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Escalade à la frontière syro-libanaise : l’armée syrienne accuse le Hezbollah d’enlèvements et de meurtres

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Les tensions entre la Syrie et le Liban se sont brutalement intensifiées dimanche 16 mars, lorsque le ministère syrien de la Défense a accusé le Hezbollah libanais d’avoir enlevé et exécuté trois soldats syriens le long de leur frontière commune. Cet incident, qui se serait déroulé près du barrage de Zeita à l’ouest de Homs, intervient dans un climat déjà tendu, marqué il y a quelques semaines par l’enlèvement et l’exécution d’un Libanais, neveu d’un ancien ministre libanais, près de cette même frontière. Ces événements ravivent les frictions entre les deux pays voisins, menaçant de déstabiliser davantage une région fragilisée par la chute de l’ancien président syrien Bachar el-Assad en décembre 2024.

Selon l’agence de presse officielle syrienne SANA, le ministère de la Défense a affirmé qu’« un groupe de la milice Hezbollah a enlevé trois membres de l’armée syrienne à la frontière syro-libanaise avant de les emmener sur le territoire libanais et de les éliminer ». Qualifiant cet acte d’« escalade dangereuse », le ministère a promis de « prendre toutes les mesures nécessaires » en réponse, sans préciser lesquelles. Cette accusation marque un tournant dans les relations entre les nouvelles autorités syriennes et le Hezbollah, un groupe qui fut autrefois un allié clé du régime d’Assad. Le précédent enlèvement du neveu de l’ancien ministre libanais, retrouvé mort après avoir été kidnappé près de la frontière, avait déjà suscité des inquiétudes quant à la sécurité dans cette zone instable.

Le Hezbollah a rapidement rejeté ces allégations. Dans un communiqué publié dimanche soir, le mouvement soutenu par l’Iran a affirmé qu’il « nie catégoriquement tout lien avec les événements survenus aujourd’hui à la frontière libano-syrienne ». Il a ajouté qu’il « réaffirme ses déclarations précédentes selon lesquelles le Hezbollah n’a aucune implication dans les événements se déroulant sur le territoire syrien ». Ce démenti témoigne de la volonté du groupe de se désengager de cette affaire alors que les pressions s’accumulent de la part des autorités syriennes et libanaises.

Récits contradictoires et violences transfrontalières

Les circonstances exactes de l’incident restent floues, des versions divergentes émanant de différentes sources. L’agence de presse nationale libanaise NNA a rapporté que des roquettes tirées depuis le territoire syrien ont atterri dans le village frontalier libanais de Qasr, près de la région de Qusayr, dimanche soir. « Plusieurs roquettes, tirées depuis la campagne de Qusayr à l’intérieur du territoire syrien, sont tombées sur la ville frontalière de Qasr », a-t-elle indiqué, sans fournir de détails supplémentaires sur les victimes ou les dégâts. Ces tirs ont suivi de près les informations sur la mort des soldats, suggérant une possible riposte des forces syriennes.

Une source sécuritaire libanaise a expliqué que les tensions ont débuté lorsque « trois membres des services de sécurité générale syrienne ont franchi la frontière vers le territoire libanais au niveau du village de Qasr », où ils ont été « pris pour cible par des hommes armés locaux affiliés à une famille impliquée dans le trafic de contrebande ». La raison de leur incursion demeure inconnue : s’agissait-il d’une opération intentionnelle, d’une erreur ou d’une mission plus large ? Après leur mort, les assaillants auraient remis leurs corps à l’armée libanaise, qui les a ensuite transférés aux autorités syriennes via la Croix-Rouge libanaise.

La situation s’est ensuite envenimée avec une réponse militaire syrienne. La source a indiqué que les forces de sécurité syriennes « ont bombardé des maisons à Qasr » après la restitution des corps, provoquant un exode des habitants de plusieurs villages frontaliers. Les médias locaux ont décrit des scènes de panique alors que des familles fuyaient les bombardements croissants, certaines estimations évoquant des dizaines de roquettes ayant touché le territoire libanais d’ici la fin de la nuit de dimanche. Ces violences transfrontalières font craindre un conflit plus large, dans une région déjà marquée par une instabilité chronique, comme en témoigne l’enlèvement et l’exécution récente du neveu de l’ancien ministre libanais, qui avait amplifié les tensions locales.

Un paysage régional en mutation

Cet affrontement intervient dans un contexte de bouleversement des relations entre la Syrie et le Hezbollah. Pendant des décennies, le Hezbollah a été un pilier du régime d’Assad, apportant un soutien militaire crucial pendant la guerre civile syrienne et facilitant l’acheminement d’armes iraniennes à travers une frontière perméable. La présence du groupe en Syrie, notamment dans la province de Homs près du Liban, était essentielle à la survie d’Assad face aux forces rebelles. Cependant, l’offensive éclair menée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) en décembre 2024 a renversé Assad, installant un gouvernement intérimaire qui cherche désormais à imposer son autorité sur le territoire syrien, y compris ses frontières longtemps incontrôlées.

