En ce début mars 2025, le dernier bilan humain est terrifiant. Les récents bombardements israéliens sur le Liban, intensifiés depuis septembre 2024, ont dépassé les 6 000 morts confirmés, selon les estimations du ministère libanais de la Santé au 28 février 2025. Ce chiffre, qui inclut civils, combattants du Hezbollah et personnel médical, marque une escalade sans précédent depuis la guerre de 2006. Les frappes, menées sous le nom de code « Opération Flèches du Nord », ont visé des bastions du Hezbollah dans le sud, la Bekaa et la banlieue sud de Beyrouth, mais aussi des zones densément peuplées, faisant des civils les principales victimes.
Le pic de cette offensive a été atteint entre septembre et novembre 2024, avant un cessez-le-feu fragile conclu le 26 novembre, entré en vigueur le 27. Cependant, les violations répétées de cette trêve par des frappes israéliennes – plus de 800 recensées depuis lors selon le ministère libanais des Affaires étrangères – ont continué d’alourdir le bilan. En janvier 2025, des attaques sur des civils rentrant chez eux dans le sud ont tué 24 personnes en une journée, tandis que des bombardements en février dans la Bekaa ont ajouté des dizaines de victimes. L’ampleur des pertes humaines, doublée d’une destruction massive, plonge le Liban dans une crise humanitaire d’une gravité historique, surpassant les conflits précédents par son intensité et ses conséquences.
Nettoyage des zones bombardées : l’impossible identification sous les décombres
Les opérations de nettoyage dans les zones bombardées révèlent une tragédie à plusieurs visages : des corps ensevelis, des identités perdues et un chaos indescriptible. Dans le sud du Liban, où un quart des bâtiments a été rasé selon le Washington Post en novembre 2024, plus de 40 000 habitations ont été détruites, laissant des montagnes de débris. À Beyrouth, dans la banlieue sud, bastion du Hezbollah, des immeubles entiers se sont effondrés sous les bombes de 900 kg équipées de kits JDAM américains, rendant l’identification des victimes quasi impossible.
Les équipes de secours, débordées, peinent à extraire les corps. En décembre 2024, la Croix-Rouge libanaise estimait que des centaines de dépouilles restaient sous les gravats, souvent dans des états de décomposition avancés, compliquant les efforts d’identification. Les familles, désespérées, errent près des sites dévastés, cherchant des proches disparus. À Baalbek, dans la Bekaa, une frappe sur un entrepôt en octobre 2024 a laissé 73 corps sous les décombres, dont seulement 68 identifiés en janvier 2025 par la BBC, révélant une majorité de civils, dont 23 enfants. Les infrastructures médicales, avec 200 soignants tués en 13 mois selon le ministère de la Santé, ne peuvent suivre : les morgues sont pleines, et les tests ADN, rares, ralentissent le processus. Ce chaos macabre, amplifié par l’absence de moyens, transforme le deuil en un cauchemar interminable pour une population déjà brisée.
Impact des frappes israéliennes : des infrastructures libanaises en ruines
Les frappes israéliennes ont réduit en cendres une grande partie des infrastructures libanaises, plongeant le pays dans un état de délabrement sans précédent. Plus de 100 000 habitations ont été endommagées ou détruites entre octobre 2023 et novembre 2024, selon une étude de la Banque mondiale, avec un accent sur le sud, où des villages entiers comme Aita al-Shaab ont été rasés. À Beyrouth, des quartiers résidentiels de la banlieue sud ont été transformés en champs de ruines par des bombardements massifs, visant officiellement les dépôts d’armes du Hezbollah mais touchant écoles, hôpitaux et immeubles civils.
Les réseaux vitaux sont également en lambeaux. En 2024, 30 installations hydrauliques ont été endommagées, privant 360 000 personnes d’eau potable dans le sud, selon l’ONU. Les réseaux électriques, déjà fragiles avant le conflit, ont été ciblés : 60 % des centrales étaient hors service en novembre 2024, et des incendies causés par les frappes ont détruit 40 000 oliviers, selon le ministère de l’Agriculture. Les dégâts, estimés à 3 milliards de dollars pour l’agriculture et 500 millions pour l’eau et l’électricité par le Conseil du Sud, paralysent une économie déjà exsangue, avec un PIB contracté de 1 % en 2024 selon la BERD. Cette destruction, souvent qualifiée de « Doctrine Dahiya » par des experts, vise à dissuader le Hezbollah, mais laisse un pays à reconstruire sur des ruines.
