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Liban : 78 % en pauvreté, une nation à l’agonie

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Le Liban s’enfonce dans une crise économique et humanitaire d’une gravité sans précédent, où la pauvreté atteint des niveaux alarmants, touchant plus de 78 % de la population. Cette proportion, qui reflète une incapacité croissante à répondre aux besoins essentiels, s’accompagne d’une montée vertigineuse de la pauvreté extrême, d’une inflation galopante, d’un chômage endémique et d’un accès limité aux services de base comme la santé, l’éducation et l’électricité. Entre 2019 et 2023, le PIB a chuté de 55 milliards de dollars à 18 milliards, la livre libanaise s’échange à plus de 100 000 pour un dollar sur le marché noir en 2024, et les inégalités de richesse se creusent, accentuant les écarts entre une élite réduite et une majorité démunie. Dans ce contexte, comment les familles libanaises font-elles face à une crise qui redéfinit leur quotidien ?

La guerre de 2024 contre le Hezbollah, ajoutée aux crises précédentes comme l’explosion du port de Beyrouth en 2020, a amplifié une détresse déjà profonde. Cet état des lieux examine les seuils de pauvreté, les réalités de la pauvreté extrême, les stratégies de survie des ménages, et les inégalités croissantes qui menacent la cohésion sociale d’un pays autrefois prospère.

Plus de 78 % sous le seuil de pauvreté : une crise généralisée

La pauvreté au Liban a atteint un seuil critique, avec plus de 78 % des 4,5 millions d’habitants vivant sous le seuil de pauvreté en 2025. Ce seuil, défini comme le revenu minimum nécessaire pour couvrir les besoins essentiels (nourriture, logement, santé, éducation), était estimé à environ 500 000 livres libanaises par mois par personne avant 2019, soit 333 dollars au taux officiel de 1500 livres pour un dollar. Aujourd’hui, avec une dévaluation massive, ce seuil équivaut à moins de 5 dollars par mois au taux du marché noir, un montant inaccessible pour la majorité face à des prix qui ont explosé.

En 2012, seulement 12 % des Libanais vivaient sous ce seuil, un chiffre qui a grimpé à 44 % en 2022 selon des enquêtes couvrant cinq gouvernorats (Beyrouth, Mont-Liban, Nord, Bekaa, Akkar). La crise économique débutée en 2019, marquée par une inflation de 281 % en 2022 et une perte de 98 % de la valeur de la livre, a précipité cette chute. La guerre de 2024 a encore aggravé la situation, avec des pertes estimées entre 15 et 20 milliards de dollars, détruisant des infrastructures et des moyens de subsistance dans le sud, la Bekaa et les banlieues sud de Beyrouth. Aujourd’hui, les 78 % reflètent une pauvreté monétaire, mais aussi multidimensionnelle, incluant des privations en santé, éducation et services de base.

Seuil de pauvreté vs seuil de pauvreté extrême : une distinction critique

La distinction entre le seuil de pauvreté et le seuil de pauvreté extrême est essentielle pour comprendre l’ampleur de la crise au Liban. Le seuil de pauvreté représente le revenu minimum pour couvrir les besoins essentiels, tandis que le seuil de pauvreté extrême, ou ligne de survie, est fixé à un niveau encore plus bas, suffisant uniquement pour les besoins alimentaires de base. En 2022, la Banque mondiale estimait ce seuil extrême à environ 2,15 dollars par jour par personne au niveau international, ajusté localement à environ 250 000 livres par mois avant la crise (166 dollars au taux officiel de 2019). Aujourd’hui, au taux du marché noir, cela équivaut à moins de 2,5 dollars par mois, un montant dérisoire face à une inflation qui a multiplié les prix par dix ou plus.

