Le procureur du Mont Liban, la juge Ghada Aoun
Le procureur du Mont Liban, la juge Ghada Aoun

Ce mardi, la juge Ghada Aoun s’est déplacée en début d’après midi aux bureaux de Mecataf en dépit d’une demande du procureur de la république Ghassan Oweidat de suspendre son travail après avoir désigné un nouveau magistrat pour reprendre le dossier du scandale de manipulation du cours de la livre libanaise face au dollar

Le directeur des opérations monétaires de la Banque du Liban Mazen Hamdan avait été arrêté en mai 2020 par les autorités judiciaires en compagnie de responsables du syndicat des agents de change qui avaient alors accusés le gouverneur de la Banque du Liban de complicité. Mazen Hamdan était alors accusé d’avoir mené des opérations pour le compte de la BDL retirant des dollars du marché au lieu d’en injecter pour tenter de faire baisser la pression sur la Livre Libanaise. Egalement, la directrice de la commission de contrôle bancaire, Maya Dabbagh a été mise en examen pour des motifs similaires dans ce même dossier. 

Pour rappel, la magistrate avait déjà demandé, à plusieurs reprises depuis, d’entendre le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé lui-même dans le cadre de cette affaire, ce qu’il refuse.

Une affaire qui prend une tournure politique

Le gouverneur de la Banque du Liban, considéré comme un proche de la famille Hariri puisque arrivé à la tête de la Banque Centrale en même temps que l’accession au poste de premier ministre de Rafic Hariri, père de Saad Hariri, en 1993, est très largement critiqué pour les opérations d’ingénierie financière conduites ces dernières années et qui auraient aggravé la crise financière actuelle. Il est également accusé par la justice suisse pour détournement de fonds publics. Celle-ci a d’ailleurs annoncé le gel de ses avoirs.

Le consultant légal du bureau patriotique libre Wadih Akl a d’ailleurs accusé aujourd’hui le procureur de la république, le juge Ghassan Oweidat – considéré comme proche du Premier ministre désigné Saad Hariri – d’avoir réorganisé ses services de manière à écarter la juge Ghada Aoun de dossiers importants.

Cette volonté de retirer ces dossiers, estime Wadih Akl démontre l’importance des affaires en cours devant la justice face à la mafia et à la corruption qui ravage les administrations publiques locales.

Pour rappel, celle-ci enquêterait sur plusieurs dossiers sensibles mettant en cause un ancien premier ministre Nagib Mikati, des anciens ministres ou encore le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, également un proche de Saad Hariri.

Le procureur de la république avait déjà demandé au Conseil suprême de la magistrature a demandé des mesures disciplinaires à l’encontre à de la magistrate suite à des plaintes déposées contre elle.

Riad Salamé dans la tourmente judiciaire en Suisse, à Londres et en France

Un groupe d’activistes basé à Londres a accusé nommément le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé ainsi que ses proches, de corruption et de blanchiment d’argent sale.

Le groupe qui s’appelle Guernica37 a ainsi transmis ce rapport à la police britannique dès l’année dernière ainsi qu’à l’Agence Nationale de lutte contre le crime. Ce rapport a été préparé à la demande de groupes d’activistes de la société civile libanaise.

Une enquête préliminaire serait également en cours pour vérifier les informations publiées. Il s’agira ensuite d’ouvrir une enquête formelle.

Riad Salamé aurait ainsi pu détourner plusieurs centaines de milliards de livres libanaises, réinvestis en actifs financiers en Grande Bretagne, accusent les auteurs de ce rapport qui l’ont également transmis aux autorités judiciaires d’autres pays européens.
Riad Salamé, qui a pris connaissance de ce rapport estime qu’il s’agit de fausses allégations.

Ce rapport accuse notamment le gouverneur de la Banque du Liban d’avoir fait bénéficier un certain nombre de ses proches dont son ex-gendre, avocat. Recourir aux services de ce dernier était alors obligatoire afin de procéder à des achats d’actions de gré à gré des banques libanaises.

Le rapport de Guernica37 (en anglais)

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Les accusations de malversation déjà rejetées par Riad Salamé

Pour rappel, Riad Salamé avait catégoriquement rejeté les accusations des autorités helvétiques qui avaient demandé des détails concernant certains virements. Il avait indiqué avoir transféré la somme 240 millions de dollars seulement à l’étranger depuis 2002. 

Certaines sources indiquent que seraient visés par l’enquête, outre le gouverneur de la Banque du Liban lui-même, son frère Raja et son assistante Marianne Hoayek.

Outre la ministre de la justice Marie Claude Najem qui a transféré le dossier au procureur de la République, le Président de la République, le Général Michel Aoun et le Premier Ministre sortant Hassan Diab, auraient également été informés de la demande de Berne. 

De son côté, Riad Salamé – soutenu par le premier ministre désigné Saad Hariri – a démenti être à l’origine de tels transferts tout comme son frère ou encore son assistante. 

Cette information intervient alors qu’il avait déjà été accusé, en avril dernier, par Daraj Media, d’être à l’origine de tels mouvements de fonds. 

