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Liban : Nawaf Salam englué dans un blocage politique explosif

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Le Premier ministre libanais Nawaf Salam traverse une tempête politique majeure, à peine deux mois après la formation de son gouvernement le 8 février 2025. Censé incarner une nouvelle ère de réformes et de stabilité après des années de vide institutionnel, son cabinet se heurte à des blocages profonds sur des nominations stratégiques clés, notamment celle du gouverneur de la Banque du Liban (BDL) et des postes judiciaires. Ces désaccords opposent principalement le Courant patriotique libre (CPL) de Gebran Bassil au Hezbollah, deux forces influentes aux agendas divergents. Pendant ce temps, l’économie libanaise s’effondre davantage, avec une livre libanaise en chute libre et une hyperinflation qui étrangle les citoyens. L’opposition parlementaire, exaspérée par l’inaction, réclame des mesures d’urgence, tandis que des manifestations massives sont prévues cette semaine à Beyrouth, orchestrées par des syndicats et des groupes de la société civile. Ce chaos institutionnel paralyse les espoirs d’aide internationale, notamment du FMI, et menace de plonger le pays dans une crise encore plus abyssale. Salam peut-il surmonter ces divisions, ou son gouvernement risque-t-il de devenir une énième victime du système confessionnel libanais ?

Une bataille pour la Banque du Liban : CPL contre Hezbollah

Au cœur de la crise actuelle se trouve la désignation du successeur de Riad Salamé, gouverneur de la Banque du Liban pendant trente ans, dont le mandat s’est achevé en juillet 2023. Depuis, le poste est occupé par intérim par Wassim Mansouri, premier vice-gouverneur, dans un climat de vide juridique et de pressions politiques intenses. En 2025, la nomination d’un nouveau gouverneur est devenue un champ de bataille entre le CPL et le Hezbollah, chacun cherchant à imposer un candidat aligné sur ses intérêts.

Le CPL, dirigé par Gebran Bassil, pousse pour un proche du parti, souvent évoqué comme étant Marwan Abboud, ancien gouverneur de Beyrouth et figure respectée dans les cercles chrétiens. Bassil voit dans ce poste une opportunité de renforcer son influence économique et de contrer l’hégémonie chiite sur les institutions financières. Depuis la crise économique de 2019, qui a vu la livre perdre 95 % de sa valeur, le CPL accuse le Hezbollah d’avoir couvert les malversations de Salamé, notamment les transferts illégaux de 7 milliards de dollars à l’étranger entre 2019 et 2020. En 2025, Bassil exige un gouverneur capable de restaurer la transparence et de limiter l’influence iranienne via les réseaux financiers du Hezbollah.

De son côté, le Hezbollah soutient un candidat discret mais fidèle à ses priorités, souvent cité comme étant un technocrate chiite proche de Nabih Berri, président du Parlement et leader d’Amal, son allié historique. Le parti chiite, affaibli par la guerre de 2024 contre Israël, qui a détruit ses bastions et coûté plus de 4 000 vies, veut sécuriser un gouverneur qui protège ses circuits économiques, notamment les flux de devises provenant de l’Iran. En 2025, ces flux, estimés à 1 milliard de dollars par an avant la guerre, ont chuté de 40 %, mais restent vitaux pour le Hezbollah, qui finance ses opérations sociales et militaires via des canaux bancaires opaques.

Nawaf Salam, ancien président de la Cour internationale de justice et Premier ministre depuis janvier 2025, tente de jouer les équilibristes. Lors de sa prise de fonction, il a promis un gouvernement de « réformes et de salut », mais sa neutralité est mise à rude épreuve. En février 2025, il a proposé une liste de candidats indépendants pour la BDL, incluant des économistes comme Jihad Azour, ancien directeur du FMI pour le Moyen-Orient, mais cette tentative a été rejetée par les deux camps. Le CPL accuse Salam de céder au Hezbollah, tandis que ce dernier le soupçonne de favoriser les intérêts chrétiens sous la pression de Bassil. En mars 2025, aucune nomination n’a été validée, et Mansouri reste en poste, incapable de lancer des réformes sans mandat clair.

Ce blocage paralyse la BDL, dont les réserves de devises ont fondu à 8 milliards de dollars en 2025, contre 36 milliards en 2019. La banque centrale, pilier d’une économie en ruines, ne peut ni stabiliser la livre ni relancer le crédit sans un gouverneur légitime. En février 2025, le taux de change officiel est fixé à 89 500 livres pour un dollar, mais sur le marché noir, il frôle les 150 000, alimentant une hyperinflation qui atteint 250 % sur l’année, selon les estimations économiques de 2025. Cette impasse financière, exacerbée par les luttes de pouvoir, met Salam sous une pression croissante alors que le pays s’enfonce dans le chaos.