Depuis leur prise de pouvoir, les nouvelles autorités syriennes ont fait de la lutte contre les réseaux de contrebande une priorité, ces derniers ayant prospéré sous Assad. Le mois dernier, elles ont lancé une campagne de sécurité dans la région frontalière de Homs, visant à fermer les routes utilisées pour le trafic d’armes, de drogue et d’autres marchandises illicites. Cette opération, présentée comme un effort pour restaurer la souveraineté et stabiliser le pays ravagé par la guerre, a cependant mis le nouveau gouvernement en conflit direct avec le Hezbollah et ses affiliés. Les responsables syriens ont accusé le groupe libanais de parrainer des gangs de contrebande et de lancer des attaques contre leurs forces, des allégations que le Hezbollah a systématiquement réfutées.

L’incident près du barrage de Zeita semble être le dernier point de friction dans cette tension latente, faisant suite à l’enlèvement et à l’exécution du neveu d’un ancien ministre libanais, un événement qui avait déjà mis en lumière la porosité et l’insécurité de la frontière. Bien que le Hezbollah nie toute implication dans les récents meurtres, l’accusation explicite du ministère syrien de la Défense suggère une volonté d’escalader la confrontation. Cela pourrait faire partie d’une stratégie plus large des nouvelles autorités syriennes pour se démarquer de leurs anciens alliés et asseoir leur crédibilité, tant sur le plan intérieur qu’international. « Les nouvelles autorités syriennes tentent d’envoyer un message clair : elles sont aux commandes désormais », explique une analyste. « Accuser le Hezbollah, même de manière rhétorique, est une façon d’affirmer leur contrôle sur une frontière qui a longtemps été une zone de non-droit. »

La position précaire du Hezbollah

Pour le Hezbollah, ces accusations et les violences qui ont suivi surviennent à un moment de grande vulnérabilité. Le groupe a été considérablement affaibli par son conflit prolongé avec Israël, qui s’est intensifié en 2023 et 2024 avant qu’un cessez-le-feu fragile n’entre en vigueur en novembre 2024. La chute d’Assad a également perturbé ses lignes d’approvisionnement, coupant une voie essentielle pour les armes et les ressources iraniennes. Avec une influence réduite en Syrie et des forces dispersées au Liban, le Hezbollah fait face à des défis croissants sur plusieurs fronts.

Le récit de la source sécuritaire libanaise – selon lequel les soldats syriens ont été tués par des hommes armés locaux plutôt que par le Hezbollah – laisse supposer que l’incident pourrait être le résultat d’un différend localisé plutôt que d’une opération coordonnée par le groupe militant. Qasr, comme de nombreux villages frontaliers, est depuis longtemps un centre pour les familles et milices de contrebande opérant indépendamment de la structure de commandement du Hezbollah. Cependant, le ministère syrien de la Défense semble peu enclin à faire cette distinction, présentant les meurtres comme une provocation délibérée du Hezbollah lui-même, une rhétorique qui rappelle les soupçons entourant l’exécution du neveu de l’ancien ministre libanais.

Cette narrative s’inscrit dans la campagne plus large du gouvernement intérimaire contre l’influence persistante du Hezbollah. Ces dernières semaines, les forces syriennes ont découvert des usines de drogue abandonnées et des caches d’armes dans des zones autrefois contrôlées par le groupe, notamment près de Qusayr. Ces trouvailles ont alimenté les accusations selon lesquelles le Hezbollah continue de déstabiliser la région frontalière, même si sa présence officielle en Syrie a diminué. « Le retrait du Hezbollah de la Syrie après la chute d’Assad était tactique, pas total », estime un observateur. « Ils conservent des réseaux là-bas, et c’est ce que les nouveaux dirigeants syriens cherchent à démanteler. »

Répercussions internationales

Cette flambée de violence n’a pas échappé à l’attention des acteurs régionaux et internationaux. Le gouvernement libanais, déjà aux prises avec une crise économique et une paralysie politique, a publié dimanche un communiqué appelant au calme et à la désescalade. Cependant, sa capacité à influencer la situation reste limitée, pris en étau entre les pressions internes et les dynamiques transfrontalières complexes.

À l’échelle régionale, l’incident met en lumière les défis auxquels est confrontée la Syrie post-Assad alors qu’elle tente de se repositionner dans un paysage géopolitique en mutation. Les puissances internationales, notamment la Russie et la Turquie, qui ont joué un rôle clé dans le conflit syrien, surveillent de près ces développements. Moscou, qui soutient encore certaines factions en Syrie, pourrait voir dans cette escalade une menace pour ses efforts de stabilisation, tandis qu’Ankara, alliée de HTS, pourrait y percevoir une opportunité de renforcer son influence.

Pour l’heure, la frontière syro-libanaise reste un point de tension majeur. Les habitants des deux côtés, épuisés par des années de guerre et d’instabilité, craignent que cet incident, combiné à des précédents comme l’enlèvement et l’exécution du neveu de l’ancien ministre libanais, ne soit le prélude à une nouvelle vague de violences. Alors que les enquêtes se poursuivent et que les accusations fusent, une chose est certaine : la chute d’Assad n’a pas mis fin aux luttes de pouvoir dans la région, mais les a redessinées sous une forme nouvelle et imprévisible.

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Newsdesk Libnanews
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