Le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, son frère Raja et sa proche conseillère Marianne Hoayek seraient accusés de détenir des comptes pour plusieurs centaines de millions de dollars sur base de documents fournis lors du scandale des Panama Papers. 

Ainsi, Marianne Hoayek aurait ouvert un compte au bénéfice de Riad Salamé pour plus de 187 millions de dollars au sein de la banque Banco Allado Panama et un autre compte au sein de VP Bank Tortola BVI pour 150 millions de dollars.

Par ailleurs, une société appartenant à Rami Makhouf, un cousin du président syrien Bachar el Assad aurait transféré au compte zurichois du gouverneur de la Banque du Liban 55 millions d’euros. Il possèderait également un compte de 80 millions d’euro à la First national Bank. 

Avec son frère Raja, il possèderait ainsi plus de 446 millions de dollars placés essentiellement à l’étranger. Quant à Marianne Hoayek, pour laquelle 340 millions de dollars auraient été placés sous son nom, elle est haut fonctionnaire au sein de la Banque du Liban.

Ces chiffres avaient été révélés lors que la question du renouvellement du mandat du gouverneur de la Banque du Liban en 2016 avant de voir l’affaire être étouffée, soulignait Dima Sadek.

La journaliste avait alors été convoquée en mai 2020, par les Forces de Sécurité Intérieure suite à une plainte « pour atteinte à la réputation des banques et au prestige de l’économie » du gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé.

Une enquête ouverte depuis en Suisse pour blanchiment d’argent

Depuis, le gouverneur de la Banque du Liban aurait vu ses biens gelés en Suisse suite à la découverte de documents détaillant des mouvements de fonds entre le Liban et la Suisse qui auraient été opérés par Riad Salamé et son frère. Les hommes sont ainsi accusés de blanchiment d’argent depuis 2002.

Les autorités suisses notent ainsi que 300 millions de dollars auraient été transférés sur base un contrat daté du 6 avril 2002 entre la Banque du Liban (BDL) et la société Forry Associates Ltd, enregistrée à Tortola aux îles Vierges et disposant d’un bureau à Beyrouth, dont le bénéficiaire économique serait Raja Salamé, mettant ainsi en évidence un détournement de fonds de la Banque du Liban au bénéfice de ce dernier.

Des commissions à hauteur de 247 millions de dollars auraient été ainsi versées le 6 avril 2002 en retour sur le compte personnel de Raja Salamé. 207 millions auraient été ensuite versés aux bénéficiaires de comptes dans les banques Bankmed, la Banque Misr Liban, le Crédit Libanais, la Banque Audi et la Banque Saradar au titre de “dépenses personnelles”. Le gouverneur de la BdL lui-même aurait reçu plus de 7 millions de dollars en provenance du compte HSBC de Forry Associates. Le 5 avril 2012, Riad Salamé aurait demandé à la banque zurichoise de transférer des obligations du trésor libanais à hauteur de 153 millions de dollars à la Banque Audi Suisse à Beyrouth “avec une signature personnelle”, entrainant les autorités suisses à surveiller les mouvements de ces comptes, confirmant selon les enquêteurs leurs soupçons concernant des détournements de fonds.

10 millions de dollars auraient même été versés sur des comptes personnes appartenant à Riad Salamé au titre d’une société fictive, “Westlake Commercial Inc”, dont les comptes seraient hébergés également par la banque suisse Julius Baer

Le gouverneur de la Banque du Liban disposerait de 50 millions de dollars en Suisse ainsi que de nombreux bien immobiliers.

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Autre problème, la société en question serait inconnue au Liban et n’aurait pas agi dans le cadre du contrat, indiquent certaines sources judiciaires.

Deux plaintes déposées en France

Depuis avril 2021, 2 plaintes ont été déposées à l’encontre du gouverneur de la Banque du Liban, l’une par l’association suisse Accountability Now et l’autre par l’association Sherpa appuyant un collectif Franco-Libanais. Ils accusent Riad Salamé, par ailleurs détenteur de la nationalité française de détournements de fonds et de blanchiment d’argent sale.

L’une des plaintes aurait été déposée au nom de la fondation suisse Accountability Now par l’avocat Antoine Maisonneuve à l’encontre de Riad Salamé et la seconde le 30 avril par les avocats William Bourdon et Amélie Lefebre au nom de l’Association Sherpa, spécialisée dans la lutte contre la criminalité économique à travers le monde et d’un collectif franco-libanais.

Selon le contenu de l’article, serait également accusé le propre fils de Riad Salamé, Nadi, âgé de 34 ans, et sa collaboratrice Marianne Hoayek dont le patrimoine serait d’origine douteuse. 

Le Patrimoine du gouverneur de la Banque du Liban – par ailleurs détenteur de la nationalité française – en place depuis 1993, atteindrait plusieurs centaines de millions d’euros et se serait accru de manière disproportionnée depuis son accession à la tête de la Banque Centrale Libanaise.

Le 16 juillet, le Parquet National Financier confie l’enquête à des juges d’instructions. Cette nouvelle procédure pourrait donc permettre à ce que l’enquête puisse être étendue notamment au niveau international dans le cadre européen mais également à transmettre aux autorités judiciaires libanaises des demandes d’informations. À terme, des biens pourraient être même saisis ou gelés.