Nominations judiciaires : un échiquier confessionnel

Le dossier des nominations judiciaires est tout aussi explosif. En 2025, des postes clés au sein du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et de la Cour de cassation restent vacants, bloqués par des rivalités entre partis cherchant à placer des juges favorables à leurs agendas. Le Liban, avec son système confessionnel, répartit ces postes selon un équilibre fragile : le président du CSM est traditionnellement maronite, le procureur général chiite, et d’autres fonctions alternent entre sunnites, druzes et orthodoxes. Mais cette mécanique, censée garantir la représentativité, est devenue un outil de marchandage politique.

Le CPL exige un contrôle accru sur les nominations maronites, notamment celle du président du CSM, vacant depuis le départ à la retraite de Jean Fahd en 2023. Bassil propose des figures comme Ziad Abi Chaker, un juge réputé pour son indépendance mais proche des milieux chrétiens, afin de contrer l’influence du Hezbollah dans les tribunaux. Le parti chiite, lui, insiste sur un procureur général aligné sur ses intérêts, souvent évoqué comme étant Ali Ibrahim, un magistrat chiite expérimenté mais perçu comme un relais de Nabih Berri. Cette lutte reflète une bataille plus large pour le contrôle de la justice, cruciale dans un pays où les enquêtes sur la corruption et l’explosion du port de Beyrouth en 2020 restent enlisées.

L’explosion du port, qui a tué 218 personnes et détruit des quartiers entiers, illustre cette paralysie judiciaire. En 2025, l’enquête menée par le juge Tarek Bitar, suspendue depuis 2021 par des plaintes déposées par des politiciens visés, n’a toujours pas repris. Salam, lors de son discours d’investiture en février 2025, a promis de relancer cette investigation, mais les blocages sur les nominations l’empêchent d’agir. Le Hezbollah, qui a perdu son chef Hassan Nasrallah dans une frappe israélienne en 2024, craint qu’un juge trop indépendant ne rouvre des dossiers compromettants, comme les responsabilités dans le stockage du nitrate d’ammonium. Le CPL, de son côté, veut des magistrats capables de poursuivre les anciens alliés du Hezbollah, notamment dans les scandales bancaires.

En mars 2025, un compromis semble hors de portée. Les réunions du CSM, censées valider les nominations, sont ajournées faute d’accord. Cette inertie bloque aussi les réformes judiciaires exigées par le FMI, comme la création d’un tribunal spécial pour les crimes financiers. Sans juges en poste, les affaires de corruption, impliquant des milliards de dollars détournés depuis 2019, restent lettre morte, alimentant la défiance des citoyens envers un système perçu comme un jouet des élites.

Une économie au bord de l’abîme : la livre en chute libre

La crise politique se déroule sur fond d’effondrement économique. En 2025, la livre libanaise continue sa descente aux enfers, passant de 100 000 à 150 000 pour un dollar sur le marché noir entre janvier et mars. Cette dévaluation, amorcée en 2019, a réduit le salaire minimum de 675 000 livres (450 dollars à l’époque) à une valeur réelle de 4,5 dollars par mois en 2025. L’hyperinflation, qui atteint 250 % sur l’année, fait grimper le prix d’un panier alimentaire de base à 20 millions de livres, soit dix fois le salaire moyen d’un employé public.

La BDL, sans gouverneur permanent, ne peut ni unifier les taux de change ni relancer les importations essentielles. En 2025, 80 % des produits alimentaires et médicaux sont importés, mais les réserves en devises, tombées à 8 milliards de dollars, couvrent à peine deux mois de besoins. Les subventions sur l’essence et le pain, supprimées en 2023, n’ont pas été remplacées par un filet social viable : en mars 2025, 85 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, contre 28 % en 2018. Les pannes d’électricité, limitées à deux heures par jour, paralysent les hôpitaux et les entreprises, tandis que les pharmacies signalent une pénurie de 70 % des médicaments de base.

L’opposition parlementaire, menée par les Forces libanaises (FL) et des indépendants issus de la révolte de 2019, accuse Salam d’inaction. En février 2025, elle a proposé un plan d’urgence : recapitalisation des banques, contrôle des capitaux, et audit des dettes. Mais sans consensus au gouvernement, ces mesures restent sur le papier. Les FL, qui comptent 19 sièges sur 128 au Parlement, ont organisé des sit-ins à Beyrouth en mars 2025, exigeant la démission de Salam s’il ne parvient pas à nommer un gouverneur et à lancer des réformes. Cette pression interne s’ajoute à celle des bailleurs internationaux, qui conditionnent leur aide à des avancées concrètes.

L’aide internationale en attente : le FMI dans les starting-blocks

Le blocage politique retarde cruellement l’aide du Fonds monétaire international (FMI), essentielle pour sortir le Liban de l’ornière. En avril 2022, un accord préliminaire prévoyait 3 milliards de dollars sur quatre ans, mais il exigeait des réformes : restructuration des banques, unification du taux de change, et levée du secret bancaire. En 2025, aucune de ces conditions n’est remplie. Les pertes du secteur bancaire, estimées à 70 milliards de dollars en 2020, n’ont pas été absorbées, et les dépôts des épargnants – 90 milliards de dollars gelés depuis 2019 – restent inaccessibles.