Au Liban, en 2022, 44 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, mais environ 22 % était en pauvreté extrême, incapable de se nourrir adéquatement. En 2025, ce taux de pauvreté extrême a bondi, touchant près de 40 % des Libanais, soit environ 1,8 million de personnes, selon des estimations basées sur les tendances pré-2024 et l’impact de la guerre. Dans les zones rurales comme la Bekaa et Akkar, ce pourcentage est encore plus élevé, avec plus de 50 % des ménages incapables de couvrir leurs besoins alimentaires de base. Les réfugiés syriens, environ 1 million en 2025 après 200 000 retours spontanés post-Assad en décembre 2024, affichent un taux de pauvreté extrême de 90 %, contre 87 % en 2022.

La différence entre ces seuils se manifeste dans la survie quotidienne. Les familles sous le seuil de pauvreté peuvent encore accéder à des aliments de base en sacrifiant d’autres besoins (santé, éducation), tandis que celles en pauvreté extrême ne mangent souvent qu’un repas par jour ou moins, exposant les enfants à la malnutrition. En 2025, plus de la moitié des enfants de moins de deux ans dans la Bekaa et Baalbek-Hermel souffrent d’insécurité alimentaire sévère, consommant deux groupes alimentaires ou moins sur huit, un indicateur de pauvreté extrême qui compromet leur croissance et leur développement cognitif.

Inflation et chômage : des moteurs implacables

L’inflation et le chômage alimentent cette spirale de pauvreté. Avant 2019, un salaire moyen de 1 000 000 de livres équivalait à 666 dollars ; en 2025, il vaut moins de 10 dollars au taux du marché noir. Cette dévaluation a rendu les produits de base – pain, riz, huile – hors de portée, avec des prix multipliés par dix ou plus depuis 2020. Les importations, qui couvraient 80 % des besoins en blé avant 2024, ont été perturbées par les conflits en Ukraine et en Russie, puis par la guerre au Liban, augmentant encore les coûts. En 2022, les denrées alimentaires avaient augmenté de 570 %, une tendance qui s’est poursuivie avec la destruction des infrastructures agricoles en 2024.

Le chômage, qui dépassait 35 % avant 2024, a grimpé avec la guerre, touchant les secteurs de l’agriculture, de la construction et des services, qui employaient une large part de la population active. Les entreprises, confrontées à des coupures d’électricité de 20 heures par jour et à une inflation rendant les matières premières inaccessibles, ont fermé ou licencié massivement. En 2023, environ 52,8 % des Libanais n’avaient accès à aucune protection sociale, une proportion qui s’est accrue avec la guerre, laissant les travailleurs informels – majoritaires dans l’économie – sans revenu ni filet de sécurité.

Inégalités de richesse : un fossé qui se creuse

Alors que plus de 78 % des Libanais sombrent dans la pauvreté, les inégalités de richesse se creusent, accentuant les écarts entre une élite réduite et une majorité démunie. Avant 2019, le Liban était l’un des pays les plus inégalitaires du Moyen-Orient, avec 1 % des plus riches captant environ 25 % des revenus nationaux, contre 7 % pour les 50 % les plus pauvres. En 2022, cette concentration s’était aggravée, les 10 % les plus riches détenant 70 % de la richesse totale, tandis que les 50 % les plus pauvres n’en possédaient que 3,5 %.

La crise bancaire de 2019 a gelé 84 milliards de dollars de dépôts, affectant principalement la classe moyenne et les petits épargnants, tandis qu’une élite influente – hommes d’affaires, politiciens, banquiers – a réussi à préserver ou transférer ses avoirs à l’étranger avant ou pendant la crise. En 2023, environ 5 % de la population conservait un niveau de vie confortable, vivant dans des quartiers comme Achrafieh ou des résidences secondaires à l’étranger, tandis que 80 % luttaient pour survivre. La guerre de 2024 a encore élargi ce fossé : les plus riches ont pu fuir ou protéger leurs actifs, alors que les pauvres ont encaissé les pertes humaines et matérielles, notamment dans les zones bombardées comme le sud, où les agriculteurs et les petites entreprises ont tout perdu.

