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Edito: quand le XXIe siècle ressuscite les ombres du XXe

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Un frisson nous étreint, une sensation diffuse mais oppressante : l’histoire, que nous croyions maîtrisée, revient nous défier. Le XXIe siècle, avec ses écrans omniprésents et ses promesses d’avenir, se pare des couleurs sombres du début du XXe, une époque de cynisme, de rivalités et de ruptures brutales. La diplomatie transactionnelle de Donald Trump rappelle le pacte Ribbentrop-Molotov, la montée des extrêmes droites évoque les années 1930, et la course aux ressources stratégiques réactive des instincts impérialistes. Mais ce n’est pas tout : les transitions technologiques et industrielles, hier comme aujourd’hui, bouleversent nos sociétés, semant la peur et la résistance, et réveillant des mouvements sociaux qui font écho aux révolutions du passé. Ces parallèles ne sont pas fortuits ; ils tracent une voie inquiétante, et aujourd’hui, on peut avoir très peur d’une évolution qui semble inéluctable, un chaos que nos outils modernes risquent d’amplifier jusqu’à l’irréparable.

La diplomatie transactionnelle de Trump : un pacte Ribbentrop-Molotov moderne

Revenu au pouvoir en 2025, Donald Trump a transformé la diplomatie américaine en un marché de dupes, un écho troublant du pacte Ribbentrop-Molotov de 1939. À l’époque, l’Allemagne nazie et l’URSS, ennemies jurées, s’étaient partagé l’Europe de l’Est, sacrifiant la Pologne dans un accord secret qui avait sidéré le monde. Aujourd’hui, l’Ukraine est la victime, dépecée entre les États-Unis et la Russie dans ce qu’on appelle un « pacte Trump-Poutine ». Les similitudes frappent : Trump, remplaçant Hitler, et Poutine, succédant à Staline, redessinent des frontières au mépris de la souveraineté, leurs tractations trahies par des posts laconiques sur X (« L’Ukraine doit choisir la paix »). Mais la transparence de cette realpolitik moderne est ce qui glace : là où 1939 se jouait dans l’ombre, 2025 se déroule sous les projecteurs d’un monde connecté.

Ce qui terrifie davantage, c’est l’amplification des enjeux. L’Ukraine, avec ses terres rares et son rôle géopolitique, n’est pas un simple pion territorial ; elle est un levier dans une guerre économique globale, entre un Trump cherchant à contrer la Chine et un Poutine rêvant de restaurer l’empire perdu. L’OTAN, autrefois rempart, est reléguée au second plan, ses membres paralysés par les pressions américaines. Cette diplomatie n’est pas une redite du passé ; elle est une version accélérée, où les cyberarmes, les sanctions et les algorithmes remplacent les blindés, rendant chaque décision plus volatile. On peut avoir très peur que cette spirale, une fois enclenchée, devienne un engrenage impossible à briser.

Une leçon polonaise oubliée : l’UE face à un choix historique

Dans les années 1920, la Pologne, ressuscitée après des siècles d’effacement, avait proposé une alliance audacieuse aux pays baltes et à la partie de l’Ukraine opposée à l’Armée rouge. Baptisée Intermarium, cette coalition visait à contrer l’Allemagne et l’URSS, mais elle s’effondra, faute de solidarité et de soutien occidental, abandonnant l’Est aux appétits impérialistes. Aujourd’hui, l’Union européenne pourrait-elle reprendre ce flambeau, unissant la Pologne, les Baltes et une Ukraine mutilée mais combattive face à la Russie ? Avec son poids économique et son idéal d’unité, l’UE a les atouts pour le faire. Pourtant, ses divisions – la Hongrie pro-Moscou, les hésitations franco-allemandes – rappellent les faiblesses des démocraties d’antan.

