenne, ne peuvent retirer que des sommes symboliques en dollars frais, tandis que les VIP négocient des sorties massives.
Un bilan économique accablant six ans après
La crise financière, la pire de l’histoire libanaise, a effacé 90 % du PIB entre 2019 et 2023. La livre a perdu plus de 98 % de sa valeur, l’inflation a culminé à 270 % en 2023, et la dette publique avoisine les 160 % du PIB. Les banques, jadis fières de leurs 170 milliards de dollars de dépôts, sont au bord du gouffre : leurs actifs en devises ont fondu, et un « haircut » de 80 à 90 % sur les dépôts est sur la table des négociations avec le FMI.
Aujourd’hui, les réserves nettes de la BDL s’élèvent à environ 11,8 milliards de dollars fin octobre 2025, en légère hausse grâce aux rentrées de la diaspora et à la stabilité du change officiel (89 500 livres pour 1 dollar). Mais ces chiffres masquent une fragilité : les interventions pour défendre le taux ont cessé depuis 2023, et les banques restent « zombies », incapables de prêter.
Politique locale: gestion de la frontière sud et alignement des institutions
Architecture du pouvoir et instruction présidentielle
La politique locale du 31 octobre 2025 est dominée par une instruction attribuée au président de la République, Joseph Aoun, demandant à l’armée de se dresser contre toute incursion sur la frontière sud. Les journaux la présentent comme un signal de fermeté conçu pour rendre la réponse de l’État plus prévisible et réduire l’espace des tests à faible intensité. Al Sharq situe cette instruction dans un cadrage général qui associe la protection des civils, la consolidation de l’autorité de l’État et la coordination avec les partenaires internationaux, dans un contexte d’incursions et de frappes dénoncées au sud du pays. Nahar place cet ordre dans la foulée de l’attaque mortelle à Blida, qu’il décrit comme un révélateur de vulnérabilités locales et d’exigences nouvelles en matière de présence de l’État sur le terrain.
Rôle du Premier ministre et messages publics
Le Premier ministre Nawaf Salam est mis en avant comme la voix gouvernementale qui transforme la condamnation politique en démarches opérationnelles. Al Sharq restitue des messages insistant sur la protection des agents publics, sur la saisine des mécanismes onusiens de suivi des violations et sur la coordination avec les États garants de la cessation des hostilités, en articulation étroite avec la présidence et le commandement militaire. Le journal souligne que le langage public est calibré pour éviter les ambiguïtés de posture, renforcer la lisibilité des signaux adressés aux parties et limiter les risques d’escalade non désirée.
Activation du mécanisme électoral et calendrier institutionnel
Au-delà de l’urgence sécuritaire, la politique locale du jour intègre des développements sur le calendrier électoral. Al Sharq annonce la tenue d’une réunion conjointe entre le ministère de l’Intérieur et le ministère des Affaires étrangères, avec mandat d’examiner l’application du chapitre onzième de la loi électorale relatif au vote des non-résidents, de relire un rapport élaboré en 2021 et de déposer un document de travail dans les délais légaux. Le texte met l’accent sur la tenue du scrutin à la date prévue et sur la garantie d’une participation effective des diasporas, considérées comme une composante critique de la légitimité démocratique. Nahar complète ce tableau en citant un communiqué conjoint des deux ministères qui réaffirme l’importance d’assurer la transparence, la fluidité et la confiance des électeurs non résidents, avec l’engagement de remettre un rapport au terme des travaux.
Débat sur le “mechanism” et paramètres de négociation
Nahar rapporte que des responsables étudient une piste interne prévoyant une participation libanaise civile au mechanism transfrontalier, sous deux conditions cumulatives: un retrait israélien des positions encore occupées au Sud et un arrangement d’exécution portant sur la gestion des incidents et des points de friction. Le quotidien présente cette option comme un sujet de négociation en cours, sans décision officielle, dont la finalité consisterait à réduire la fréquence des incidents, clarifier les responsabilités opérationnelles et créer une base de discussions techniques moins exposée à la surenchère politique.
Présidence, armée et confirmations visuelles
La coordination entre la présidence et l’armée apparaît aussi dans les pages illustrées. Nahar publie une photographie montrant Joseph Aoun recevant au palais présidentiel le commandant de l’armée, Rudolf Heikal, ce qui traduit l’alignement de la chaîne de commandement dans la conduite de la frontière et le suivi des incidents. Dans la même page, une légende identifie une pelleteuse de l’armée se dirigeant vers un point à l’est de Blida afin d’établir un poste militaire après l’incursion, ce qui atteste de la mise en place rapide d’une présence visible sur des points jugés sensibles. D’autres légendes décrivent l’entrée conjointe de soldats libanais et d’éléments de l’UNIFIL dans la localité, illustrant la coordination tactique et la réactivité partagée.
