Le secteur technologique libanais, bien que prometteur, évolue dans un contexte économique marqué par l’instabilité et le manque d’investissements structurels. Si certaines startups parviennent à tirer leur épingle du jeu en attirant des capitaux étrangers, l’environnement global reste hostile à un essor massif de l’innovation. Face aux coupures d’électricité, à la crise monétaire et à la fuite des talents, le Liban peine à s’imposer comme un véritable hub technologique, alors que son potentiel en la matière est indéniable.
Un secteur dynamique en dépit de la crise
Malgré un contexte économique marqué par l’instabilité politique et monétaire, certaines entreprises technologiques libanaises parviennent à tirer leur épingle du jeu en s’adaptant aux nouvelles dynamiques du marché. Selon Al Bina’ (7 février 2025), plusieurs startups spécialisées dans le e-commerce, la fintech et la cybersécurité ont réussi à se démarquer grâce à des modèles d’affaires innovants et à une capacité de résilience impressionnante. Dans le domaine du commerce en ligne, la croissance de plateformes locales proposant des services adaptés aux spécificités du marché libanais a permis de capter une clientèle à la recherche de solutions pratiques face à la crise. Certaines entreprises de fintech ont, quant à elles, su répondre aux besoins d’une population de plus en plus dépendante des paiements numériques et des cryptomonnaies, à défaut d’un système bancaire pleinement fonctionnel.
L’un des facteurs clés expliquant la réussite relative de ces entreprises est leur capacité à attirer des investissements étrangers. La diaspora libanaise, en particulier celle installée dans les pays du Golfe et en Amérique du Nord, joue un rôle déterminant dans le financement et le développement de ces startups. D’après Al Akhbar (7 février 2025), plusieurs levées de fonds d’envergure ont été réalisées ces derniers mois auprès d’investisseurs libanais expatriés, soucieux de soutenir l’innovation dans leur pays d’origine. Ce soutien financier extérieur permet aux jeunes entreprises libanaises de compenser en partie l’absence d’un écosystème bancaire local efficace, les banques libanaises étant toujours engluées dans la crise de liquidité qui paralyse le secteur financier depuis 2019.
Si ces startups parviennent à maintenir leur activité et à élargir leur champ d’action au niveau régional, c’est aussi grâce à une main-d’œuvre locale extrêmement qualifiée. Le Liban a toujours été un vivier de talents en matière de technologie et d’innovation, une réputation confirmée par les performances de ses ingénieurs et développeurs dans des entreprises internationales. L’Université américaine de Beyrouth (AUB), l’Université Saint-Joseph (USJ) et d’autres institutions académiques continuent de former des diplômés hautement qualifiés dans les domaines de l’ingénierie, de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité.
Toutefois, ce potentiel humain ne bénéficie pas pleinement à l’économie locale. Le manque d’opportunités, le blocage du financement public et privé, ainsi que l’absence d’un cadre législatif incitatif conduisent à un exode massif des talents vers l’étranger. Selon Al Akhbar, plus de 40 % des jeunes diplômés en ingénierie et en informatique ont quitté le pays depuis 2020 pour s’installer aux Émirats arabes unis, au Canada, en Europe ou aux États-Unis, où les perspectives d’évolution et de rémunération sont bien plus attractives.
La stagnation du marché intérieur empêche également l’émergence de grands projets technologiques capables de rivaliser avec les pôles d’innovation régionaux comme Dubaï ou Riyad. Faute de financements et de stabilité économique, les entreprises technologiques libanaises peinent à passer à l’échelle supérieure et à structurer des offres compétitives à l’échelle internationale. Beaucoup de startups, malgré leur potentiel, se retrouvent contraintes de limiter leur expansion ou de délocaliser une partie de leurs activités à l’étranger pour assurer leur viabilité.
Malgré ces défis, certains experts estiment que le Liban dispose toujours d’une carte à jouer dans certains segments technologiques, notamment en matière de cybersécurité et de services externalisés dans le développement de logiciels. Le coût relativement faible de la main-d’œuvre qualifiée pourrait être un atout pour les entreprises étrangères cherchant à réduire leurs coûts de production tout en bénéficiant d’un savoir-faire pointu. Cependant, sans un soutien plus fort des autorités et une stabilisation du climat économique, ces opportunités risquent de rester sous-exploitées, freinant ainsi le potentiel du Liban à devenir un acteur régional de l’innovation technologique.
La fuite des talents, un problème structurel
Si le Liban dispose d’une main-d’œuvre hautement qualifiée dans le secteur technologique, il peine néanmoins à la retenir. Le pays est confronté à une hémorragie de talents, qui prive son économie d’une ressource essentielle à son développement. Selon Al Joumhouriyat (7 février 2025), environ 40 % des jeunes diplômés en ingénierie et en informatique ont quitté le pays depuis 2020 pour s’installer principalement aux Émirats arabes unis, en Europe et en Amérique du Nord. Cette tendance ne montre aucun signe de ralentissement, tant les opportunités locales restent limitées et les perspectives professionnelles incertaines.