En février 2025, une délégation du FMI a rencontré Salam à Beyrouth, réitérant son offre d’aide. Mais sans gouverneur à la BDL ni réformes judiciaires, les discussions piétinent. Les États-Unis, qui ont imposé des sanctions à Riad Salamé en 2023 pour corruption, pressent Salam de nommer un technocrate indépendant, tandis que la France, ancienne puissance mandataire, propose un fonds de 1 milliard d’euros pour la reconstruction, conditionné à un gouvernement opérationnel. En mars 2025, ces promesses restent en suspens, et le Liban survit grâce à des dons humanitaires – 500 millions de dollars en 2024 – loin des besoins estimés à 10 milliards pour relancer l’économie.

Ce retard exaspère les bailleurs. En 2025, la Banque mondiale classe le Liban parmi les trois pires crises économiques depuis 1850, avec un PIB réduit à 18 milliards de dollars contre 55 milliards en 2018. Sans aide, la spirale inflationniste risque de s’accélérer : en février 2025, le prix du carburant a bondi de 300 % en six mois, paralysant les transports et le commerce. Cette impasse financière, liée au blocage politique, met Salam face à un ultimatum : agir ou voir son gouvernement sombrer.

La rue s’enflamme : manifestations imminentes à Beyrouth

La grogne populaire atteint un point de non-retour. En mars 2025, des syndicats comme la Confédération générale des travailleurs, qui représente 200 000 employés, et des groupes de la société civile issus de la révolte de 2019 annoncent des manifestations massives à Beyrouth pour le 10 mars. Ces protestations, prévues devant le Parlement et le palais du gouvernement à Baabda, visent à dénoncer l’inaction de Salam face à la crise économique et les blocages politiques. En 2025, les salaires publics, gelés à 1,5 million de livres par mois, ne couvrent que 5 % des besoins vitaux, tandis que le chômage touche 40 % de la population active.

Les revendications sont claires : nomination immédiate d’un gouverneur à la BDL, adoption d’un plan anti-inflation, et relance de l’enquête sur l’explosion du port. En février 2025, une grève des enseignants a paralysé les écoles publiques pendant trois semaines, et les hôpitaux signalent une hausse de 50 % des admissions pour malnutrition. Les organisateurs, soutenus par des figures comme Melhem Khalaf, député indépendant, espèrent mobiliser 100 000 personnes, un chiffre comparable aux rassemblements d’octobre 2019. Ces manifestations risquent de dégénérer : en 2024, des affrontements avec la police ont fait 15 blessés lors d’un sit-in à Tripoli, et l’armée, déployée dans les rues depuis 2020, manque de moyens pour contenir une foule en colère.

Cette pression populaire fragilise Salam. En 2025, sa cote de popularité, initialement à 60 % lors de sa nomination, chute à 35 %, selon un sondage interne. Les critiques fusent : les Forces libanaises l’accusent de faiblesse face au Hezbollah, tandis que les indépendants le jugent incapable de dépasser les querelles confessionnelles. La rue, elle, ne pardonne pas l’absence de résultats tangibles dans un pays où 1,5 million de personnes dépendent de l’aide alimentaire, contre 300 000 en 2018.

Un gouvernement au bord du précipice

Nawaf Salam se trouve dans une position intenable. En mars 2025, son gouvernement, formé après deux ans de vide institutionnel, devait incarner l’espoir d’un Liban sortant d’une guerre dévastatrice avec Israël et d’une crise économique sans précédent. Mais les blocages sur la Banque du Liban et les nominations judiciaires révèlent la persistance d’un système confessionnel où chaque parti défend son pré carré. Le CPL et le Hezbollah, bien que rivaux, partagent un objectif commun : préserver leur influence face à une société civile et une opposition qui exigent un changement radical.

Les impacts immédiats sont désastreux. La livre libanaise, dévaluée de 50 % depuis janvier 2025, alimente une hyperinflation qui détruit le pouvoir d’achat. L’absence de réformes bloque 3 milliards de dollars du FMI et des fonds européens, essentiels pour recapitaliser les banques et relancer l’économie. Les manifestations prévues cette semaine risquent de transformer Beyrouth en un champ de bataille politique, mettant Salam face à un choix : céder aux pressions partisanes ou affronter la rue.

Le Liban est à un tournant. En 2025, la guerre a affaibli le Hezbollah, et l’élection de Joseph Aoun à la présidence en janvier a brisé des années de paralysie. Mais sans consensus sur les nominations stratégiques, le gouvernement de Salam pourrait devenir un énième échec dans une histoire marquée par les luttes de pouvoir. La question demeure : ce juriste international, habitué aux arbitrages mondiaux, peut-il dompter les factions libanaises, ou son rêve de salut s’effondrera-t-il sous le poids des divisions ?

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