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Cartographie électorale du Mont-Liban : analyse des basculements par circonscription

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Le scrutin municipal du 4 mai 2025 dans le Mont-Liban a livré une carte électorale riche en enseignements. Entre bastions confortés, territoires disputés et circonscriptions en recomposition, les résultats révèlent les lignes de force et les fragilités des grandes formations politiques chrétiennes et druzes, ainsi que la persistance d’un vote local souvent structuré par des alliances transversales. Cette cartographie met en lumière une configuration politique segmentée, où les logiques locales et les rapports de pouvoir historiques pèsent autant que les appartenances partisanes nationales.

Baabda : maintien du CPL, percées ponctuelles des indépendants

À Baabda, le Courant patriotique libre (CPL) a confirmé sa position dominante dans plusieurs municipalités majeures. Les listes soutenues par le parti ont été élues dans des localités stratégiques comme Antelias, Kahhala et Hazmieh. Dans certaines zones, la victoire a été obtenue par acclamation, renforçant la mainmise du CPL sur le terrain sans pour autant permettre une mesure précise de sa capacité mobilisatrice.

Cependant, dans d’autres municipalités de Baabda, des listes indépendantes ont réussi à s’imposer ou à faire jeu égal avec les formations traditionnelles. Cette percée, bien que marginale, traduit une volonté de renouvellement dans certains segments urbains, notamment dans les quartiers périphériques où les enjeux de gestion municipale sont devenus plus importants que les appartenances partisanes.

Metn : fragmentation électorale et bataille serrée

Le Metn a été le théâtre d’une compétition serrée entre le CPL et les Forces libanaises (FL). Aucune des deux formations n’a réussi à imposer une domination totale sur l’ensemble de la circonscription. Le CPL a conservé des positions solides dans des localités comme Sourat et Antelias, tandis que les FL ont enregistré des victoires significatives dans certaines zones rurales et dans des villes à forte identité communautaire.

Cette fragmentation reflète une évolution du paysage électoral, où la polarisation traditionnelle s’atténue au profit d’alliances locales plus pragmatiques. Dans plusieurs cas, les résultats ont été déterminés par des coalitions entre figures indépendantes et blocs partisans secondaires, révélant une érosion des lignes de clivage classiques.

Keserwan : bastion partagé entre continuité et percées adverses

À Keserwan, territoire historiquement disputé entre les FL et le CPL, les résultats des municipales ont révélé un équilibre instable. Le CPL a remporté plusieurs scrutins, notamment dans des zones à forte densité résidentielle, grâce à un maillage territorial structuré. À l’inverse, les FL ont renforcé leur présence dans des villages plus homogènes confessionnellement, où l’ancrage familial et l’identité politique locale jouent un rôle central.

La carte du Keserwan reste marquée par une opposition frontale entre les deux camps, mais aucun basculement décisif n’a été observé. Les rapports de force y demeurent stables, bien que fragilisés par une abstention élevée et par des désaccords internes ayant freiné la dynamique de campagne des deux partis.

Jbeil : territoire conservé par les FL malgré la pression

À Jbeil, les Forces libanaises ont réussi à maintenir leur domination, notamment grâce à des alliances locales consolidées. Le parti y a mené une campagne axée sur la continuité municipale, la gestion des infrastructures et le développement touristique, des thématiques bien reçues par un électorat soucieux de stabilité.

Le CPL, bien qu’actif dans certaines zones, n’a pas réussi à percer de manière significative. Sa stratégie de campagne plus discrète et son choix de candidats peu connus ont freiné sa progression. Jbeil reste ainsi une circonscription-clé pour les FL, où leur position de force a été confortée.

Jounieh : basculement au profit du CPL

L’une des surprises du scrutin réside à Jounieh, où une liste soutenue par le CPL a remporté la majorité. Cette victoire a marqué un basculement important dans une ville symbolique, longtemps considérée comme proche des Forces libanaises. Elle traduit un déplacement du vote urbain vers une logique plus fonctionnelle et moins idéologique, où les promesses de développement local et d’investissements dans les infrastructures ont primé.

La défaite des FL à Jounieh a été perçue comme un revers stratégique, soulignant leurs difficultés à renouveler leur discours dans les zones à forte densité urbaine. Le CPL, en misant sur un profil technocratique et des alliances souples, a su tirer parti des attentes locales.

Chouf : équilibre communautaire et stabilité politique

Dans le Chouf, fief traditionnel du leadership druze, les élections se sont déroulées dans une relative stabilité. Le Parti socialiste progressiste (PSP) a maintenu une forte présence dans l’ensemble des municipalités, souvent à travers des listes de consensus intégrant des représentants d’autres confessions. La cartographie électorale reflète ici une logique d’équilibre plus que de compétition, où la légitimité repose sur la capacité à préserver la paix sociale plus que sur la conquête partisane.

Cette approche a empêché l’émergence de conflits ouverts et consolidé un système politique local centré sur la répartition des rôles entre familles et notables, selon une tradition bien ancrée dans la région.

Aley : maintien de la gestion consensuelle

La circonscription d’Aley suit une logique similaire à celle du Chouf. Les élections municipales y ont été largement dominées par des listes de coalition, construites autour du PSP, mais ouvertes à des acteurs indépendants et communautaires. Aucune confrontation directe n’a dominé la scène locale, signe d’un consensus maintenu entre les principales forces sociales et politiques.

La cartographie électorale d’Aley montre une uniformité politique rare, où les disparités entre villages ont été gommées par une stratégie d’intégration. Cela a permis une élection sans incidents et une transition en douceur dans la plupart des conseils municipaux.

Les zones d’acclamation : une cartographie du consensus ou du vide électoral

Parmi les 330 municipalités concernées dans cette phase, 70 ont vu leurs conseils élus par acclamation. Ces cas se concentrent majoritairement dans des zones rurales, à faible densité ou à forte homogénéité communautaire. La carte de ces acclamations dessine une autre réalité politique : celle d’un consensus imposé, d’un vide de compétition ou d’un verrouillage du champ électoral par les notables.

Ces municipalités sont souvent celles où le contrôle social est le plus fort, où les enjeux de gestion sont peu politisés, ou où les rivalités ont été neutralisées en amont. Elles témoignent aussi de la faiblesse des dynamiques démocratiques dans certaines régions, où l’élection est perçue comme une formalité administrative plus que comme un acte de citoyenneté.

Une géographie électorale révélatrice des mutations politiques

La cartographie électorale issue des municipales du Mont-Liban ne dessine pas une ligne de fracture nette entre gagnants et perdants. Elle révèle plutôt un paysage politique segmenté, où les bastions se maintiennent, où les recompositions sont locales, et où les logiques d’alliance, de notabilité et de gestion jouent un rôle central.

Pour les partis traditionnels, elle constitue un outil de mesure de leur implantation réelle. Pour les forces émergentes, elle illustre les barrières qu’il reste à franchir pour construire une alternative crédible. Et pour les citoyens, elle reflète la complexité d’un système politique où le local reste profondément façonné par les appartenances, les équilibres et les arrangements.

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