L’exode des ingénieurs et des spécialistes du numérique trouve ses racines dans plusieurs dysfonctionnements structurels. L’instabilité politique et l’effondrement monétaire empêchent les entreprises libanaises de proposer des rémunérations attractives, les salaires étant souvent bien en deçà de ceux offerts par les firmes étrangères. À cela s’ajoute un manque criant de financements : les banques, en crise depuis 2019, accordent peu de crédits aux startups et aux entreprises innovantes, limitant ainsi leur capacité d’expansion et d’embauche.
Les infrastructures déficientes constituent une autre barrière majeure au développement du secteur. L’accès à l’électricité demeure aléatoire, obligeant les entreprises technologiques à investir dans des générateurs coûteux pour maintenir leurs activités. La connectivité Internet, bien qu’améliorée par certaines initiatives privées, reste inférieure aux standards régionaux, tandis que les infrastructures de cloud computing et de data centers sont encore sous-développées. Ce manque d’infrastructures empêche les entreprises d’exploiter pleinement leur potentiel et encourage les talents à chercher un environnement plus stable et mieux équipé à l’étranger.
D’après Al Liwa’ (7 février 2025), cette dynamique fait du Liban un exportateur de talents plutôt qu’un centre d’innovation. Ce paradoxe est d’autant plus frappant que nombre d’innovations conçues par des ingénieurs libanais profitent aujourd’hui à des entreprises basées aux États-Unis, en Europe ou dans le Golfe, plutôt qu’à l’économie nationale. Les grands pôles technologiques internationaux, conscients de la qualité des formations libanaises, recrutent activement des ingénieurs en intelligence artificielle, en cybersécurité ou en développement logiciel, aggravant ainsi l’appauvrissement du marché local en compétences de pointe.
La fuite des talents n’impacte pas seulement les entreprises technologiques, mais l’ensemble du tissu économique. En perdant ses ressources humaines les plus qualifiées, le Liban voit s’éloigner ses chances de bâtir une industrie numérique compétitive et d’attirer des investisseurs étrangers. À terme, cette situation pourrait renforcer le cycle de dépendance à l’étranger et limiter les perspectives de relance du secteur technologique. Sans un changement radical des politiques économiques et des incitations pour retenir les talents, le pays risque de se retrouver dans une position où l’innovation libanaise sera exploitée ailleurs, laissant l’économie locale à la traîne.
Les opportunités à exploiter
Tout n’est pas perdu pour autant. Malgré ces obstacles, certains experts estiment que le Liban possède des atouts qui pourraient lui permettre de se positionner comme un acteur technologique régional. Selon Ad Diyar (7 février 2025), le pays pourrait capitaliser sur certains secteurs de niche, où il bénéficie déjà d’une expertise reconnue.
La fintech, par exemple, connaît une adoption croissante, notamment avec l’essor des solutions de paiement mobile et des cryptomonnaies. L’intelligence artificielle et la cybersécurité sont également des domaines où plusieurs startups libanaises ont réussi à se faire un nom. Par ailleurs, le développement de logiciels et les services informatiques externalisés constituent une piste à explorer, dans la mesure où le coût de la main-d’œuvre qualifiée au Liban reste inférieur à celui des pays occidentaux.
Les investisseurs étrangers s’intéressent de plus en plus à ces secteurs, bien que leur engagement reste conditionné à une stabilisation de la situation politique et économique. D’après Al Sharq Al Awsat (7 février 2025), plusieurs fonds internationaux ont manifesté leur intérêt pour des projets technologiques au Liban, mais attendent davantage de garanties avant d’injecter des capitaux conséquents.
Les réformes nécessaires pour une relance durable
Pour que le secteur technologique puisse véritablement jouer un rôle moteur dans l’économie libanaise, plusieurs réformes s’imposent. L’amélioration des infrastructures numériques est une priorité absolue : sans Internet fiable et sans électricité stable, aucune entreprise ne peut prospérer dans un environnement technologique compétitif.
Les incitations fiscales pour les startups pourraient également jouer un rôle crucial. Un allègement de la fiscalité sur les investissements dans la tech favoriserait l’implantation de nouveaux acteurs et inciterait les entrepreneurs locaux à rester au Liban plutôt qu’à s’exiler. Par ailleurs, des programmes de soutien au retour des talents pourraient être mis en place pour encourager les ingénieurs expatriés à revenir et à investir leurs compétences dans l’économie nationale.
Enfin, une meilleure collaboration entre les universités et les entreprises du secteur privé permettrait d’adapter les formations aux besoins réels du marché. En créant des ponts entre la recherche académique et l’industrie, le Liban pourrait générer des innovations compétitives à l’échelle internationale.