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Comment les habitants du Sud-Liban vivent l’incertitude autour de la FINUL

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La FINUL au cœur des mécanismes de survie quotidienne

La mission de la FINUL s’est profondément intégrée à la réalité sociale et économique du Sud-Liban depuis sa réactivation élargie après la guerre de 2006. Pour les habitants de cette région frontalière, la présence des casques bleus est d’abord vécue comme un amortisseur du risque sécuritaire, mais aussi comme une source indirecte de revenus et de services dans un environnement où l’État libanais est largement absent. Les articles publiés le 10 juin 2025 rapportent des témoignages concordants : les habitants redoutent qu’une modification du mandat, voire une réduction du contingent, ne laisse leur région exposée, non seulement à des risques militaires accrus, mais aussi à un abandon logistique et économique brutal.

À Blida, un commerçant affirme que « les militaires étrangers sont les seuls clients réguliers de son café » et que, sans eux, il devrait fermer. À Yarine, une coopérative agricole dépend d’un programme soutenu par la FINUL pour l’entretien des pistes rurales, ce qui conditionne l’accès aux marchés. Ces exemples montrent que la mission onusienne, au-delà de ses attributions de surveillance, structure de manière concrète les circuits de fonctionnement local. Son rôle dépasse la prévention de la guerre : elle soutient des mécanismes élémentaires de continuité de la vie.

Une réalité partagée à travers les localités rurales et semi-urbaines du Sud, où la FINUL intervient dans l’éducation, la santé, les infrastructures et le développement rural. La rénovation d’une école à Marjayoun, la livraison de matériel médical à un dispensaire de Tibnine, ou l’entretien d’un réservoir d’eau à Aita ech Chaab sont autant d’exemples cités dans les journaux. Les habitants expriment un mélange de reconnaissance pragmatique et d’inquiétude face à une possible disparition de ces soutiens. Ils savent que ces services ne relèvent normalement pas d’une mission militaire étrangère, mais reconnaissent leur utilité en l’absence de l’État.

Sentiment d’abandon et absence de relais institutionnel

La quasi-totalité des articles publiés souligne un point récurrent : l’État libanais n’offre pas d’alternative crédible en cas de retrait ou de transformation de la FINUL. Dans un pays traversé par une crise institutionnelle majeure et une paupérisation accélérée, les services publics ont disparu de larges pans du territoire. Dans les villages du Sud, les structures sanitaires manquent de personnel et de médicaments, les écoles sont sous-dotées, et les infrastructures routières se dégradent à vue d’œil. Face à cela, la mission onusienne représente un substitut de stabilité et de continuité.

À Alma ech Chaab, un enseignant affirme que l’unique ordinateur de son école a été fourni par la FINUL, et qu’il n’a reçu aucune assistance du ministère de l’Éducation depuis plus de deux ans. À Khiam, un habitant confie que les seules opérations de désensablement de la rivière locale ont été effectuées par un contingent étranger à la demande de la municipalité. Ces cas concrets illustrent une situation largement partagée, dans laquelle les institutions libanaises ne remplissent plus leurs missions essentielles.

Ce déficit structurel alimente un sentiment d’abandon largement documenté. À Rmeich, une infirmière déclare : « L’État, ici, on ne le voit jamais. Les casques bleus, eux, passent tous les jours. » Cette réalité alimente un double processus : d’un côté, une dépendance accrue aux ressources extérieures ; de l’autre, une délégitimation de l’autorité publique nationale, perçue comme lointaine, inefficace, voire inexistante. Dans ce vide, la FINUL devient, par défaut, une forme d’administration de proximité.

Ce rôle de substitution ne va pas sans ambiguïté. Les habitants savent que les casques bleus ne sont pas là pour remplacer l’État, et que leur mission est par essence temporaire. Mais dans l’urgence du quotidien, cette distinction n’a plus beaucoup de sens. Ce sont les militaires étrangers qui aident à réparer les canalisations, à équiper les écoles, à transporter les blessés lors d’événements. Leur présence est devenue un élément de stabilité fonctionnelle autant que de dissuasion militaire.

