Chers lecteurs, sortez vos calculettes, vos lunettes de soleil – pour cacher les larmes – et un drapeau libanais miniature, parce qu’aujourd’hui, on va parler d’un feuilleton qui mêle cèdres, dollars et une bonne dose d’absurde. Selon la presse libanaise, toujours aussi douée pour flairer les complots entre deux pannes de courant, les États-Unis auraient décidé de mettre leur grain de sel – et leurs billets verts – dans le choix du prochain gouverneur de la Banque du Liban (BDL). Oui, mais attention, il y a un twist : on a enfin un président au Liban, et en théorie, c’est lui qui devrait nommer le patron de la BDL. Sauf que, surprise, il a l’air de jouer les coursiers pour Washington plutôt que le grand défenseur de la souveraineté nationale. On dirait un livreur Uber Eats qui apporte une commande made in USA, avec un petit sourire gêné en disant : « C’est pas moi qui ai choisi le menu, hein. »
Pour comprendre cette farce financière, remontons un peu le fil, parce que l’histoire du Liban, c’est un peu comme un mauvais sitcom : les personnages changent, mais les blagues restent les mêmes. Pendant trente ans, de 1993 à 2023, Riad Salamé a tenu les rênes de la BDL comme un chef d’orchestre jouant du violon sur un Titanic déjà à moitié coulé. Les Américains l’adoraient, et pour cause : il était leur rempart contre le Hezbollah, bloquant l’accès du parti chiite au système bancaire avec une créativité digne d’un scénariste de Hollywood. En échange ? Quelques petits cadeaux illégaux, bien sûr – rien de tel qu’un compte offshore ou une villa à Paris pour motiver les troupes. Résultat : le pays a fini ruiné, mais Riad, lui, a pu s’acheter assez de costards pour ouvrir une boutique Armani.
Riad Salamé : le banquier qui transformait l’or en papier toilette
Riad, c’était l’homme providentiel. Après la guerre civile, il stabilise la livre libanaise, l’arrime au dollar comme un bateau à une bouée percée, et tout le monde applaudit. Les magazines financiers lui décernent des prix – « meilleur gouverneur », rien que ça –, pendant que les Libanais de la diaspora envoient leurs économies et que les banquiers locaux se frottent les mains devant des taux d’intérêt à faire pâlir un casino de Las Vegas. Sauf qu’en 2019, le décor s’effondre. La livre plonge à 98 % de sa valeur, les déposants découvrent que leur argent est devenu un souvenir, et le Liban entre dans une crise que la Banque mondiale appelle « la pire depuis 1850 ». Pendant ce temps, Riad jurait qu’il n’y était pour rien, pointant du doigt les politiciens – ces mêmes politiciens qui, grâce à lui, avaient transféré 9 milliards de dollars à l’étranger juste avant le crash. Timing impeccable, non ?
Et lui, dans tout ça ? Il se construisait un petit empire. Les estimations parlent de 2 milliards de dollars de patrimoine, avec des appartements à Paris, des bureaux sur les Champs-Élysées et des comptes au Luxembourg. « Héritages familiaux », disait-il, avec l’air candide d’un type qui jure qu’il n’a pas mangé le dernier baklava. La justice internationale – suisse, française, allemande – a fini par s’intéresser à lui, et même le Liban a tenté de le coincer, entre deux coupures d’électricité. En septembre 2024, il est arrêté à Beyrouth pour des soupçons de détournement de 40 millions de dollars. Une petite prime de départ, quoi.
Les USA : « Riad, c’était bien, mais on a un nouveau scénario »
Les États-Unis, eux, ont soutenu Riad tant qu’il servait leurs intérêts. Anti-Hezbollah, pro-dollar, il était parfait. Mais quand le système s’est écroulé, ils ont lâché leur poulain plus vite qu’un joueur de poker abandonne une mauvaise main. Sanctions en août 2023, accusations de corruption, et hop, Riad devient persona non grata. Depuis, le poste de gouverneur est occupé par un intérimaire, Wassim Mansouri, qui fait de son mieux pour ne pas couler le radeau pendant que tout le monde cherche un capitaine.
Et voilà qu’en mars 2025, miracle : le Liban élit un président ! Après plus de deux ans de vide présidentiel, les factions politiques se mettent d’accord – probablement sous la pression d’un mélange de lassitude et de chantage international. En théorie, ce président tout neuf devrait nommer le gouverneur de la BDL. C’est dans la Constitution, article 25 : le Conseil des ministres, sur proposition du ministre des Finances et avec l’aval du président, désigne le boss de la banque centrale. Simple, non ? Sauf que, selon des rumeurs relayées par la presse locale et des bruits de couloir internationaux (Reuters et L’Orient-Le Jour en tête), les États-Unis auraient déjà leur candidat en tête. Objectif affiché : « endiguer le financement du Hezbollah ». Objectif réel : garder le Liban sous perfusion américaine, comme un patient qu’on maintient en vie juste pour dire qu’il respire encore.