Le parallèle avec les années 1920 est saisissant : un vide stratégique s’ouvre à l’Est, que Poutine exploite avec une froide opportunité. Mais là où la Pologne était alors seule, l’UE dispose d’outils modernes – une monnaie commune, une diplomatie supranationale – qui pourraient inverser la donne. Cependant, l’inaction domine, et le spectre des années 1930 resurgit : des nations passives laissant Hitler et Staline dévorer leurs voisins. Aujourd’hui, avec une Russie affaiblie mais agressive et un allié américain sous Trump devenu imprévisible, le temps presse. Si l’UE ne saisit pas cette chance, l’évolution vers une dislocation progressive de l’Est semble inéluctable, une perspective qui noue l’estomac.

Le spectre du fascisme : Vance, Musk et les extrêmes

La montée des extrêmes droites assombrit encore le tableau. JD Vance, vice-président de Trump, incarne un populisme radical qui fait écho aux années 1930. Son soutien au « coup de Munich » de 2025 – une alliance assumée avec l’extrême droite allemande – rappelle l’ascension de Hitler, portée par le chaos économique et le nationalisme. Mais Vance n’a pas besoin de putsch ; il exploite un ressentiment moderne – stagnation sociale, peur de l’immigration, rejet des élites – amplifié par des milliardaires comme Elon Musk. Là où Hitler enflammait des foules, Vance domine les réseaux sociaux, ses idées se propageant à une vitesse fulgurante.

Musk, avec son empire technologique et son contrôle de X, joue un rôle semblable aux industriels allemands, les Junger, qui finançaient le nazisme. Ses tweets (« L’Occident doit se réveiller ») et son soutien à des partis comme l’AfD ou le RN légitiment un discours ultranationaliste, propulsé par une technologie qui abolit les frontières. En 1933, le fascisme prenait des années à s’enraciner ; en 2025, il explose en temps réel, porté par la viralité. Cette rapidité est glaçante : chaque victoire électorale de l’extrême droite, chaque post incendiaire nous rapproche d’un précipice. Et comme jadis, l’extrême gauche réagit – émeutes anti-Musk, appels révolutionnaires – polarisant un monde déjà fracturé. On peut avoir très peur que cette escalade, dopée par la modernité, devienne une tornade incontrôlable.

Terres rares et réarmement : le nouveau nerf de la guerre

Sur le plan économique, les similitudes avec le passé s’intensifient. Le charbon et le pétrole, enjeux majeurs du XXe siècle, ont cédé la place aux terres rares et à l’énergie verte. L’Ukraine, avec son lithium et son titane, est au cœur des tractations entre Trump et Poutine, comme la Ruhr l’était pour l’Allemagne et la France. Ces ressources ne sont pas de simples commodités ; elles sont les clés des technologies modernes – IA, batteries, armements – et leur contrôle est une question de suprématie.

Ce rush s’accompagne d’un réarmement alarmant. Les États-Unis, la Chine et la Russie investissent massivement dans des armes avancées, une course qui rappelle les années précédant 1914 ou 1939. Le Japon, hier pacifiste, envisage de se militariser face à la Chine, tandis que l’Europe suit, hésitante. Mais contrairement au passé, cette compétition inclut des cyberarmes et des drones, rendant l’escalade plus rapide et mortelle. En 1914, la quête des ressources menait aux tranchées ; aujourd’hui, elle pourrait déclencher un conflit total, numérique et nucléaire. L’évolution vers cette confrontation semble inéluctable, et cette idée est suffocante.

La politique de la canonnière : un retour au XIXe siècle

Enfin, la diplomatie de Trump ressuscite la politique de la canonnière du XIXe siècle, où la menace dictait la soumission. « Faites ce que nous disons, ou c’en est fini », imposaient les empires d’alors. Trump, avec ses sanctions, ses pressions sur l’Ukraine (« acceptez ou perdez »), et ses visées sur le Groenland, réinvente cette logique avec des outils modernes – tariffs, chantage énergétique, désinformation. Son « America First » est un impérialisme masqué, qui fragilise l’OTAN, l’ONU, l’UE. Au XIXe siècle, cela menait à des guerres coloniales ; aujourd’hui, cela risque de disloquer un monde interdépendant, où chaque rupture peut provoquer un cataclysme. Que cette dynamique semble irréversible est une pensée qui paralyse.

