Ces derniers jours, le Liban a été frappé par une série de tragédies dévastatrices. Cependant, il ne s’agit ni de catastrophes naturelles ni d’accidents, mais bien de drames « presse-bouton », orchestrés et planifiés. En parcourant les médias français, on pourrait croire que ces événements sont décrits sous un prisme presque glorifiant. Heureusement, la presse anglo-saxonne, plus critique, adopte une approche différente. Dans la couverture médiatique française, on semble admirer l’ampleur des opérations militaires israéliennes, comme si elles représentaient des exploits tactiques à célébrer.
Les victimes sont systématiquement présentées sous un angle qui tend à les déshumaniser : ce sont des « militants du Hezbollah », des « commandants » de ce mouvement. Cette approche, par une simplification narrative, invisibilise les civils innocents pris dans la tourmente de ces conflits. On oublie volontairement de mentionner les vies civiles fauchées dans ces frappes : des femmes, des enfants, des soignants qui se trouvaient dans des écoles, des hôpitaux, ou simplement chez eux.
Ce qui est encore plus troublant, c’est la sélectivité flagrante dans l’approche morale des médias francophones et des opinions publiques face à ces tragédies. On s’indigne à juste titre des massacres du 7 octobre, mais lorsque ce sont des Palestiniens ou des Libanais qui sont pris pour cible, les pertes civiles deviennent soudainement acceptables, voire justifiées. Cette double morale semble régner sans complexe : la souffrance de certains mérite l’empathie, tandis que celle des autres est minimisée, justifiée ou tout simplement passée sous silence. C’est un constat douloureux d’une humanité à géométrie variable, où la compassion semble se diviser en fonction des camps.
Prenons par exemple les événements du 17 septembre, lors desquels les explosions ont tué non seulement des combattants, mais aussi des enfants et des soignants. Ces frappes ont touché des zones où des civils étaient présents, et il est désormais clair que le système d’alerte précoce israélien, bien qu’efficace, ne protège pas toujours ceux qui ne sont pas impliqués dans le conflit. Certes, ce système alerte aussi les secouristes, mais il n’a pas empêché la mort d’innocents qui se trouvaient au mauvais endroit, au mauvais moment.
Hier encore, l’attaque aérienne dans la banlieue sud de Beyrouth a été rapportée comme une prouesse militaire, une opération chirurgicale visant à éliminer une personne recherchée depuis des années. Ce qui a été largement occulté dans les médias français, c’est que la plupart des victimes de cette attaque étaient des enfants.
En temps de guerre, une question morale récurrente se pose : faut-il frapper lorsqu’il y a des civils à proximité des cibles militaires ? Ce dilemme, qui était autrefois l’apanage des stratèges militaires, est désormais en partie géré par des algorithmes d’intelligence artificielle, capables de décider en quelques secondes du sort de dizaines de vies humaines. Pourtant, un autre dilemme, tout aussi urgent, se dessine en parallèle dans les rédactions du monde entier : la manière dont les médias justifient, voire légitiment, ces actes en faisant disparaître tout sentiment d’appartenance à l’Humanité. En invisibilisant les victimes civiles, en effaçant leur existence de la couverture médiatique, on réduit ces tragédies à des succès militaires froidement analysés.
Le rôle des médias devrait être de préserver l’humanité, même dans les récits de guerre. En rendant hommage à ceux qui ont péri dans ces conflits, en les nommant, en racontant leur histoire, ils rappellent que derrière chaque mort se cache une vie qui méritait d’être protégée. Garder notre Humanité intacte, même face à l’horreur, est un impératif moral que nous ne devons jamais perdre de vue, quelle que soit notre opinion sur le conflit.





