Une réputation inchangée malgré les réformes partielles du secteur financier
En 2025, le Liban demeure classé parmi les juridictions les plus opaques au monde dans les indices de transparence financière internationale. Selon les évaluations consolidées par les agences spécialisées et relayées dans le rapport de Byblos Bank, le Liban conserve le statut de « haut risque », particulièrement en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, de divulgation fiscale et de transparence bancaire. Cette notation est d’autant plus préoccupante que le pays a intégré en février 2025 la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), ce qui signifie que le Liban est désormais placé sous surveillance renforcée pour insuffisances majeures dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Cette inscription dans la liste grise constitue un signal extrêmement négatif envoyé aux marchés financiers internationaux. Concrètement, les pays et institutions figurant sur cette liste sont considérés comme présentant des déficiences stratégiques dans leurs systèmes de lutte contre la criminalité financière, et sont soumis à un suivi étroit pour vérifier la mise en œuvre de réformes correctrices.
Le Liban, l’un des derniers bastions de l’opacité bancaire régionale
Dans le classement mondial de transparence financière établi par Tax Justice Network en 2025, le Liban se positionne au 14e rang des juridictions les plus opaques sur 141 économies évaluées. Ce rang est en recul par rapport à la 12e place occupée en 2023, mais il reste très défavorable comparé aux standards régionaux.
Classement de transparence financière 2025 (sélection régionale) | Rang mondial | Note de risque |
---|---|---|
Émirats arabes unis | 7e | Très haut risque |
Liban | 14e | Haut risque (liste grise GAFI) |
Arabie saoudite | 23e | Risque modéré |
Égypte | 38e | Risque modéré |
Maroc | 52e | Risque modéré |
Turquie | 61e | Risque modéré |
Le Liban figure ainsi parmi les juridictions les plus risquées du Moyen-Orient, aux côtés des Émirats arabes unis qui restent, eux, dans la liste noire des paradis fiscaux de l’UE mais qui bénéficient paradoxalement d’une bien meilleure intégration dans les flux financiers mondiaux.
La présence du Liban sur la liste grise du GAFI aggrave la situation en imposant aux institutions financières du monde entier d’appliquer des diligences renforcées sur toute opération impliquant le Liban, augmentant mécaniquement les coûts de transaction et décourageant les flux d’investissement.
Un impact direct et concret sur les flux de capitaux et le financement externe
Les conséquences de cette dégradation sont immédiates. En 2024, les flux nets d’investissement direct étranger au Liban sont restés faibles, totalisant environ 250 millions de dollars, alors que le pays a des besoins de financement estimés à plus de 5 milliards de dollars par an pour soutenir son économie et stabiliser ses paiements extérieurs.
Flux d’investissement étranger au Liban | Montant (USD) | Variation annuelle |
---|---|---|
2023 | 220 millions | — |
2024 | 250 millions | +13,6 % |
Cette progression timide reste largement insuffisante pour couvrir les déficits. Le maintien du Liban en catégorie « haut risque » et son inscription sur la liste grise du GAFI dissuadent les investisseurs institutionnels et les banques internationales, qui appliquent des filtres stricts de conformité et augmentent les primes de risque sur les opérations libanaises.
Par ailleurs, le rendement des euro-obligations libanaises s’est envolé, dépassant 70 % sur certaines maturités, reflétant une aversion quasi totale au risque souverain libanais.
Une réforme du secret bancaire inaboutie qui pèse sur le classement
La réforme de la loi sur le secret bancaire, adoptée en mars 2025, avait pour objectif de répondre aux critiques récurrentes des institutions internationales. Toutefois, le nouveau texte conserve d’importantes lacunes : absence d’accès automatique pour les régulateurs financiers, nécessité d’autorisations administratives lourdes, et procédures judiciaires complexes pour lever le secret bancaire.
Le Fonds monétaire international a salué la réforme comme « une avancée symbolique » mais a immédiatement ajouté que le texte « ne remplit pas les standards exigés pour sortir de la liste grise du GAFI ».
Ainsi, malgré les ajustements législatifs, le Liban reste sous surveillance et doit accélérer les réformes structurelles s’il veut espérer améliorer sa notation et alléger la pression sur ses flux de capitaux.
La diaspora en alerte face au durcissement des contrôles internationaux
Autre conséquence préoccupante : la diaspora libanaise, dont les transferts représentent près de 18,2 % du PIB, pourrait voir ses envois de fonds ralentis sous l’effet du renforcement des contrôles de conformité dans les banques internationales.
Estimation des transferts de la diaspora libanaise | Montant (USD) | Part du PIB |
---|---|---|
2024 | 6,4 milliards | 18,2 % |
Les établissements bancaires dans les pays d’accueil sont contraints de multiplier les vérifications sur les opérations à destination du Liban, ce qui alourdit les procédures et freine la fluidité de ces transferts essentiels.
Cette dépendance à la diaspora, conjuguée à l’assèchement des investissements étrangers directs, souligne combien l’enlisement du Liban dans les classements de risque est préoccupant pour sa stabilité financière.