Une fille illégitime née d’une liaison adultérine avec une ukrainienne découverte

Suite à une enquête concernant les fonds du gouverneur de la Banque du Liban, une surprise de taille aurait été découverte avec le traçage de fonds à destination d’une société immobilière française. Celle-ci aurait été déménagée au Luxembourg et ses dirigeants changés en mai 2021. Parmi les bénéficiaires de ce changement, apparaitra la fille illégitime de Riad Salamé âgée de seulement 15 ans, sous la tutelle de sa mère, une ressortissante ukrainienne de 40 ans.

Les 2 femmes auraient vu un important patrimoine immobilier pour un montant de plus de 21 millions d’euros être mis à leur disposition.

Une enquête ouverte depuis au Luxembourg et en Allemagne

Le vendredi 12 novembre 2021, des sources médiatiques indiquent qu’une enquête aurait été ouverte par la justice luxembourgeoise après la découverte d’un important réseau de sociétés appartenant à Riad Salamé et à ses proches. Le patrimoine de ces sociétés serait estimé à 100 millions de dollars.

Le 8 février 2022, c’est au tour de l’Allemagne de demander un supplément d’information pour enrichissement illicite à l’encontre du gouverneur de la Banque du Liban et de son frère Raja Salamé.

Et aussi au Liechtenstein

Le 5 septembre, le site Daraj révèle qu’une enquête a également été ouverte au Liechtenstein. Riad Salamé est accusé d’avoir perçu 14 millions de dollars de la part du frère de Najib Mikati, Taha Mikati. Ces 14 millions de dollars auraient été transférés le 14 août 2016 dans le cadre d’un contrat d’agence liant la société genevoise SI2SA de Riad Salamé au groupe M1 des frères Mikati. C’est à cette époque que Riad Salamé a lancé ses opérations d’ingénierie financière dont 4 milliards de dollars sur 21 milliards de dollars ont été versés en faveur d’une des banques – la Banque Audi – dont les frères Mikati sont les plus grands actionnaires et a vu son mandat renouvelé.

Des enquêteurs européens au Liban

Plusieurs équipes d’enquêteurs européens se sont déplacés au Liban en janvier et février dernier. Selon les informations actuelles, les faits reprochées pourraient être élargis à des accusations de délit d’initié des banques libanaises notant que le montant des transferts à diminué avant le début de la crise financière de 2019, faisant ainsi état d’une connaissance de la situation et de la répercussion de la mise en place d’un contrôle informel des capitaux par l’Association des Banques du Liban.

Selon les résultats des enquêtes actuelles, il aurait été déterminé que le solde des comptes du frère du gouverneur de la Banque du Liban au Liban seraient le résultat du transfert de commissions pour des contrats exécutés comme intermédiaires entre la Banque du Liban et les banques libanaises, concernant notamment la souscription de produits financiers comme des Eurobonds, obligations d’état et certificats de dépôt de la Banque du Liban. Ces sommes auraient été d’abord versées vers des banques européennes pour être ensuite retransférées au Liban, ce qui pourrait constituer une opération de détournement et de blanchiment d’argent.

Des dirigeants de plusieurs banques ont été convoqués dans le cadre de procédures ouvertes par plusieurs pays européens dont Marwan Kheireddine. Pour rappel, cette information intervient alors que le site The National a révélé des notes d’enquêteurs français détaillant le montage financier dont est soupçonné Riad Salamé. Ils estiment ainsi que plus de 300 millions de dollars ont été détournés à travers la société Forry Associates qui appartient au frère du gouverneur de la BdL, Raja Salamé. Plus de 120 millions de dollars ont déjà été ainsi saisis sur base de la procédure en cours par la France, l’Allemagne et le Luxembourg, alors que Riad Salamé dément toujours les faits qui lui sont reprochés.

Riad Salamé mis en examen le 23 février 2023

Finalement, le gouverneur de la Banque du Liban a été mis en examen le 23 février pour détournement de fonds et blanchiment d’argent. Son frère Raja et son assistance Marianne Hoayek et plusieurs proches dans le cadre de l’enquête en cours portant sur le dossier Forry Associates Ltd. sont également concernés.

Et manque son premier rendez-vous avec la justice européenne pour être accusé par le département du contentieux de l’état de détournement de fonds

Le mercredi 15 mars, Riad Salamé s’est abstenu de se présenter devant le juge Charbel Abou Samra lors d’une audition prévue en présence des enquêteurs européens et de la juge Helena Iskandar, représentant le ministère de la justice et l’état. Celle-ci a demandé également l’arrestation du gouverneur de la Banque du Liban

Mais il finira par se présenter devant le juge dès le lendemain, répondant aux questions transmises au juge Charbel Abou Samra par les enquêteurs européens.

Un mandat d’arrêt français publié le 16 mai 2023

Convoqué par la justice française, le gouverneur de la BdL fait désormais l’objet d’un mandat d’arrêt international après qu’il ne se soit pas présenté devant la juge Aude Buresi.

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