Absences au présent

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“On attend des temps nouveaux parce que le présent est insupportable», alors que «tout à l’inverse, c’est l’exaspération de notre attente qui rend insupportable le présent».”

Nicolas Grimaldi

Le bon sens est la substance précieuse  de la sauvegarde personnelle et de l’équilibre émotionnel dans un monde qui change. Regarder les feuilles d’automne tomber, laisser vaquer une intuition, penser le geste ou un égard, s’arrêter pour observer, découvrir une belle chose, ou se délecter d’une note insolite, sont les traits particuliers d’une douceur implicite. A force d’isoler sa place, il reste aux hommes de se suffire de la réminiscence d’un certain passé, tendre, carré et sécurisant.

Cependant on se laisse séduire par la dégénérescence du contact vivant, là où se passe à chaque  instant la touche instantanée. Celle qui vole la magie du simple vécu. Au gré de l’acuité visuelle, au creux de la paume, l’efficience digitale bouscule la place du mouvement et fait bouger le progrès face à un écran, bien banal, tout plat.

Les souvenirs figés habitent ailleurs avec les arômes du savoir penser pour agir, pour désirer sans devoir recevoir et pour lire ce qui transparaît sur un visage qui parle tant sans mots. Le contre-sens consacre désormais l’élan exclusivement hatif ou compulsif et l’appel à la réception ou à la déception immédiate. L’ici devient ce qui nous concerne de partout et de nulle part. Le souci et les façons de soigner le maintenant se cherchent dans les “self-help books”.

En attendant, les politiques médiatiques fomentent l’avenir des gens, l’apolitisme installe sa donne et les menaces de guerres nucléaires composent de nouveaux intérêts et conflits. Des indépendances inconcevables aux  démocraties dépassées, il reste aux gens un temps bref pour empêcher les absences au présent.

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