Transitions technologiques : du charbon au pétrole, de l’IA à la peur

Mais au-delà des jeux géopolitiques, un autre parallèle avec le passé émerge, plus profond et plus viscéral : les transitions technologiques et industrielles qui bouleversent nos sociétés, hier comme aujourd’hui, et la peur qu’elles inspirent. Au tournant du XXe siècle, le monde passait du charbon au pétrole, une révolution qui a transformé les économies, les guerres et les modes de vie. Le charbon, pilier de la révolution industrielle, alimentait les usines et les chemins de fer, mais le pétrole a tout accéléré : il a propulsé les moteurs, les navires, puis les chars et les avions de la Première Guerre mondiale. Cette transition n’était pas qu’une affaire d’énergie ; elle a redessiné l’industrie elle-même. Le travail à la chaîne, popularisé par Henry Ford dans les années 1910, a mécanisé la production, transformant les ouvriers en rouages d’une machine implacable. Les rythmes infernaux, les salaires maigres, la perte d’autonomie : tout cela a suscité une angoisse diffuse, une résistance instinctive au changement.

Les gens n’aiment pas évoluer. Ce n’est pas nouveau. À chaque grande transition, l’humanité a vacillé, partagée entre fascination et terreur. En 1848, l’Europe s’embrasait dans une vague de révolutions, nourries par les débuts de l’industrialisation : les machines remplaçaient les artisans, les villes s’enflammaient de misère, et les inégalités explosaient. Plus tard, la révolution russe de 1917, amplifiée par la mécanisation et la guerre, a renversé un empire, portée par des masses déracinées par le progrès. Ces bouleversements technologiques n’étaient pas neutres ; ils brisaient des mondes familiers, jetant les populations dans l’incertitude, et les poussant à se révolter ou à chercher des boucs émissaires.

Aujourd’hui, nous vivons une transition tout aussi brutale, et la peur est palpable. La transition écologique, avec ses promesses d’énergie verte, impose des ruptures radicales : fin des combustibles fossiles, électrification massive, dépendance aux terres rares. La mondialisation, qui a délocalisé les usines et noyé les marchés sous des flux incessants, a laissé des millions sur le carreau, leurs emplois engloutis par des chaînes d’approvisionnement tentaculaires. Et l’intelligence artificielle, peut-être le plus grand basculement, menace de remplacer non seulement les mains, mais les esprits – chauffeurs, rédacteurs, même médecins risquent de devenir obsolètes. Ces changements, comme ceux du passé, sont rapides, implacables, et laissent peu de place à l’adaptation. Les gens regardent ces machines invisibles – algorithmes, robots, drones – avec la même méfiance que leurs ancêtres face aux usines crachant de la vapeur.

Cette peur du progrès n’est pas irrationnelle ; elle est humaine. Elle naît de l’incertitude, de la perte de contrôle, du sentiment d’être dépassé par un monde qui mute trop vite. Et comme au XIXe et au XXe siècle, elle alimente des réactions violentes. Les mouvements sociaux d’aujourd’hui – Gilets jaunes en France, manifestations anti-5G, grèves contre l’automatisation – font écho aux révoltes d’hier. En 1848, les artisans brisaient les métiers à tisser ; en 2025, des foules dénoncent l’IA et les élites technocrates sur X, relayant des théories conspirationnistes à une vitesse inédite. Ces sursauts ne sont pas isolés ; ils sont les symptômes d’une transition qui, comme celles du passé, fracture les sociétés et ouvre la porte aux extrêmes. On peut avoir très peur que cette résistance au changement, amplifiée par la mondialisation et la technologie, ne dégénère en révolutions modernes, aussi chaotiques que celles de 1848 ou 1917.

