Un chantier technologique inédit pour moderniser l’administration
Le gouvernement libanais a officiellement annoncé le lancement d’un projet de “super app” gouvernementale, une application numérique unique destinée à centraliser tous les services publics ministériels. Cette initiative, pilotée par le ministère d’État à la Technologie et à l’Intelligence artificielle, marque une tentative inédite de modernisation de l’appareil administratif et de lutte contre l’inefficacité chronique de l’administration publique libanaise.
L’objectif affiché est de permettre à tous les citoyens d’accéder via un seul portail numérique à l’ensemble des prestations étatiques : fiscalité, immatriculation, démarches civiles, télécoms, énergie, santé, etc. Le projet est porté en collaboration avec l’Office du ministre d’État pour la Réforme administrative (OMSAR) et appuyé par des partenariats avec le secteur privé technologique.
Une architecture technologique ouverte et intégrée
La super app reposera sur un système modulaire, accessible depuis smartphone, tablette ou ordinateur. Chaque ministère devra adapter ses services aux standards de la plateforme. Parmi les premières administrations à opérer leur transition figurent :
- Le ministère des Finances, qui prévoit de remplacer le timbre fiscal papier par un timbre numérique
- Le ministère des Télécommunications, qui proposera l’accès aux factures et à la gestion des abonnements
- Le ministère de l’Intérieur, pour les demandes de documents civils
Ce projet nécessite également la création d’un “Data Pool” national, un entrepôt de données centralisé pour alimenter la super app en temps réel. Ce centre de données sera en partie hébergé dans les infrastructures du secteur privé, notamment le Kfour Data Center d’Infostructure et les installations d’OGERO, l’opérateur public des télécoms.
Conditions de mise en œuvre : identité numérique et paiements en ligne
Deux conditions techniques préalables ont été posées pour assurer le fonctionnement de la super app :
- La création d’une identité numérique unique pour chaque citoyen
- L’intégration d’une plateforme de paiement électronique multicanal
Les paiements seront possibles par virement bancaire, mobile money, cartes bancaires ou transferts directs compte à compte, afin de réduire les frais de transaction et lutter contre la corruption administrative. La plateforme devra être autosuffisante financièrement, par le biais de redevances internes ou de prestations à destination d’acteurs privés.
Gouvernance, souveraineté numérique et enjeux sécuritaires
Le projet suscite de nombreuses attentes, mais aussi des interrogations. Qui assurera la gouvernance des données ? Comment seront protégées les informations personnelles ? Le ministère a annoncé que le secteur privé sera encadrépar des protocoles de transparence et de cybersécurité encore à définir. Une législation spécifique sur la protection des données est en cours d’élaboration pour encadrer les usages, les accès et les responsabilités.
Il est également prévu que la super app serve à terme de portail commun aux institutions publiques et parapubliques, et qu’elle puisse héberger certains services du secteur privé (banques, assurances, utilities) à condition d’une régulation claire.
Calendrier et impact attendu
Le gouvernement table sur une mise en service progressive à partir de 2026, avec une phase pilote dès 2025 dans quatre ministères. Le centre national de données pourrait, selon les prévisions, être pleinement opérationnel d’ici quatre ans.
L’impact potentiel est triple :
- Réduction de la corruption administrative
- Amélioration de l’accès aux services publics
- Gain d’efficacité budgétaire à travers la mutualisation des infrastructures
Si le projet aboutit, il ferait du Liban l’un des premiers pays arabes à lancer une super application gouvernementale complète, inspirée des modèles estoniens ou singapouriens.