Une perception fragmentée selon les zones d’influence

Si le rôle de la FINUL est largement reconnu dans la région, la manière dont il est perçu varie selon les localités et les affiliations politiques ou communautaires. Dans les villages où le Hezbollah exerce une influence dominante, la mission est observée avec plus de distance, voire de suspicion. Des témoignages rapportés le 10 juin évoquent une forme de tolérance conditionnelle. À Kafr Kila, un habitant affirme que « les casques bleus ne dérangent pas tant qu’ils respectent la population ». Mais il ajoute que « s’ils commencent à faire du renseignement ou à s’immiscer, ça peut devenir dangereux ».

Ces propos illustrent une ambiguïté structurelle. La FINUL est tolérée en tant que force de stabilisation, mais elle est aussi perçue par certains comme un potentiel vecteur de pression occidentale ou israélienne. Cette perception est renforcée par les déclarations politiques récurrentes sur une révision du mandat, perçues comme dictées par Washington ou Tel Aviv. La population locale, même lorsqu’elle coopère avec les contingents, reste attentive à toute évolution du comportement opérationnel sur le terrain.

Dans les localités chrétiennes, en revanche, la coopération est souvent plus fluide. À Rmeich, les autorités municipales collaborent étroitement avec les contingents européens, notamment italiens et français. La presse du jour décrit une relation de confiance basée sur des années de projets conjoints. Une élue municipale explique que « la FINUL est un partenaire, pas un contrôleur. Ils nous respectent, et nous leur faisons confiance ». Cette hétérogénéité des perceptions traduit la fragmentation du tissu politique et communautaire libanais, où chaque acteur local projette sur la mission onusienne ses attentes, ses craintes et ses alliances.

Cette perception différenciée complexifie la mission des contingents. Les règles d’engagement, pourtant définies de manière uniforme, sont interprétées différemment selon les zones. Dans certains villages, la FINUL est accueillie chaleureusement, avec des repas partagés et des cérémonies locales. Dans d’autres, elle est simplement tolérée, et parfois confrontée à de l’hostilité passive. Ces écarts influencent aussi la sécurité des patrouilles, la fluidité de la coordination avec l’armée libanaise, et la capacité de la mission à intervenir de manière équitable.

L’inquiétude face à un possible retrait ou changement de mandat

L’un des éléments les plus fréquemment rapportés dans les témoignages recueillis le 10 juin est la peur d’un vide sécuritaire si la mission onusienne devait être réduite ou modifiée sans coordination préalable. Cette crainte est nourrie par des souvenirs encore vifs : les bombardements israéliens de 2006, les escarmouches de 2018, les frappes aériennes de 2023. Pour de nombreux résidents, la FINUL agit comme un rempart passif mais dissuasif, dont l’absence serait perçue comme un feu vert donné à une nouvelle phase d’instabilité.

À Marjayoun, un habitant affirme : « Sans les casques bleus, je ne laisserais pas mes enfants aller seuls à l’école. Ce n’est pas parce qu’ils empêchent la guerre, mais parce que leur présence oblige tout le monde à réfléchir avant d’agir. » À Blida, une enseignante explique que les parents se montrent plus nerveux ces dernières semaines, redoutant une escalade en cas de modification du mandat.

Les rumeurs d’un retrait partiel ou d’un changement de posture opérationnelle circulent dans les discussions publiques, alimentées par les déclarations contradictoires dans la presse. Certaines familles envisagent même de quitter temporairement leurs villages pour se réfugier à Beyrouth ou dans les montagnes si la situation venait à se dégrader. Cette perspective, bien que pas encore concrète, illustre la perte de confiance progressive dans la capacité des institutions nationales à anticiper ou à prévenir une crise majeure.