Les révolutions d’hier, les soulèvements d’aujourd’hui

Regardons le passé de plus près. Les révolutions de 1848, surnommées le « Printemps des peuples », ont éclaté alors que l’industrialisation bouleversait l’Europe. Les machines à vapeur, les chemins de fer, l’exode rural : tout cela a déstabilisé des économies agraires, concentrant la richesse dans les mains de quelques industriels tandis que les masses s’entassaient dans des taudis. La colère a explosé – à Paris, à Berlin, à Vienne – portée par des ouvriers, des paysans, des intellectuels révoltés par un progrès qui les excluait. Quelques décennies plus tard, la révolution russe de 1917 a suivi une logique similaire : la mécanisation, accélérée par la Première Guerre mondiale, a broyé les campagnes et les usines, jetant des millions dans la misère et la guerre. Lénine et les bolcheviks ont surfé sur ce désespoir, transformant une transition technologique en bascule politique.

Aujourd’hui, les parallèles sont troublants. La transition écologique, censée sauver la planète, creuse des fossés : les emplois industriels traditionnels – mines, pétrole, automobile – disparaissent, remplacés par des métiers high-tech auxquels beaucoup n’ont pas accès. La mondialisation a désindustrialisé l’Occident, laissant des régions entières à l’abandon, tandis que l’IA menace de déclasser des professions entières. Ces bouleversements, comme ceux du passé, créent des perdants – ouvriers, agriculteurs, petites classes moyennes – qui se sentent trahis par un progrès qui ne leur profite pas. Sur X, les hashtags #StopIA ou #Degrowth (décroissance) prolifèrent, portés par des foules qui rejettent un futur imposé. Ces mouvements sociaux, parfois désordonnés, parfois violents, rappellent les soulèvements d’antan : une même rage contre un monde qui change trop vite, une même quête de sens dans un chaos technologique.

Mais la différence est dans l’échelle et la vitesse. Là où les révolutions de 1848 mettaient des mois à s’organiser, les mouvements d’aujourd’hui naissent en heures, amplifiés par les réseaux sociaux. Les Gilets jaunes, nés en 2018 d’une taxe sur le carburant, ont paralysé la France en quelques semaines ; les manifestations anti-Musk ou anti-5G se propagent comme des feux de forêt numériques. Cette accélération rend les réactions plus imprévisibles, plus explosives. En 1917, la révolution russe a renversé un régime ; en 2025, un soulèvement globalisé pourrait fracturer des démocraties entières, surtout si les extrêmes – droite nationaliste ou gauche anticapitaliste – s’en emparent. On peut avoir très peur que ces transitions, comme celles du passé, ne débouchent pas sur un nouvel équilibre, mais sur une déflagration.

Un cri dans l’obscurité

Ces échos du passé – Ribbentrop-Molotov, l’Intermarium avorté, le fascisme, la Ruhr, la canonnière, les révolutions technologiques – ne sont pas des hasards. Ils révèlent une vérité glaçante : nos sociétés, malgré leurs avancées, restent prisonnières des mêmes pulsions – peur, avidité, résistance au changement – qui ont conduit aux catastrophes du XXe siècle. L’UE pourrait-elle reprendre le rêve polonais et contrer cette dérive ? Peut-être, mais le sablier s’épuise. Trump démantèle l’ordre moral, Vance et Musk réveillent des démons, la ruée vers les ressources attise des rivalités, et les transitions technologiques fracturent nos vies. Aujourd’hui, on peut avoir très peur d’une évolution qui semble inéluctable, un engrenage que nos outils – réseaux, IA, armes – rendent plus rapide, plus vaste, plus destructeur. L’histoire nous regarde, et elle tremble. Nous devrions trembler avec elle.

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