Conséquences des bombardements : une population civile déracinée et désespérée
Les bombardements ont dévasté la population civile libanaise, avec des conséquences humaines dramatiques. Plus de 1,4 million de personnes – un quart de la population – ont été déplacées entre octobre 2023 et février 2025, selon l’ONU, dépassant le record de la guerre de 2006. Au plus fort de l’offensive, en octobre 2024, 1,2 million de Libanais ont fui le sud, la Bekaa et Beyrouth, tandis que 562 000, dont 354 000 Syriens, ont traversé vers la Syrie d’ici fin 2024. Après le cessez-le-feu du 26 novembre, des retours timides ont commencé, mais les frappes sporadiques – comme celles du 26 janvier 2025 tuant 24 civils – ont freiné ce mouvement.
Les conditions de vie des déplacés sont cauchemardesques. Les abris, débordés, manquent de tout : eau, nourriture, chauffage. À Baalbek, des familles campent dans des écoles ou des mosquées, tandis qu’à Beyrouth, des milliers dorment dans les rues. L’insécurité alimentaire touche 1,3 million de personnes – 23 % de la population – selon un rapport ONU d’octobre 2024, aggravée par la destruction des terres agricoles. Les enfants, 610 000 réfugiés en Syrie d’après l’UNICEF, sont particulièrement frappés : privés d’école, malnutris, traumatisés. Cette crise, qualifiée de « catastrophe humanitaire » par la Croix-Rouge, déchire le tissu social d’un pays au bord de l’effondrement.
L’attitude de la communauté internationale : une indignation timide face à l’agression israélienne
La communauté internationale oscille entre condamnations mesurées et inaction face à l’agression israélienne au Liban. Dès octobre 2024, le Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Filippo Grandi, dénonçait des « violations manifestes du droit humanitaire » dans les frappes, pointant la destruction de maisons civiles et les déplacements forcés. Human Rights Watch a qualifié certaines attaques – comme celle tuant trois journalistes à Hasbaya en 2024 avec une bombe JDAM américaine – de « crimes de guerre manifestes ». António Guterres, secrétaire général de l’ONU, a appelé en décembre 2024 à un arrêt de « l’occupation » israélienne, mais sans effet tangible.
Les États-Unis, principal allié d’Israël, ont joué un rôle ambigu. En novembre 2024, ils ont co-médiatisé le cessez-le-feu avec la France, mais ont aussi fourni 8,7 milliards de dollars d’aide militaire à Israël en septembre 2024, incluant des bombes utilisées au Liban. La France, via Emmanuel Macron en visite à Beyrouth en janvier 2025, a poussé pour « accélérer » la trêve, mais sans proposition concrète. L’UE, malgré ses 50 milliards d’euros pour le Pacte vert, reste divisée : la Pologne et les États baltes, attachés à l’OTAN, freinent toute critique forte des États-Unis. Cette tiédeur, face à un bilan de 6 000 morts et 1,4 million de déplacés, laisse le Liban seul, les appels à l’aide humanitaire (Amnesty, Médecins du Monde) restant largement lettre morte.
Négociations internationales : un cessez-le-feu fragile entre Israël et le Liban
Les négociations pour un cessez-le-feu entre Israël et le Liban, entamées dès octobre 2024, ont abouti à un accord le 26 novembre, effectif le 27, sous la médiation des États-Unis et de la France. Prévu pour 60 jours, il exigeait un retrait du Hezbollah au nord du fleuve Litani (30 km de la frontière) et des forces israéliennes du sud libanais, avec 5 000 soldats libanais et la FINUL pour surveiller la zone. Mais dès décembre 2024, Israël a violé cet accord – drones sur Tyr, frappes à Alma al-Shaab –, tuant des civils (5 à Tayr Debba le 10 janvier 2025) et accusant le Liban de ne pas désarmer le Hezbollah.
Le 24 janvier 2025, Israël a prolongé son retrait au-delà des 60 jours, arguant d’un manque de coopération libanaise, tandis que le 26 janvier, 24 civils revenant chez eux ont été tués par des tirs israéliens, provoquant 134 blessés. Une extension du cessez-le-feu jusqu’à mi-février, puis fin mars, a été négociée sous pression américaine, mais les tensions persistent. Le Hezbollah, affaibli par la perte de Hassan Nasrallah en septembre 2024, limite ses ripostes, tandis que le président libanais Joseph Aoun, élu en janvier 2025, insiste sur le « monopole des armes » par l’État. Ces négociations, minées par les violations et les divergences – Israël exigeant un désarmement total, le Liban un retrait complet –, maintiennent le pays dans une paix précaire, loin d’une résolution durable.