Le monde du théâtre et du cinéma libanais pleure la disparition d’Antoine Kerbage, une figure emblématique décédée le 16 mars 2025 à l’âge de 90 ans. Né en 1935 à Zabougha, un village niché au pied du mont Sannine, cet acteur a marqué plusieurs générations par ses performances mémorables dans des pièces de théâtre iconiques et des séries télévisées arabes. Sa carrière, débutée au début des années 1960 avec la troupe du théâtre moderne de Baalbek sous la direction de Monir Abou Debs, l’a propulsé au rang d’icône culturelle. Depuis l’annonce de son décès, une vague d’hommages a déferlé de la part de comédiens, réalisateurs et institutions culturelles, célébrant son immense contribution au patrimoine artistique libanais.
Une vie dédiée à l’art dramatique
Antoine Kerbage est né en 1935 dans le village de Zabougha, dans une région montagneuse du Liban connue pour sa beauté austère. Dès son plus jeune âge, il a été attiré par les arts, un intérêt qui l’a conduit à Beyrouth dans les années 1950 pour poursuivre ses études à l’Université Saint-Joseph, où il a commencé à explorer le théâtre. Sa carrière professionnelle a véritablement débuté au début des années 1960, lorsqu’il a rejoint la troupe du théâtre moderne de Baalbek, dirigée par Monir Abou Debs, un pionnier du théâtre contemporain libanais. Cette période a marqué le lancement d’une trajectoire exceptionnelle qui s’étendra sur plus de six décennies.
Sous la houlette d’Abou Debs, Kerbage s’est immergé dans le répertoire classique, jouant des rôles dans des pièces grecques comme Œdipe-Roi et Antigone, ainsi que des œuvres de Shakespeare telles que Macbeth. Ces premières expériences à Baalbek, où le festival international attirait des spectateurs du monde arabe et au-delà, ont forgé sa réputation de comédien talentueux et polyvalent. Sa voix puissante et son charisme sur scène ont rapidement fait de lui une figure incontournable, capable de captiver les foules dans des décors grandioses comme les ruines romaines de Baalbek.
Une carrière prolifique et diversifiée
Après ses débuts à Baalbek, Antoine Kerbage a élargi son répertoire, collaborant avec des figures majeures du théâtre libanais, notamment les frères Rahbani, célèbres pour leurs comédies musicales. Jusqu’en 2023, des rétrospectives de sa carrière, comme celle publiée dans Magazine Le Mensuel en 2013, soulignaient son rôle dans des productions qui mêlaient théâtre, musique et poésie, un genre qui a défini l’âge d’or culturel du Liban dans les années 1960 et 1970. Il a également brillé dans des séries télévisées arabes, portant des récits populaires à un public plus large à travers le petit écran.
Kerbage n’était pas seulement un interprète ; il incarnait une vision artistique ancrée dans l’identité libanaise. Ses performances reflétaient souvent les luttes et les espoirs d’un pays marqué par des périodes de prospérité suivies de crises profondes, comme la guerre civile (1975-1990) et l’effondrement économique de 2019. Dans une interview de 2013, il avait décrit le théâtre comme un « miroir de la société », une philosophie qui a guidé son travail et résonné avec des générations de spectateurs.
Un décès après une longue maladie
Antoine Kerbage s’est éteint le 16 mars 2025 à l’hôpital Saint-Georges de Beyrouth, après un long combat contre la maladie, notamment Alzheimer, selon des sources médiatiques comme icibeyrouth.com. Âgé de 90 ans au moment de sa mort, il avait vu sa santé décliner ces dernières années, limitant ses apparitions publiques. L’Agence nationale d’information (ANI) a officialisé la nouvelle, plongeant le milieu artistique dans le deuil.
Son décès survient dans un Liban toujours en proie à des crises multiples : une économie dévastée, une pauvreté touchant plus de 80 % de la population (Banque mondiale, 2023), et des tensions sécuritaires persistantes, comme les affrontements au Sud avec Israël le même week-end (Ad Diyar, 17/03/2025). Pourtant, la disparition de Kerbage transcende ces tumultes, rappelant une époque où l’art servait de refuge et de fierté nationale.
Une pluie d’hommages
L’annonce de sa mort a déclenché une vague d’émotion et de reconnaissance à travers le Liban et la diaspora. Le ministre de la Culture, Ghassan Salamé, lui a rendu hommage sur X le 16 mars, saluant « une figure emblématique dont les contributions exceptionnelles resteront gravées dans notre mémoire collective ». Le député Michel Mouawad a également exprimé sa tristesse, décrivant Kerbage comme un artiste qui « reflétait les joies et les peines de notre société.
Des comédiens et réalisateurs ont partagé des souvenirs personnels. Sur X,
@hiamag (17/03/2025) a écrit : « Antoine Kerbage nous quitte, mais son héritage culturel vivra éternellement. » Des collègues de la scène théâtrale ont loué sa générosité et son dévouement, tandis que des institutions comme l’Université Saint-Joseph ont célébré son rôle dans la formation de nouvelles générations d’artistes. Ces hommages, relayés par les médias et les réseaux sociaux, témoignent de l’impact profond de Kerbage sur le paysage culturel libanais.
Un héritage artistique durable
Antoine Kerbage laisse derrière lui un patrimoine riche, mêlant théâtre classique, comédies musicales et télévision. Jusqu’en 2023, des rétrospectives soulignaient sa capacité à incarner des personnages complexes, passant de la tragédie à la comédie avec une aisance rare. Ses collaborations avec Monir Abou Debs et les Rahbani ont contribué à faire du théâtre libanais un vecteur d’expression régionale, exportant la culture du pays au-delà de ses frontières.
Dans un Liban marqué par la guerre civile, il a continué à jouer, offrant au public une évasion face aux horreurs quotidiennes. Après 1990, il s’est adapté à l’essor de la télévision, participant à des séries qui ont popularisé son visage auprès d’un public plus jeune. Même dans ses dernières années, alors que la maladie limitait son activité, il restait une source d’inspiration, un symbole de résilience artistique dans un pays souvent à genoux.
Une perte dans un contexte fragile
Le décès de Kerbage intervient à un moment où le Liban lutte pour sa survie. L’élection de Joseph Aoun comme président en janvier 2025 et la formation du gouvernement de Nawaf Salam en février ont suscité des espoirs de redressement, mais les défis économiques et sécuritaires demeurent écrasants. La crise de 2019, aggravée par la guerre de 2024 contre Israël, a laissé des cicatrices profondes, rendant la perte d’une figure comme Kerbage d’autant plus poignante.
Sa mort rappelle aussi la fragilité du secteur culturel libanais, qui manque de financements et d’infrastructures depuis des décennies. Jusqu’en 2023, des théâtres historiques comme le Théâtre de Beyrouth luttaient pour survivre face à la crise, un contraste amer avec l’âge d’or où Kerbage brillait sur scène. Pourtant, son héritage offre une lueur d’espoir, un rappel que l’art peut perdurer même dans les temps les plus sombres.
Un adieu à une légende
Antoine Kerbage s’éteint à 90 ans, laissant un vide dans le cœur des Libanais. Né dans l’ombre du mont Sannine, il a gravi les sommets de la scène artistique, devenant une référence pour des générations. Les hommages qui affluent – du ministre de la Culture aux simples spectateurs – célèbrent un homme qui a donné vie aux mots et aux émotions, dans un pays où la culture reste un acte de résistance. Son décès marque la fin d’une ère, mais son œuvre continuera d’éclairer le chemin des artistes libanais à venir.