Une crise sanitaire sans précédent
Le Liban est confronté à une crise sanitaire profonde, marquée par l’effondrement quasi total de son système de santé publique. La pénurie de médicaments, la fuite des professionnels de santé, et la dégradation des infrastructures médicales sont les conséquences directes d’une crise économique qui s’éternise. Les hôpitaux publics, autrefois un pilier essentiel pour les classes populaires, fonctionnent désormais au ralenti, incapables de répondre aux besoins croissants de la population.
Selon des sources officielles, plus de 60 % des hôpitaux publics libanais ne peuvent plus assurer des services de base en raison du manque de financement. Les professionnels de santé dénoncent des retards dans le paiement de leurs salaires, forçant beaucoup d’entre eux à quitter le pays pour chercher des opportunités ailleurs.
Les disparités communautaires dans l’accès aux soins
La crise sanitaire a exacerbé les tensions communautaires dans un pays déjà fragmenté par des divisions confessionnelles et politiques. Les zones rurales et périphériques, souvent négligées par l’État central, sont particulièrement touchées. Les régions du nord, comme Akkar, et certaines parties du sud, peinent à accéder à des soins de qualité. En revanche, certaines institutions médicales affiliées à des partis politiques ou confessionnels continuent de recevoir des financements, accentuant le sentiment d’injustice parmi les citoyens.
Par exemple, des hôpitaux soutenus par des groupes politiques influents, comme le Hezbollah dans le sud, bénéficient de ressources supplémentaires, tandis que d’autres institutions publiques manquent cruellement de matériel et de personnel. Cette gestion inégale renforce la méfiance entre les communautés, alimentant les tensions dans un contexte déjà fragile.
La fuite des cerveaux dans le secteur médical
Un autre problème majeur est l’exode des professionnels de santé. En 2024, le Liban a perdu plus de 40 % de ses médecins et infirmiers, un chiffre alarmant qui compromet la capacité du pays à répondre aux urgences sanitaires. Ces départs massifs sont motivés par des salaires non payés, l’insécurité économique, et l’absence de perspectives professionnelles dans le pays.
Le manque de personnel qualifié affecte particulièrement les hôpitaux publics, où les patients doivent attendre des heures, voire des jours, pour des traitements essentiels. Les cas d’erreurs médicales et de décès évitables se multiplient, aggravant encore la situation.
Les initiatives internationales et les défis de leur mise en œuvre
Face à l’effondrement du système de santé, la communauté internationale a tenté d’intervenir. Des organisations comme la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont proposé des financements d’urgence et des fournitures médicales. Toutefois, ces aides sont souvent entravées par des problèmes de gouvernance et de corruption. Des rapports récents indiquent que certaines aides humanitaires destinées aux hôpitaux publics ont été détournées, alimentant le mécontentement populaire.
La France, en particulier, a joué un rôle actif en fournissant des équipements médicaux et en proposant des programmes de formation pour les professionnels de santé restants. Cependant, ces efforts restent insuffisants face à l’ampleur des besoins.
Un impact social et politique profond
La crise du système de santé publique ne se limite pas à des enjeux médicaux ; elle reflète aussi la faillite de l’État libanais et l’échec de ses institutions à fournir des services de base. Cette situation alimente les mouvements de protestation qui demandent des réformes structurelles et une gestion plus équitable des ressources publiques.
Par ailleurs, l’absence d’un accès universel aux soins creuse les inégalités sociales et alimente le ressentiment envers les élites politiques, accusées de privilégier leurs intérêts personnels au détriment du bien-être de la population.
Les perspectives pour l’avenir
Pour redresser le système de santé libanais, des réformes profondes et immédiates sont nécessaires. Parmi les mesures prioritaires, on compte :
- Une transparence accrue dans la gestion des financements publics et des aides internationales.
- La mise en place d’un système de couverture santé universelle pour garantir l’accès aux soins à tous les citoyens.
- Le retour et la rétention des professionnels de santé grâce à des incitations salariales et des conditions de travail améliorées.
- Une répartition équitable des ressources médicales entre les régions.
Le succès de ces initiatives dépendra toutefois de la capacité des autorités libanaises à surmonter les divisions politiques et à restaurer la confiance de la population.