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Le Liban face à la dollarisation : Solution inévitable ou piège économique ?

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La crise monétaire qui frappe le Liban depuis plusieurs années a conduit à une transformation profonde du paysage économique et financier du pays. Alors que la livre libanaise a perdu pratiquement toute sa valeur, le dollar américain s’est progressivement imposé comme la monnaie de référence pour une grande partie des transactions quotidiennes. Ce phénomène de dollarisation informelle est déjà une réalité, mais une question demeure : le Liban doit-il officialiser l’adoption du dollar comme monnaie nationale ou bien chercher à restaurer sa souveraineté monétaire à travers des réformes structurelles ?

L’idée d’une dollarisation complète soulève de nombreux débats au sein des milieux économiques et politiques. Certains la considèrent comme une solution pragmatique pour stabiliser une économie à la dérive, tandis que d’autres y voient un danger qui priverait le pays de ses derniers leviers économiques. Au-delà des discours idéologiques, la question centrale est la suivante : le Liban a-t-il encore la possibilité de sauver sa monnaie nationale, ou la transition vers le dollar est-elle devenue inévitable ?


Le dollar, déjà omniprésent dans l’économie libanaise

Depuis l’effondrement du secteur financier en 2019, la confiance dans la livre libanaise s’est effritée jusqu’à pratiquement disparaître. Alors que le taux de change officiel a été abandonné, le marché noir est devenu la principale référence pour fixer la valeur de la monnaie. Le dollar est progressivement devenu la monnaie refuge pour les Libanais qui cherchent à préserver leur pouvoir d’achat et leurs économies. Aujourd’hui, il est utilisé dans pratiquement tous les secteurs, et sa présence est devenue si généralisée que l’économie libanaise fonctionne déjà comme si elle était partiellement dollarisée.

Les loyers dans les grandes villes comme Beyrouth sont désormais exclusivement fixés en dollars. Les commerçants ajustent leurs prix en fonction du taux du marché noir, ce qui signifie que les variations de la livre libanaise impactent directement le coût de la vie. Dans le secteur de la santé, de nombreuses cliniques et hôpitaux exigent des paiements en devises étrangères, rendant l’accès aux soins encore plus difficile pour les Libanais dont les revenus sont toujours libellés en livres libanaises. Les écoles privées, qui ont longtemps été un pilier du système éducatif libanais, refusent désormais les paiements en monnaie locale, obligeant les parents à trouver des dollars pour assurer l’éducation de leurs enfants.

Dans ce contexte, la question de l’officialisation de la dollarisation se pose avec insistance. Si le dollar est déjà utilisé par une grande partie de la population, pourquoi ne pas simplement l’adopter officiellement pour mettre fin à l’instabilité monétaire et restaurer un semblant de normalité économique ?


Les avantages d’une dollarisation officielle

L’argument principal en faveur de la dollarisation repose sur la stabilisation immédiate de l’économie. En supprimant la livre libanaise et en adoptant officiellement le dollar, le Liban éliminerait d’un coup l’hyperinflation qui ronge le pays. Les prix deviendraient plus prévisibles, et les entreprises pourraient enfin fonctionner sans être soumises aux fluctuations sauvages du taux de change.

L’autre avantage majeur réside dans la récupération de la confiance des investisseurs et des partenaires étrangers. Aujourd’hui, aucun investisseur international ne souhaite placer son argent au Liban en raison de l’incertitude économique et monétaire. Une dollarisation officielle rassurerait les marchés et pourrait permettre de débloquer certains financements étrangers.

Elle permettrait également d’éviter les manipulations monétaires et la spéculation qui aggravent encore la crise. Avec un taux de change stable et une monnaie reconnue internationalement, il serait plus difficile pour certains acteurs économiques de profiter des écarts de change pour s’enrichir au détriment de la population.

Enfin, la dollarisation mettrait un terme aux restrictions bancaires absurdes imposées depuis des années aux Libanais. Actuellement, les banques limitent sévèrement les retraits en devises étrangères et imposent des taux de conversion défavorables. Si le pays adoptait officiellement le dollar, ces restrictions deviendraient obsolètes et les citoyens retrouveraient un accès normal à leur argent.


Les dangers et conséquences d’une dollarisation totale

Malgré ces avantages apparents, une dollarisation officielle comporte aussi de nombreux risques. Le premier, et sans doute le plus important, est la perte totale de souveraineté monétaire. En adoptant le dollar, le Liban abandonnerait toute possibilité de réguler son économie à travers des instruments classiques comme les taux d’intérêt ou l’émission monétaire. En cas de crise économique mondiale ou de décisions prises par la Réserve fédérale américaine, le Liban n’aurait plus aucun contrôle sur les répercussions locales.

Un autre problème majeur réside dans l’exclusion financière d’une partie de la population. Aujourd’hui, une grande partie des Libanais n’a pas accès aux dollars en cash et dépend encore de la livre libanaise pour leurs transactions quotidiennes. Si la dollarisation devenait officielle, ceux qui n’ont pas de revenus en dollars se retrouveraient dans une situation encore plus précaire.

L’impact sur la compétitivité économique serait également préoccupant. Avec une économie basée sur le dollar, le Liban perdrait toute flexibilité en matière de politique monétaire, ce qui compliquerait la relance de la production locale et des exportations.

Enfin, il faut souligner que la dollarisation n’est pas une solution miracle. L’Équateur et le Salvador, deux pays qui ont adopté le dollar comme monnaie officielle, ont vu leur économie stabilisée à court terme, mais n’ont pas pour autant résolu leurs problèmes structurels. Le Liban risque de suivre le même chemin : une stabilisation monétaire temporaire, mais sans les réformes nécessaires pour rétablir une économie fonctionnelle.


Peut-on éviter une dollarisation forcée ?

Le Liban se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif. Si aucune mesure n’est prise, la dollarisation pourrait s’imposer de manière non officielle et désorganisée, laissant le pays sans cadre économique clair.

Certains économistes plaident pour un système de double monnaie, où la livre libanaise et le dollar pourraient coexister sous un cadre fiscal et bancaire strict. Cela permettrait de conserver une certaine souveraineté monétaire tout en réduisant les effets néfastes de la dévaluation.

Une autre solution serait de fixer un taux de change unique pour stabiliser la monnaie et limiter la spéculation. Toutefois, cette mesure nécessiterait une gouvernance forte et une politique monétaire crédible, ce qui semble difficile à mettre en place dans le contexte actuel.


Vers une transition inévitable ?

Le Liban est déjà largement engagé sur la voie de la dollarisation. La question n’est plus de savoir si elle va se produire, mais comment elle sera gérée. Une dollarisation totale et officielle offrirait une stabilité immédiate, mais au prix d’une perte totale de contrôle sur l’économie du pays.

Si le gouvernement souhaite éviter une dollarisation forcée et chaotique, il devra agir rapidement pour mettre en place un cadre économique structuré, permettant de restaurer la confiance dans la livre libanaise tout en encadrant l’utilisation du dollar.

Le Liban est à un point critique de son histoire économique. Quelle que soit la décision prise, elle façonnera l’avenir du pays pour des décennies.

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Newsdesk Libnanews
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