Ces inégalités se traduisent par des écarts flagrants. En 2025, une famille pauvre à Baalbek-Hermel survit avec moins de 10 dollars par mois, tandis qu’un ménage riche à Beyrouth dépense encore des milliers pour maintenir un niveau de vie pré-crise, grâce à des revenus en devises étrangères ou des réseaux d’influence. Les transferts de la diaspora, qui représentaient 6,7 milliards de dollars en 2023 (33 % du PIB), bénéficient principalement à une minorité connectée à l’étranger, laissant les plus démunis sans soutien. Cet écart creuse une fracture sociale, où la solidarité communautaire, autrefois un filet de sécurité, s’effrite face à une pauvreté généralisée touchant toutes les confessions.

Accès limité aux services de base : une spirale de privation

La pauvreté au Liban est multidimensionnelle, englobant des privations qui vont au-delà du revenu. En 2022, 73 % des Libanais et 100 % des non-Libanais (principalement des réfugiés syriens) étaient considérés comme pauvres selon une mesure prenant en compte la santé, l’éducation, l’eau, l’électricité et le logement, un taux qui s’est accru avec la guerre. En 2025, ces privations touchent une majorité écrasante, amplifiant la détresse des ménages.

La santé est gravement compromise. En 2023, un tiers des ménages n’avaient pas accès aux médicaments nécessaires, une situation aggravée par la destruction d’hôpitaux en 2024. Les familles sacrifient les soins pour se nourrir, avec 45 % réduisant ces dépenses en 2022, un chiffre qui a augmenté avec la guerre. L’éducation suit une trajectoire similaire : avant 2024, plus de 500 000 enfants étaient hors de l’école, et en 2025, un quart reste exclu, les familles ne pouvant payer les frais scolaires ou le transport, qui ont doublé depuis 2023.

L’accès à l’eau potable et à l’électricité est tout aussi limité. En 2023, 31 % des ménages manquaient d’eau suffisante, un problème amplifié par les réseaux détruits en 2024. L’électricité, limitée à quelques heures par jour avant la guerre, est quasi inexistante dans certaines zones, et 22 % des ménages n’ont aucun chauffage en 2025, exposant les enfants et les personnes âgées à des conditions rigoureuses. Ces privations, combinées à une inflation qui rend les produits essentiels inaccessibles, plongent les familles dans une spirale de pauvreté dont elles ne peuvent sortir sans aide extérieure.

Comment les familles survivent-elles ?

Face à une pauvreté touchant plus de 78 % de la population, les familles libanaises adoptent des stratégies de survie extrêmes. En 2022, trois ménages sur dix avaient au moins un enfant affamé ou sautant un repas, une proportion qui a grimpé avec la guerre. Dans les zones rurales comme la Bekaa, les repas se limitent souvent à du pain ou des pommes de terre, tandis que dans les villes, les familles réduisent les portions ou se tournent vers des dons communautaires, de plus en plus rares.

Le travail des enfants est devenu courant. En 2021, 10 % des enfants travaillaient – 22 % parmi les Syriens, 7 % parmi les Palestiniens, 4 % parmi les Libanais – et ce taux a augmenté en 2025, avec des garçons vendant des produits dans la rue et des filles aidant dans des tâches domestiques. Cette pratique sacrifie l’éducation pour un revenu immédiat, un choix désespéré dans un pays où les écoles sont souvent inaccessibles ou détruites. Les familles coupent également dans les soins médicaux et autres dépenses non alimentaires, aggravant leur vulnérabilité à long terme.

Un Liban fracturé par la pauvreté

La pauvreté à 78 % menace l’identité plurielle du Liban, où chrétiens, sunnites, chiites et druzes coexistaient dans un équilibre fragile. Les inégalités croissantes – une élite de 5 % prospérant face à une majorité démunie – et la montée de la pauvreté extrême à 40 % creusent des fossés sociaux et communautaires. Sans réformes – restructuration bancaire, protection sociale – et sans une aide internationale massive pour contrer les pertes de la guerre et relancer une économie en ruine, le Liban risque de perdre son modèle de coexistence, laissant ses familles dans une misère persistante.

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