Les violences faites aux femmes au Liban ont pris une ampleur préoccupante ces dernières années, aggravées par les crises économiques, politiques et sanitaires qui ont secoué le pays. Cet article se propose de détailler l’état des lieux des violences de genre au Liban, en fournissant des statistiques récentes, en abordant le cadre légal, et en intégrant les efforts des organisations internationales pour atténuer ce phénomène.
Statistiques Récemment Révélées
Les données disponibles indiquent une nette augmentation des violences contre les femmes, exacerbée par la pandémie de COVID-19 et la dégradation économique. Entre 2019 et 2020, les crimes contre les femmes ont augmenté de 107 %(Middle East Eye). Cette tendance s’est poursuivie au-delà de la pandémie, les pressions économiques et sociales ayant aggravé les tensions domestiques. Environ 1 femme sur 4 a déclaré se sentir moins en sécurité à domicile depuis le début de la pandémie, les maltraitances physiques étant signalées par 21 % des sondées(UN Women).
Parallèlement, une autre étude souligne que 32,7 % des femmes au Liban étaient sans emploi en 2022, une précarité qui les rend encore plus vulnérables à la violence(Middle East Eye). Le mariage précoce reste un problème majeur dans le pays, avec un taux de déscolarisation de 26 % des jeunes filles, souvent poussées vers le mariage pour soulager la charge financière des familles(Middle East Eye). Le cadre public n’est pas plus sûr pour les femmes : 40 % d’entre elles estiment que le harcèlement sexuel dans les lieux publics a augmenté depuis le début de la crise sanitaire( UN Women).
En 2023, les Forces de Sécurité Intérieure (ISF) ont signalé une augmentation triple du féminicide par rapport à 2022, tandis que l’ONG ABAAD a noté une augmentation de 42 % des abus sexuels sur les femmes et les filles.
Le Cadre Légal et ses Limites
En 2014, le Liban a adopté une loi contre la violence domestique, un premier pas significatif dans la protection des femmes. Toutefois, cette loi comporte de nombreuses lacunes. Par exemple, elle ne criminalise toujours pas le viol marital(Middle East Eye). De plus, malgré une décennie d’activisme, les avancées légales sont limitées. En effet, les lois sur le statut personnel restent régies par les différentes communautés religieuses du pays, chacune avec ses propres codes, ce qui complique la protection des femmes dans des cas de divorce ou de violence(Middle East Eye).
En dépit de ces efforts, le cadre juridique reste inadéquat pour offrir une protection suffisante aux femmes. L’inertie législative demeure un obstacle majeur. Par exemple, les tentatives de criminaliser le mariage des enfants se sont soldées par un échec en 2014, laissant toujours la porte ouverte aux mariages précoces(Middle East Eye).
Initiatives et Appels à l’Action
Face à ce manque de protection légale, les organisations de la société civile continuent de jouer un rôle crucial. L’ONG Kafa, fondée en 2005, reste à l’avant-garde de la lutte contre les violences domestiques. En réunissant d’autres ONG, Kafa a soumis plusieurs propositions de lois au gouvernement, dont certaines ont abouti à des avancées mineures mais symboliquement importantes(HRW).
Les pressions internationales, notamment via des programmes de l’ONU et de l’Union Européenne (UE), ont également encouragé la mise en place de réformes. L’UE, en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), a lancé plusieurs initiatives pour assurer que les femmes et les filles les plus vulnérables aient accès à des services de santé sexuelle et reproductive (SRH) essentiels et abordables. En collaboration avec des partenaires locaux tels qu’Amel, Salama, Nabaa, et la Society for Inclusion and Development in Communities (SIDC), l’UNFPA soutient six centres de santé primaire, deux dispensaires, et un refuge sécurisé pour les femmes et les filles à travers le Liban.
Ce partenariat a permis de fournir des services intégrés de prévention et de réponse à la violence basée sur le genre (GBV) à plus de 42 000 personnes dans le besoin. Cela inclut des soins prénatals et postnatals, la planification familiale, ainsi que la distribution de kits de dignité et de médicaments essentiels pour la santé reproductive.
Depuis le début de la crise en 2019, ce partenariat a permis d’atteindre plus de 104 000 femmes et filles, en leur offrant des services cruciaux de SRH et de prévention de la violence basée sur le genre, y compris la sensibilisation de pair à pair et la distribution de kits essentiels.
Coût Économique de la Violence
Au-delà de l’impact humain dévastateur, la violence contre les femmes a un coût économique immense. Une étude en cours cherche à évaluer ce coût au Liban, afin de sensibiliser les décideurs politiques et de les inciter à prendre des mesures. Selon des estimations globales, la violence basée sur le genre pourrait coûter jusqu’à 8 trillions de dollars à l’économie mondiale, en raison de la perte de productivité des femmes. Le Liban devrait prochainement entreprendre sa propre étude sur l’impact économique de la violence domestique, dans l’espoir d’utiliser ces chiffres pour pousser à des réformes législatives.
Bien que le Liban ait fait des progrès dans la reconnaissance des droits des femmes, les violences basées sur le genre restent un problème endémique. L’absence de réformes légales adaptées, combinée à une crise socio-économique persistante, aggrave la situation des femmes dans le pays. La société civile, les organisations internationales et certains parlementaires continuent de pousser pour des changements, mais ces efforts sont freinés par des cadres législatifs archaïques et un manque de volonté politique.
La lutte pour la protection des femmes au Liban est loin d’être terminée, et il est urgent de redoubler d’efforts pour mettre fin à ce cycle de violence, tout en améliorant la protection légale et le soutien aux victimes.