L’arrestation de Riad Salamé, ancien gouverneur de la Banque du Liban, a été perçue comme une réponse directe aux pressions internationales croissantes, notamment avec la menace d’inclusion du Liban sur la liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI). Accusé de détournement de fonds publics, d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent, Salamé est devenu le symbole des dysfonctionnements financiers du pays. Cette arrestation pourrait non seulement avoir des répercussions majeures sur l’économie libanaise, mais elle marque aussi un tournant politique, car les dirigeants libanais, en sacrifiant Salamé, ont ouvert une boîte de Pandore qui risque de les exposer eux aussi à des enquêtes plus approfondies.

Pressions internationales et menace d’inclusion

Le GAFI, organisation intergouvernementale qui lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, a récemment renforcé sa surveillance sur les juridictions présentant des lacunes dans ces domaines. L’inscription d’un pays sur la liste grise du GAFI entraîne une surveillance accrue des flux financiers internationaux, affectant les relations bancaires avec les institutions étrangères. Le Liban, confronté à des allégations de mauvaise gestion financière et à un manque de transparence, est dans la ligne de mire de cette organisation​(Libna News)​.

L’arrestation de Salamé est perçue par certains observateurs comme une tentative de répondre aux exigences internationales. Toutefois, des dirigeants de banques locales impliquées dans des scandales tels que Forry Associateset Optimum Invest pourraient également faire l’objet de mesures similaires. Ces deux entreprises sont soupçonnées d’avoir facilité des transactions frauduleuses, contribuant à l’évasion de capitaux à l’étranger et à la détérioration de la situation économique du pays​ (FATF-GAFI).

Les conséquences pour le Liban

Si le Liban était effectivement inscrit sur la liste grise du GAFI, les conséquences seraient graves. En pleine crise économique, l’inclusion sur cette liste impliquerait une détérioration supplémentaire des relations financières internationales, avec plusieurs impacts potentiels :

  1. Restriction des transferts financiers : Les opérations bancaires avec l’étranger deviendraient plus difficiles. Les banques correspondantes internationales pourraient suspendre ou réduire leurs relations avec les banques libanaises, ce qui compliquerait les transactions commerciales et les transferts d’argent nécessaires au bon fonctionnement de l’économie​ (FATF-GAFI).
  2. Diminution des investissements étrangers : Les investisseurs étrangers hésiteraient davantage à injecter des fonds dans un pays soumis à une surveillance accrue. Le risque perçu d’opérations financières suspectes ferait du Liban une destination moins attrayante pour les investissements directs étrangers​ ​(FATF-GAFI).
  3. Isolement économique : Les entreprises libanaises, notamment les importateurs, seraient confrontées à des difficultés supplémentaires pour obtenir des financements ou des lettres de crédit. Cela aggraverait les pénuries de biens essentiels, accentuant encore la crise inflationniste actuelle​(FATF-GAFI).
  4. Instabilité du secteur bancaire : Le système bancaire, déjà fragilisé, verrait sa crédibilité encore plus compromise. Les banques locales qui ont facilité des transactions suspectes dans le cadre des scandales de Forry Associates et Optimum Invest risquent des poursuites judiciaires, érodant encore davantage la confiance des déposants et des investisseurs​(Libna News)​(FATF-GAFI).

La réponse des autorités libanaises

Bien que l’arrestation de Salamé soit un geste significatif, des réformes plus profondes sont nécessaires pour éviter l’inclusion du Liban sur la liste grise du GAFI. Le gouverneur par intérim de la Banque du Liban, Wassim Mansouri, a récemment mené des négociations avec des responsables internationaux pour tenter de convaincre que des mesures suffisantes sont en place pour éviter cette sanction. Cependant, ces efforts n’ont pas encore permis d’écarter complètement cette menace​.

L’inscription du Liban sur la liste grise pourrait également avoir un effet dissuasif sur les transferts de fonds vitaux pour le pays, et fragiliser encore plus la position du pays dans le système financier mondial. Sans actions concrètes et immédiates, le Liban pourrait basculer dans un isolement économique encore plus prononcé, rendant toute relance économique extrêmement difficile​ (FATF-GAFI).

La fin de l’illusion de la stabilité économique par le Fresh dollar

Dans ce contexte, l’illusion d’une certaine stabilité induite par l’utilisation du Fresh dollar serait également menacée. Depuis l’effondrement de la livre libanaise, le Fresh dollar, utilisé pour les transactions internationales, avait permis à certains secteurs de maintenir un semblant de normalité économique. Cependant, avec l’inclusion potentielle du Liban sur la liste grise, cette stabilité fragile serait compromise. Les banques étrangères, soumises à des contrôles renforcés, pourraient réduire ou interrompre leurs relations avec les banques libanaises, rendant les transactions en devises étrangères plus difficiles, voire impossibles.

Cette situation mettrait fin à la relative sécurité offerte par le Fresh dollar, plongeant ainsi le pays dans une crise de liquidité encore plus sévère. Cela affecterait également les transferts d’argent de la diaspora libanaise, sur lesquels de nombreuses familles libanaises comptent pour subvenir à leurs besoins quotidiens.

L’économie en espèces et l’isolement croissant

En parallèle, le Liban dépend largement d’une économie en espèces, où une grande partie des transactions se fait en dehors du système bancaire officiel, en raison de la méfiance généralisée à l’égard des institutions financières locales. Si le Liban venait à être inscrit sur la liste grise du GAFI, cette économie informelle serait encore plus fragilisée, alors que les contrôles sur les flux d’argent en provenance et à destination du pays seraient renforcés. Cela accroîtrait l’isolement économique du pays, rendant presque impossible toute tentative de stabilisation financière.

L’abandon de Salamé et la boîte de Pandore ouverte

Dans un effort pour éviter l’inclusion du Liban sur la liste grise du GAFI, les dirigeants politiques libanais ont préféré abandonner Riad Salamé, autrefois considéré comme un acteur clé de la gestion financière du pays. Cependant, en se défaussant sur Salamé, ils ont involontairement ouvert une boîte de Pandore, car cette arrestation pourrait conduire à des enquêtes plus larges sur d’autres figures influentes du paysage politique et bancaire libanais. Des scandales comme ceux impliquant Forry Associates et Optimum Invest, des entreprises liées à des opérations de détournement de fonds, pourraient également impliquer des dirigeants de banques locales et d’autres personnalités du secteur financier.

L’arrestation de Riad Salamé marque une tentative de répondre aux exigences internationales pour éviter l’inclusion du Liban sur la liste grise du GAFI, mais elle pourrait déclencher une série d’enquêtes plus vastes touchant la classe politique. De plus, la fin de l’illusion de stabilité économique fournie par le Fresh dollar accentuerait encore les difficultés économiques du pays. Le Liban doit désormais s’engager dans des réformes profondes pour éviter un isolement financier total et sortir de cette spirale de crise.

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