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Israël et la guerre cognitive : récit, perception et impact

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Les frappes israéliennes sur Beyrouth le 5 juin 2025 ont constitué une démonstration de force militaire, mais elles s’inscrivent également dans un registre plus subtil : celui de la guerre cognitive. Ce type de confrontation ne se mesure pas seulement en pertes humaines ou en destructions matérielles. Il repose sur la maîtrise des perceptions, la mise en récit des événements, la production de confusion stratégique et la manipulation de l’opinion publique, tant nationale qu’internationale. Israël, en tant qu’acteur aguerri de la guerre hybride, déploie une stratégie de communication complexe, visant à façonner les représentations, à déstabiliser les récits adverses, et à prévenir toute mobilisation significative contre ses opérations.

La narration anticipée de la frappe : construction d’une légitimité

Avant même que les frappes ne soient confirmées officiellement, plusieurs porte-parole de l’armée israélienne ont diffusé des éléments de langage indiquant que des « installations de drones » avaient été identifiées dans des quartiers urbains au sud de Beyrouth. En employant des termes techniques à forte connotation sécuritaire, cette communication visait à légitimer l’opération comme préventive, ciblée et indispensable.

Le choix de termes comme « infrastructures à usage dual », « menaces imminentes » ou encore « centres de coordination logistique » participe à la production d’un vocabulaire de nécessité militaire. Ce champ lexical brouille la frontière entre civil et militaire, permettant d’anticiper et de désamorcer toute accusation de violation du droit humanitaire.

Par cette mise en récit anticipée, Israël cherche à prendre l’ascendant narratif. Elle impose son cadre interprétatif aux médias, aux analystes et aux chancelleries, réduisant les marges de manœuvre des détracteurs.

Multiplication des relais numériques : diffusion multisupport

Les vidéos des frappes, filmées par des drones ou reconstituées en infographies animées, ont été diffusées quelques heures après les événements sur les réseaux officiels israéliens et partagées massivement. Ces contenus sont conçus pour un impact visuel fort : précision des frappes, absence apparente de victimes civiles, désignation claire des cibles.

Cette stratégie vise à contrôler l’image de l’intervention et à neutraliser les représentations adverses de destruction massive ou d’attaque indiscriminée. Elle s’appuie sur des codes esthétiques maîtrisés et sur une synchronisation parfaite entre action militaire et communication publique.

En parallèle, des comptes non officiels mais proches de l’appareil de défense israélien diffusent des narrations alternatives, souvent plus offensives, jouant sur la désinformation, la rumeur ou la caricature de l’adversaire. Ce second niveau d’intervention permet de tester les réactions, de semer le doute, ou de cibler des audiences spécifiques.

Ciblage des perceptions adverses : diviser, désorienter, sidérer

L’un des objectifs implicites de la guerre cognitive est d’atteindre l’adversaire au niveau psychologique. La répétition de frappes dans des zones urbaines denses sans revendication immédiate, la simultanéité des explosions dans plusieurs quartiers, et le flou sur les cibles exactes, participent à une stratégie de désorientation.

Les discours officiels libanais ont mis du temps à formuler une réponse cohérente, tant les récits étaient fragmentés. Certains évoquaient une attaque ciblée, d’autres un acte de terreur. Cette confusion affaiblit la capacité de riposte politique et nourrit un climat d’incertitude.

En interne, cette stratégie vise également à créer des tensions entre les différentes composantes du pouvoir libanais. La question de la riposte, de la désignation de l’ennemi et de l’unité du discours devient problématique, ce qui constitue un effet collatéral stratégique recherché.

La bataille des images : mémoire visuelle et compétition de récits

Au-delà du choc immédiat, la guerre cognitive cherche à inscrire une représentation dans la durée. Les images de la frappe diffusées par Israël montrent des bâtiments précis, ciblés, présentés comme inoccupés. Les images libanaises montrent, au contraire, des civils blessés, des immeubles d’habitation détruits, des rues éventrées.

Ces deux narrations visuelles s’affrontent dans les espaces numériques, mais aussi dans les canaux diplomatiques et les médias internationaux. Chaque image devient un argument, chaque vidéo une preuve ou une contre-preuve.

L’objectif israélien est de rendre son récit dominant, de l’ancrer comme le plus vraisemblable. En cas de divergence d’interprétation, c’est celui qui aura su imposer son image initiale qui emportera l’adhésion des publics distants.

Publics cibles : scène locale, régionale et internationale

La stratégie cognitive israélienne cible plusieurs publics. À l’intérieur d’Israël, il s’agit de conforter l’opinion publique dans l’idée d’une armée rationnelle, capable de défendre sans provoquer. Dans les pays occidentaux, le but est de neutraliser les critiques prévisibles en insistant sur la nécessité, la précision et la conformité aux normes internationales.

Dans le monde arabe, la stratégie est plus ambivalente : elle alterne entre intimidation et provocation, cherchant à faire émerger des fractures internes plutôt que de susciter une réaction unifiée.

Au Liban même, les effets sont multiples : sidération des habitants, confusion des décideurs, division des commentateurs. L’absence d’un contre-récit structuré aggrave l’impact psychologique de cette opération cognitive.

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Newsdesk Libnanews
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