Parlement, commissions et suivi des dossiers
La politique locale du jour conserve un fil parlementaire. Al Bina’ décrit une journée d’entretiens à la présidence portant sur des dossiers sanitaires, de développement et de diplomatie, en lien avec des projets discutés à la Chambre et des coordinations avec les ministères techniques. Le quotidien ajoute que la commission de l’Intérieur et des Affaires étrangères étudie les modalités de vote des expatriés, ce qui relie le chantier électoral à la chaîne exécutive et parlementaire et maintient la continuité des procédures malgré la pression sécuritaire.
Positions de partis et lignes de fracture
La séquence ravive une discussion sur l’articulation entre leviers diplomatiques et leviers militaires. Al Joumhouriyat met en exergue une réflexion sur une résistance qualifiée de diplomatique par les autorités et une résistance d’ordre militaire portée par d’autres acteurs, en posant la question d’un compromis implicite destiné à éviter les contradictions de langage. Le journal souligne que l’objectif revendiqué est de conserver la maîtrise du tempo et du récit public, afin de réduire le risque de malentendus générateurs d’escalade.
Municipalités, continuité de service et protection civile
La politique locale se lit aussi dans l’action des communes. Nahar documente la présence d’unités libanaises à l’intérieur de Blida et la mise en place d’un point militaire à l’est du village, dans une logique de sécurisation immédiate des abords de la municipalité et des services essentiels. Les mêmes pages montrent l’entrée conjointe de soldats et d’éléments de l’UNIFIL, ce qui traduit une coordination opérationnelle sur le terrain et une volonté d’apaisement par la présence. Ces éléments s’ajoutent à un discours officiel axé sur la protection des personnels municipaux et la continuité de service, en appui aux autorités locales mobilisées pour rétablir un fonctionnement minimal après l’alerte.
Justice, gouvernance urbaine et exemplarité
Au-delà du front sud, Al Akhbar signale l’ouverture de dossiers de corruption visant la municipalité de Beyrouth par un service de sécurité de l’État. Le traitement relie ces investigations à la nécessité d’un renforcement des mécanismes de supervision et de transparence, et rappelle que la confiance citoyenne dépend autant de la probité des autorités municipales que de l’efficacité des dispositifs de sécurité. Ce volet, distinct de la gestion de la frontière, irrigue toutefois la scène politique locale en fixant un horizon de réformes attendu sur le terrain urbain.
Santé publique, vulnérabilités sociales et arbitrages
Les arbitrages sociaux interfèrent avec l’agenda politique. Nahar consacre plusieurs colonnes à la décision d’interrompre, à compter du premier novembre, la prise en charge hospitalière de ressortissants syriens par des circuits dédiés. Le papier détaille les impacts anticipés sur les établissements, sur les budgets locaux et sur l’accès aux soins pour des populations vulnérables, en soulignant la contraction des financements internationaux, l’incapacité des acteurs nationaux à compenser et l’absence d’une vision unifiée pour piloter la crise. Cette séquence illustre la manière dont des choix sociaux et budgétaires, bien que non militaires, rejaillissent sur la stabilité locale et la demande d’État.
Éditoriaux et cadrages concurrents
Dans ses pages “vie publique”, Nahar situe l’incident de Blida comme la manifestation du décalage entre la tenue de réunions techniques et la réalité d’un terrain exposé à des actes violents. Le quotidien avance que l’opération survenue quelques heures après une réunion du mechanism confirme la limite d’un dispositif strictement procédural s’il n’est pas adossé à des mesures immédiates de contrôle de zone. Cette mise en perspective appuie la position selon laquelle l’alignement des institutions et l’occupation rapide des points sensibles demeurent des conditions de crédibilité de la dissuasion.
Cohérence gouvernementale et horizon proche
Les éléments rassemblés décrivent une architecture d’action où la présidence fixe une ligne de fermeté encadrée, la primature entretient le dialogue avec les garants internationaux et l’armée consolide la présence de l’État dans les zones exposées, en coordination avec les municipalités et l’UNIFIL. Al Sharq insiste sur la nécessité d’un langage public unique, conçu pour éviter les malentendus et préserver l’espace de désescalade, tandis que le suivi parlementaire et les commissions techniques stabilisent les chantiers électoraux et administratifs. Cette combinaison de signaux politiques, de gestes de terrain et de procédures civiles forme la trame de la journée, avec pour enjeu immédiat de contenir la volatilité et de réaffirmer l’autorité de l’État au sud.