Le président : souverain ou stagiaire de l’ambassade US ?
Alors, notre président, il en pense quoi ? Eh bien, il semble jouer les relais plutôt que les décideurs. Imaginez la scène : il est là, dans son bureau au palais de Baabda, avec une pile de CV sur la table, et soudain, un coup de fil de l’ambassade américaine. « Allô, Monsieur le Président ? On a un type super pour la BDL. Diplômé de Harvard, parle anglais couramment, et il sait dire ‘Hezbollah’ avec l’accent texan. Vous le prenez, OK ? » Et le président, au lieu de répondre « Minute, c’est moi qui décide ici », hoche la tête et dit : « Bien sûr, je valide. Vous voulez aussi choisir mon ministre du Tourisme tant qu’on y est ? »
C’est là que ça devient comique – ou tragique, selon votre humeur. Parce que, soyons honnêtes, un président libanais qui semble agir comme un simple exécutant des ordres de Washington, ça ne sent pas vraiment la souveraineté. On dirait plutôt un employé de bureau qui transmet les directives du patron sans poser de questions. Où est passée l’indépendance nationale ? Enterrée sous les décombres de la crise, quelque part entre un billet de 100 000 livres qui ne vaut plus rien et une facture d’électricité impayée.
Un gouverneur ? Mieux vaut encore s’en passer à ce moment-là.
Un gouverneur américain dans un costume libanais
Du coup, à quoi va ressembler ce nouveau gouverneur ? Probablement un technocrate bien lisse, avec un passé dans une banque d’affaires US – un mini-Riad, mais sans le scandale (pour l’instant). Il arrivera avec un PowerPoint sous le bras, promettant de « restaurer la confiance » et de « stabiliser la livre », tout en bloquant les comptes liés au Hezbollah plus vite qu’un antivirus bloque un mail suspect. Les Américains seront ravis, le président libanais dira « mission accomplie », et les citoyens, eux, continueront à calculer combien de pains pita ils peuvent acheter avec 50 dollars au marché noir.
Mais ne nous voilons pas la face : la souveraineté monétaire, au Liban, c’est une blague depuis longtemps. Entre un système bancaire en ruines, une monnaie qui sert à allumer le barbecue, et des réserves de devises qui fondent comme une glace en plein août, l’idée que le président puisse choisir librement le gouverneur sans l’aval de Washington relève du conte de fées. Alors, qu’il soit un relais ou un figurant, ça ne change pas grand-chose. Le scénario est écrit à l’étranger, et Beyrouth n’a plus qu’à jouer son rôle.
Et nous, dans tout ça ? On rit pour ne pas pleurer
Pendant ce temps, les Libanais regardent ce cirque avec leur légendaire mélange de résilience et de sarcasme. On a survécu à tout – guerre, explosion, crise – alors un président qui prend ses ordres à l’ambassade US ? Une anecdote de plus à raconter autour d’un café hors de prix. On continuera à faire la queue pour l’essence, à payer l’électricité au tarif d’un billet d’avion, et à échanger des devises comme des cartes Pokémon. La seule différence, c’est qu’on pourra dire : « C’est pas notre président qui a choisi, c’est l’Oncle Sam. » Ça ne remplit pas le frigo, mais ça fait une bonne punchline.
Et si ce gouverneur miracle arrivait vraiment à redresser la barre ? À rendre l’argent aux déposants, à ressusciter la livre, à transformer le Liban en Dubaï-sur-Méditerranée ? On peut toujours rêver. En attendant, on écrit des éditos, on rigole, et on espère que l’humour restera gratuit – parce que tout le reste, on ne peut plus se le payer.
Un président, un pion, et un pays en location
Alors, que retenir de cette saga ? Que les États-Unis, après avoir adoubé Riad Salamé jusqu’à son crash monumental, veulent maintenant placer un nouveau pion à la BDL. Que notre président fraîchement élu, censé incarner la souveraineté, joue les intermédiaires plutôt que les décideurs. Et que le Liban reste un pays où même les choix les plus cruciaux se font avec un accent américain.
Sur ce, je vous laisse. Je vais vérifier si j’ai encore assez de livres pour un café. Spoiler : non. Mais au moins, on aura un gouverneur. Eh bien, c’est toujours mieux qu’un fauteuil vide, non ?