Une déclaration inédite dans un contexte de tensions extrêmes
Dans la nuit du 5 au 6 juin 2025, alors que les frappes israéliennes ciblaient plusieurs quartiers de la banlieue sud de Beyrouth, l’armée libanaise a exprimé, selon plusieurs sources officielles, sa colère face à l’inaction de certains de ses partenaires internationaux. Une source militaire a confié que si les violations territoriales persistaient sans réaction politique ou diplomatique adéquate de la part des alliés du Liban, la coopération militaire avec plusieurs États occidentaux pourrait être « réévaluée ». Cette formulation, bien que non officielle, a immédiatement suscité de nombreuses interrogations.
Il s’agit d’une déclaration sans précédent depuis la mise en place de nombreux programmes de coopération sécuritaire entre l’armée libanaise et les États-Unis, la France, ou encore l’Italie. Ces partenariats, souvent encadrés par des accords de soutien logistique et de formation, sont considérés comme des piliers de la stabilité institutionnelle du pays. Le fait même que l’armée envisage une rupture symbolise un profond malaise, et peut-être une réorientation stratégique majeure.
L’armée libanaise entre loyauté institutionnelle et frustration géopolitique
Depuis le début des tensions accrues à la frontière sud, l’armée libanaise s’est efforcée de maintenir une posture institutionnelle neutre, cherchant à éviter l’implication directe dans les confrontations entre Israël et les factions armées non étatiques opérant sur son territoire. Cependant, les bombardements nocturnes qui ont frappé des zones densément peuplées de la capitale ont déplacé la ligne rouge. La frustration des officiers supérieurs semble s’être cristallisée autour de deux éléments : le sentiment d’abandon par les partenaires internationaux, et l’absence d’un mandat clair pour agir.
Les officiers évoquent un déséquilibre croissant entre les attentes de la communauté internationale — qui exige que l’armée joue un rôle de stabilisation — et l’absence de soutien politique ou matériel concret en cas d’agression extérieure. Cette situation alimente un ressentiment croissant au sein de la hiérarchie militaire, pris entre des injonctions contradictoires.
Le rôle stratégique des aides militaires étrangères en question
Les partenaires internationaux de l’armée libanaise, notamment les États-Unis, ont investi des millions de dollars dans l’équipement, la formation et la logistique. Cette assistance a permis à l’armée de rester fonctionnelle malgré la crise économique et monétaire qui paralyse le pays depuis 2019. Mais cet investissement est désormais perçu avec ambivalence. Une partie des officiers estime que cet appui, bien qu’essentiel, est conditionné par une forme de neutralité imposée, qui limite leur capacité à répondre à des agressions réelles.
L’argument principal repose sur une dissymétrie : l’armée est appelée à exercer le monopole de la violence légitime, mais elle est désarmée sur le plan politique face aux violations de la souveraineté nationale. Cette contradiction pourrait, selon certains observateurs militaires, pousser l’institution à reconsidérer les modalités de son partenariat international.
Une menace crédible ou un signal d’alerte diplomatique ?
La possibilité d’une suspension, même partielle, de la coopération militaire libano-occidentale, est perçue par plusieurs analystes comme un signal d’alerte, plus que comme une stratégie déjà actée. Il s’agirait surtout de forcer les partenaires à prendre publiquement position sur les récentes attaques, ou à faire pression sur Israël pour limiter ses opérations. En d’autres termes, une manière d’utiliser la menace de rupture comme levier diplomatique.
Mais ce signal reste ambigu. D’un côté, il renforce l’image d’une armée soucieuse de défendre sa souveraineté ; de l’autre, il expose l’institution à des risques : perte de financements, isolement stratégique, et renforcement des accusations de proximité tacite avec des acteurs non étatiques.
Les enjeux internes : unité de l’armée et confiance du public
En interne, cette posture comporte aussi des risques. L’un des rares consensus encore existants dans la société libanaise concerne la confiance envers l’armée. Une remise en cause de ses alliances pourrait éroder cette confiance, surtout si elle est perçue comme un glissement vers une logique de confrontation ou de politisation. Le commandement militaire est conscient de cette fragilité, et cherche donc à équilibrer son discours : fermeté sur la souveraineté, mais prudence sur les ruptures concrètes.
Le rôle de l’armée comme arbitre de la stabilité nationale dépend de sa capacité à rester au-dessus des clivages politiques et confessionnels. C’est pourquoi la communication institutionnelle reste mesurée, malgré les propos tenus en coulisses.
Le poids de la géopolitique : le Liban entre deux feux
Cette déclaration intervient également dans un contexte régional où les alliances évoluent rapidement. Le Liban, historiquement fragile sur le plan diplomatique, se retrouve aujourd’hui au cœur d’un affrontement élargi entre Israël et l’axe dit de la résistance. L’armée, en exprimant son mécontentement, cherche peut-être aussi à se repositionner dans un échiquier en recomposition.
Certains analystes évoquent la possibilité que cette posture préfigure une diversification des partenariats militaires, notamment vers d’autres pays non occidentaux. Une telle évolution aurait des conséquences profondes sur l’équilibre stratégique du pays.
Réactions internationales attendues
Jusqu’à présent, les partenaires occidentaux de l’armée libanaise n’ont pas officiellement réagi à cette menace de suspension. Mais des discussions en coulisses auraient été engagées pour clarifier la position du commandement. L’enjeu pour les partenaires est double : rassurer l’armée sur leur soutien, tout en évitant de s’engager dans un conflit avec Israël.
Le Liban reste une pièce délicate dans leur diplomatie régionale. Une rupture, même symbolique, de la coopération avec son armée nationale, affaiblirait leur influence sur le terrain, au profit d’autres acteurs.