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Le Qatar au Liban : Plus un sou sans réformes !

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Une déclaration qui fait réagir

Lors de sa visite officielle à Beyrouth le 4 février 2025, le Premier ministre qatari Mohammed bin Abdulrahman Al Thani a déclaré que « Le Liban doit garantir sa stabilité avant toute aide », une phrase qui a immédiatement provoqué une onde de choc parmi la classe politique libanaise. Selon Al Quds (5 février 2025), cette déclaration marque un tournant dans la politique d’aide du Qatar au Liban. Autrefois considéré comme l’un des rares bailleurs de fonds inconditionnels de Beyrouth, Doha adopte désormais une posture plus pragmatique, conditionnant tout soutien financier à la mise en place d’une stabilité politique et économique durable.

Ce message intervient alors que le Liban traverse l’une des crises les plus profondes de son histoire, avec une économie en ruine, une instabilité politique chronique et une paralysie institutionnelle empêchant toute réforme. Depuis 2019, le pays est confronté à une série de catastrophes économiques et sociales : dévaluation catastrophique de la livre libanaise, explosion du port de Beyrouth en 2020, crise énergétique persistante et effondrement du secteur bancaire. Dans ce contexte, les dirigeants libanais comptaient sur une aide extérieure pour atténuer la crise, notamment celle des pays du Golfe. Mais la déclaration d’Al Thani confirme que le Qatar ne sera pas le sauveur automatique d’un Liban incapable de se réformer.

Un avertissement déguisé en conseil ?

Le Qatar a historiquement joué un rôle crucial au Liban, notamment en facilitant les accords politiques et en injectant des fonds pour stabiliser le pays. En 2008, Doha avait orchestré l’Accord de Doha, qui avait permis de sortir le pays d’une impasse politique après les affrontements entre les factions libanaises. En 2020, après l’explosion du port de Beyrouth, le Qatar avait promis plus de 500 millions de dollars pour la reconstruction, en se positionnant comme l’un des principaux soutiens arabes du Liban.

Toutefois, les temps ont changé, et la patience du Qatar semble avoir atteint ses limites. Selon Al Joumhouriyat (5 février 2025), Doha ne veut plus financer un pays sans gouvernance claire, gangrené par la corruption et incapable de mettre en œuvre des réformes structurelles. Cette nouvelle posture reflète un changement dans la stratégie de Doha, qui privilégie désormais des investissements ciblés et conditionnés à des réformes concrètes.

La déclaration d’Al Thani doit être perçue comme un ultimatum : si le Liban ne met pas fin à son blocage institutionnel et n’adopte pas un programme de réformes crédible, il ne recevra aucune aide substantielle du Qatar.Cette position rejoint celle du Fonds Monétaire International (FMI) et des bailleurs internationaux, qui conditionnent également leurs aides à des mesures concrètes de lutte contre la corruption et de restructuration économique.

Pourquoi le Qatar change-t-il de position ?

Le Qatar a longtemps utilisé son influence économique pour gagner du poids politique au Liban, en entretenant des relations avec différentes factions, notamment le Hezbollah et certains leaders sunnites proches d’Ankara et de Doha. Toutefois, plusieurs raisons expliquent ce changement de stratégie.

Un réalisme économique accru : Malgré sa puissance financière, le Qatar ne veut plus injecter des fonds dans un État instable sans garanties de retour. Le modèle d’aide inconditionnelle, expérimenté avec d’autres pays comme la Tunisie ou la Turquie, a montré ses limites, poussant Doha à privilégier des approches plus conditionnelles.

La pression internationale et le FMI : En adoptant une posture plus stricte envers le Liban, Doha se rapproche des exigences du FMI, qui réclame des réformes avant d’accorder une aide financière. Cette convergence permet au Qatar de renforcer sa crédibilité auprès des institutions financières internationales et d’éviter d’être perçu comme un soutien complaisant à un État en faillite.

La crainte d’un effondrement incontrôlable du Liban : Un Liban en faillite totale risquerait de devenir un facteur d’instabilité régionale majeur, avec une recrudescence des tensions communautaires et un exode massif de réfugiés. Doha, bien que traditionnellement bienveillant envers Beyrouth, ne veut pas prendre le risque d’investir massivement dans un pays qui pourrait exploser à tout moment.

Un repositionnement diplomatique du Qatar : Doha cherche à renforcer son image de médiateur et d’acteur de stabilité dans la région. Cette nouvelle approche lui permet de se différencier de l’Arabie saoudite, qui a déjà réduit son engagement financier au Liban, et d’éviter de se retrouver seul à financer un État en crise.

Quelles conséquences pour le Liban ?

La déclaration de Mohammed bin Abdulrahman Al Thani envoie un message clair aux dirigeants libanais : le temps des aides automatiques est terminé, et Beyrouth doit prendre ses responsabilités.

Une pression accrue sur la formation du gouvernement : La classe politique libanaise est incapable de former un gouvernement stable depuis plusieurs mois, en raison des désaccords entre les principales factions. L’annonce du Qatar pourrait forcer les différents partis à accélérer les négociations, sous peine de voir le Liban sombrer encore plus profondément dans la crise.

Un risque d’effondrement financier : L’économie libanaise est à bout de souffle, avec une inflation galopante, un système bancaire en crise et une dette extérieure insoutenable. Le Liban avait espéré obtenir un soutien financier des pays du Golfe, notamment du Qatar, pour alléger la pression économique. Si Doha maintient une position stricte, Beyrouth pourrait se retrouver encore plus isolé, avec peu de solutions à court terme.

Un signal fort pour les autres puissances régionales : La position du Qatar pourrait influencer d’autres pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, qui ont déjà réduit leur engagement financier au Liban. Si Doha, pourtant historiquement plus indulgent, adopte une ligne dure, cela pourrait renforcer la marginalisation économique du Liban sur la scène régionale.

Un dilemme pour Beyrouth : réforme ou effondrement ?

Le Liban fait face à une décision cruciale : soit il engage enfin les réformes nécessaires pour obtenir une aide internationale, soit il continue à tergiverser et risque un isolement économique encore plus profond.

La déclaration du Premier ministre qatari résonne comme un avertissement sévère : le Liban doit prouver sa volonté de stabilisation avant d’obtenir une aide financière. Si les dirigeants libanais ne prennent pas cette déclaration au sérieux, ils pourraient voir s’éloigner l’un des derniers soutiens arabes encore disposés à aider le pays.

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Newsdesk Libnanews
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