Un impact direct sur l’éducation et la santé

Le rôle indirect de la FINUL dans les secteurs éducatif et sanitaire est souvent sous-estimé dans les débats politiques nationaux. Pourtant, la presse du 10 juin rapporte plusieurs cas concrets où l’intervention des contingents a permis le maintien ou la restauration de services essentiels. À Aita ech Chaab, une école primaire a bénéficié d’un programme de rénovation financé par un bataillon européen. À Khiam, un centre de santé a reçu des équipements médicaux vitaux via un partenariat logistique. Ces actions, modestes dans leur ampleur, sont cruciales dans des zones où les ministères concernés n’interviennent plus depuis des années.

La disparition de ces soutiens, même partiels, aurait un impact immédiat sur la population. Plusieurs directeurs d’école et responsables d’ONG expriment leur inquiétude : sans les camions de livraison, les groupes électrogènes prêtés ou les fournitures scolaires fournies, ils ne pourraient pas maintenir leurs activités à la rentrée prochaine. Dans les dispensaires, le départ des équipes médicales mobiles coordonnées avec la FINUL signifierait un retour à des formes de médecine informelle, basées sur des donations privées et des initiatives bénévoles locales.

Cette réalité pose la question de la capacité de résilience des institutions locales. Dans un environnement où l’État est absent, les structures de solidarité communautaire jouent un rôle tampon. Mais elles sont à bout de souffle. Le retrait de la FINUL aggraverait non seulement la précarité matérielle, mais aussi l’isolement social et psychologique des populations.

Une présence qui structure l’équilibre social

La mission de la FINUL, bien qu’elle ne soit pas mandatée pour des fonctions sociales, a développé avec le temps un rôle d’équilibre implicite. Ses patrouilles régulières, ses contacts avec les autorités locales, sa présence visible dans les zones rurales participent à une forme de normalisation. Elle offre un cadre de référence, même minimal, qui empêche que le Sud ne sombre dans l’anomie ou la guerre de voisinage.

Plusieurs articles mentionnent les rencontres hebdomadaires entre les officiers de liaison de la FINUL et les chefs municipaux. Ces réunions permettent de traiter des conflits de propriété, des différends agricoles, ou des questions de sécurité liées aux passages frontaliers. Sans ces mécanismes, les tensions pourraient rapidement dégénérer, en l’absence de force de police suffisante ou de justice locale fonctionnelle.

Des habitants décrivent aussi un sentiment de reconnaissance lié à la politesse, la discipline et l’attention des soldats étrangers. Même si la barrière linguistique demeure, les interactions sont souvent empreintes de respect mutuel. Un jeune homme de Kfar Hamam confie : « Je n’ai jamais parlé à un fonctionnaire libanais, mais j’ai déjà partagé un café avec un casque bleu. Ils sont plus proches que nos propres représentants. »

La limite d’un modèle d’équilibre fragile

Malgré tous les aspects positifs relevés, les habitants savent que la FINUL ne peut pas être une solution pérenne. Son mandat est temporaire, ses effectifs sont soumis aux décisions des pays contributeurs, et sa mission dépend d’un consensus international de plus en plus fragile. Les débats en cours au Conseil de sécurité inquiètent les populations locales précisément parce qu’ils échappent à leur contrôle. Le sentiment d’être à la merci de décisions extérieures, prises loin de leurs réalités, alimente une forme de résignation politique.

À cette incertitude s’ajoute une inquiétude plus profonde : celle de voir le Sud redevenir un territoire de confrontation par procuration. La crainte que le retrait de la FINUL soit le prélude à une nouvelle montée des tensions entre Israël et le Hezbollah est présente dans tous les témoignages. Les habitants ont l’expérience du coût humain, matériel et psychologique de ces affrontements, et redoutent d’en faire à nouveau les frais.

Dans ce contexte, l’inaction de l’État libanais est vécue comme une abdication. Les populations attendent des réponses concrètes, des garanties de continuité, des plans de secours. À défaut, elles s’accrochent à ce qui reste : la visibilité des patrouilles, la ponctualité des projets civils, la familiarité des uniformes bleus. Autant d’éléments qui, en dépit de leur caractère étranger, sont devenus des points d’ancrage dans un quotidien incertain.

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Newsdesk Libnanews
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