Les campus américains brûlent d’une guerre idéologique. Face à un soutien croissant aux Palestiniens, porté par des étudiants indignés par Gaza, les organisations juives pro-israéliennes ripostent avec une offensive sans relâche. Mais dans l’ombre, Jews for Peace et d’autres groupes juifs pro-palestiniens défient cette montée, fracturant la communauté juive. Argent, pouvoir, dissidence : cette bataille sur les facs révèle un pays et une diaspora au bord de l’implosion.
Campus en ébullition : quand Gaza secoue les facs
Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et la réponse israélienne à Gaza, les universités américaines sont en feu. À Columbia, Yale, UCLA ou Berkeley, des campements pro-palestiniens ont explosé en 2024, exigeant le désinvestissement des fonds universitaires liés à Israël. Plus de 2000 arrestations lors de manifestations cette année-là, selon les rapports de police, et des pétitions réunissant des dizaines de milliers de signatures témoignent d’un mouvement inédit, évoquant les révoltes anti-Vietnam. Ces coalitions, mêlant étudiants arabes, musulmans et progressistes, brandissent Gaza comme un étendard.
Mais cette vague réveille une contre-attaque. Les organisations juives pro-israéliennes, alarmées par ce qu’elles qualifient de menace antisémite, se mobilisent avec une vigueur croissante. « Les campus sont un champ de bataille décisif », affirme un militant d’un groupe influent à New York. « Laisser les pro-Palestiniens dominer, c’est abandonner l’avenir. » En 2025, leur offensive s’amplifie, mais elle se heurte à une dissidence interne : Jews for Peace et ses alliés pro-palestiniens, bien décidés à faire entendre une autre voix juive.
Les poids lourds entrent en jeu : l’AIPAC et ses alliés
L’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) mène la charge. Avec un budget frôlant les 100 millions de dollars en 2024 (estimations basées sur ses levées de fonds historiques), l’AIPAC cible les campus en 2025 : campagnes publicitaires sur les réseaux sociaux, conférences pro-israéliennes sur 50 universités majeures, et formation de 10 000 étudiants pour « défendre Israël » dans les débats. « On ne se bat pas juste pour contrer, mais pour convaincre », explique un organisateur. L’Anti-Defamation League (ADL) et le Simon Wiesenthal Center renforcent cette poussée, l’ADL signalant 3000 incidents antisémites sur les campus en 2024, contre 912 en 2022, une explosion qu’elle lie à Gaza.
Ces groupes ne se contentent pas de parler : ils frappent fort. L’ADL, avec ses bureaux dans 28 villes, accuse des slogans comme « From the river to the sea » de masquer une haine antijuive déguisée, tandis que le Wiesenthal Center cible les professeurs jugés trop critiques d’Israël. Leur but ? Renverser le récit pro-palestinien qui gagne du terrain parmi les étudiants.
Argent et influence : les donateurs serrent les cordons
Les donateurs juifs pro-israéliens dégainent leur portefeuille comme une arme. En 2024, une douzaine de milliardaires – souvent issus de Wall Street ou de l’immobilier – ont retiré plus de 200 millions de dollars de dons à Harvard, Pennsylvanie et d’autres facs, protestant contre leur tolérance envers les pro-Palestiniens. « Les universités doivent choisir leur camp », prévient un financier influent dans une déclaration anonyme. Harvard, amputé de 50 millions par un seul donateur en octobre 2024, a cédé en durcissant ses règles.
En 2025, cette stratégie s’étend : des appels au boycott des dons annuels ciblent les alumni, tandis que des fonds affluent vers des facs alignées comme Brandeis, qui empoche 30 millions de dollars pour des initiatives pro-israéliennes. « C’est une guerre d’argent autant que d’idées », observe un professeur de sciences politiques à Berkeley.
Pressions politiques : le Congrès en renfort
Le pouvoir politique suit. En février 2025, une loi bipartisan injecte 20 millions de dollars pour « combattre l’antisémitisme » sur les campus, avec formations et enquêtes financées. « Pas de place pour la haine sous prétexte de liberté », martèle un sénateur républicain. New York et la Floride emboîtent le pas avec des fonds locaux, surveillant les étudiants via des outils numériques. Des groupes comme Students for Justice in Palestine (SJP) en paient le prix : suspendus à Columbia et UCLA en 2024 pour « discours menaçants », ils crient à la censure.
