Le Liban, autrefois considéré comme un pôle médical de référence au Moyen-Orient, voit aujourd’hui son système hospitalier s’effondrer sous le poids de la crise économique. Les hôpitaux publics, en première ligne face à la dégradation des conditions sanitaires, sont en situation de quasi-faillite, incapables de payer leur personnel, de renouveler leurs équipements ou même d’assurer un approvisionnement stable en médicaments essentiels. Face à cette catastrophe, plusieurs pistes sont envisagées pour rétablir un financement durable du secteur hospitalier, mais leur mise en œuvre reste entravée par l’instabilité politique et l’absence de réformes structurelles.
Un secteur hospitalier en état d’urgence
Les hôpitaux publics libanais sont confrontés à une crise sans précédent. Avant 2019, ces établissements accueillaient environ 30 % des patients du pays, offrant des soins subventionnés et accessibles aux populations les plus vulnérables. Aujourd’hui, leur fréquentation a explosé, atteignant près de 60 % des consultations médicales, en raison de la faillite du système de santé privé et de l’appauvrissement général de la population. Cependant, ces hôpitaux doivent faire face à une baisse drastique des financements, ce qui les empêche de répondre efficacement à la demande croissante.
Les chiffres illustrent l’ampleur du problème. Plus de 70 % des hôpitaux publics fonctionnent actuellement avec moins de la moitié de leur personnel, en raison des salaires impayés et de l’exode massif des professionnels de santé vers l’étranger. Les stocks de médicaments essentiels sont insuffisants dans 80 % des établissements, ce qui oblige les patients à se procurer eux-mêmes leurs traitements à des prix exorbitants. Dans plusieurs hôpitaux, plus de 50 % des équipements médicaux sont obsolètes ou hors d’usage, réduisant considérablement les capacités de diagnostic et de traitement des maladies graves. À cela s’ajoutent des retards de paiement du gouvernement aux hôpitaux, qui atteignent aujourd’hui près de 400 millions de dollars, rendant leur fonctionnement quotidien de plus en plus incertain.
Un financement en panne et une dépendance aux aides internationales
Jusqu’en 2019, le secteur hospitalier public était financé par une combinaison de subventions étatiques, de cotisations sociales et d’aides internationales. Cependant, avec l’effondrement économique et la faillite de l’État, les subventions ont chuté de plus de 60 % en quatre ans. Les cotisations sociales, autrefois un pilier du financement de la santé publique, se sont effondrées avec la montée du chômage, tandis que l’État, englué dans un déficit budgétaire de plus de 7 milliards de dollars, est incapable d’honorer ses engagements financiers envers le secteur.
Dans ce contexte, les hôpitaux publics ont dû se tourner vers l’aide internationale pour survivre. En 2024, plusieurs organisations, dont l’ONU, la Croix-Rouge et Médecins Sans Frontières, ont fourni des aides médicales d’urgence, permettant de maintenir les soins de base. Les États-Unis et l’Union européenne ont également envoyé des équipements médicaux et des médicaments, mais ces aides restent ponctuelles et insuffisantes pour pallier le manque chronique de financements.
Quelles solutions pour financer durablement le secteur hospitalier ?
Pour rétablir un système hospitalier fonctionnel, plusieurs solutions sont envisagées. Une première piste consisterait à augmenter la part du budget national dédiée à la santé, qui est actuellement inférieure à 5 % du PIB, contre 10 à 15 % dans de nombreux pays développés. Cette augmentation pourrait être financée par une taxation plus progressive des hauts revenus et une lutte accrue contre l’évasion fiscale, qui prive l’État de plusieurs milliards de dollars chaque année.
Un autre modèle serait la création d’un fonds national d’assurance santé, permettant à tous les citoyens d’accéder aux soins via un système de cotisations obligatoires. Ce système garantirait un financement plus stable et équitable des soins hospitaliers, en réduisant la dépendance aux subventions étatiques. Dans plusieurs pays confrontés à des crises économiques similaires, la mise en place de telles assurances a permis de stabiliser le secteur de la santé et de garantir un minimum de soins accessibles à la population.
Une alternative envisagée consiste à ouvrir les hôpitaux publics aux investissements privés, en leur permettant d’attirer des financements issus du secteur privé tout en garantissant l’accessibilité des soins. Ce modèle a été adopté avec succès dans certains pays émergents, mais il nécessite un cadre de régulation strict pour éviter une dérive vers une privatisation totale du système de santé. Une implication accrue du secteur privé pourrait permettre d’injecter rapidement des fonds dans les infrastructures médicales, à condition que des mécanismes de contrôle garantissent que les soins restent accessibles aux classes les plus modestes.
Enfin, une meilleure gestion des ressources publiques et une lutte active contre la corruption dans le secteur hospitalier pourraient contribuer à améliorer la situation. Le gaspillage et la mauvaise allocation des budgets constituent un problème récurrent. Plusieurs hôpitaux ont signalé des disparitions inexpliquées de matériel médical et des détournements de fonds, ce qui nuit encore davantage à leur bon fonctionnement. Un audit transparent des dépenses et une réforme de la gestion des établissements de santé pourraient limiter ces pertes et améliorer l’efficacité du secteur.
Un avenir incertain pour la santé publique au Liban
L’avenir du système hospitalier libanais dépendra de la volonté politique et des réformes structurelles qui seront mises en place dans les prochaines années. Actuellement, les hôpitaux fonctionnent dans un état d’urgence permanent, où les soins sont rationnés et où des milliers de patients se retrouvent sans prise en charge adaptée.
Si aucune solution durable n’est trouvée, le pays risque d’assister à une dégringolade complète du système de santé, laissant la population livrée à elle-même. En revanche, si un financement stable est assuré, le Liban pourrait reconstruire un réseau hospitalier solide et accessible, garantissant à chaque citoyen des soins de qualité, indépendamment de sa situation économique.