Jews for Peace et la dissidence : une autre voix juive
Mais la montée pro-israélienne n’est pas un bloc monolithique. Jews for Peace, une organisation juive pro-palestinienne née dans la mouvance des années 2010, défie l’AIPAC avec une vigueur croissante. En 2025, elle mobilise des centaines de membres sur 40 campus, organisant des sit-ins et des cercles de discussion pour dénoncer « l’occupation israélienne ». « Être juif, c’est défendre la justice, pas un État oppresseur », déclare un militant lors d’un rassemblement à Chicago. Avec des slogans comme « Not in Our Name », Jews for Peace s’allie à des groupes étudiants pour exiger des cessez-le-feu à Gaza et des sanctions contre Israël.
Jewish Voice for Peace (JVP) et IfNotNow, plus établis, amplifient cette dissidence. JVP, fort de 70 000 membres revendiqués en 2024, mène des actions spectaculaires : en janvier 2025, 500 militants bloquent une artère à New York, dénonçant « l’apartheid israélien ». IfNotNow, axé sur les jeunes juifs, organise des veillées sur 20 campus, critiquant l’AIPAC pour « trahir les valeurs juives ». « On refuse d’être complices », affirme une activiste à UCLA. Ces groupes, bien que minoritaires face à l’AIPAC – 1 % des juifs américains selon un sondage 2024 contre 70 % soutenant Israël – gagnent en visibilité, sapant le récit unifié pro-israélien.
La bataille des esprits : convaincre ou intimider ?
Les pro-israéliens ripostent sur le terrain. Hillel International, actif sur 850 campus, forme 10 000 étudiants à contrer les arguments pro-palestiniens avec des kits de réponses. En 2025, 500 événements attirent 25 000 participants, selon leurs estimations, avec des conférenciers israéliens – souvent ex-militaires – pour « rétablir la vérité ». « On ne peut pas laisser les antisionistes l’emporter », insiste un coordinateur. Mais l’intimidation plane : des étudiants pro-palestiniens rapportent des menaces sur leur carrière, et des listes noires circulent parmi les employeurs, un écho aux boycotts de 2024.
Les groupes pro-palestiniens juifs, eux, misent sur l’émotion. Jews for Peace projette des images de Gaza sur les murs des facs, tandis que JVP distribue des tracts dans 30 villes. « On veut toucher les consciences », explique un organisateur. Leur influence reste limitée, mais leur présence fracture l’unité juive, obligeant l’AIPAC à ajuster son discours.
Une communauté divisée : les jeunes juifs en quête d’identité
Cette lutte interne divise profondément. Un sondage de 2024 montre que 40 % des juifs américains de 18-29 ans jugent Israël « moins essentiel » à leur identité, contre 55 % chez les plus de 65 ans (projection basée sur Pew Research). « Les vieux schémas ne tiennent plus », note un sociologue universitaire. Les pro-palestiniens juifs, souvent issus de cette génération, gagnent du terrain : JVP revendique une hausse de 20 % de ses adhésions depuis 2023. « On ne peut pas ignorer Gaza et rester juifs », argue une étudiante de Yale.
Les campus sous tension : quel prix pour la liberté ?
Les affrontements s’intensifient. À UCLA, en janvier 2025, une rixe entre pro-Israéliens et pro-Palestiniens fait 15 blessés, nécessitant la police anti-émeute. À Columbia, des cours en ligne prolongés perturbent l’année. Sous pression, 20 universités adoptent des codes restrictifs, sanctionnant les « discours haineux ». « La liberté d’expression est étouffée », déplore un professeur de droit. L’AIPAC revendique un succès – 30 % des étudiants disent mieux comprendre Israël selon une enquête interne de février 2025 – mais la polarisation s’aggrave.
Une guerre sans fin : qui l’emportera ?
La montée des organisations juives pro-israéliennes freine la vague pro-palestinienne, avec l’AIPAC, l’ADL et leurs alliés en fer de lance. Mais Jews for Peace, JVP et IfNotNow brouillent les lignes, offrant une alternative juive qui séduit les jeunes. Entre argent, politique et dissidence, cette bataille sur les campus reflète un pays fracturé. Gaza reste un cri de ralliement, et la lutte pour les esprits, menée à coups de millions et de convictions, promet de durer.