L’assassinat de Hassan Nasrallah a attiré l’attention sur l’utilisation de bombes anti-bunker, notamment par Israël. Parmi les armes potentiellement employées figurent la GBU-28, la GBU-39/B et la GBU-57A/B (MOP – Massive Ordnance Penetrator). Ces bombes, développées par les États-Unis et fournies à Israël dans le cadre de leur alliance militaire, sont conçues pour pénétrer profondément les structures fortifiées avant d’exploser. Toutefois, une question controversée se pose : ces bombes contiennent-elles de l’uranium appauvri, et quels sont les effets sur les populations civiles lorsqu’elles sont utilisées dans des zones habitées ?
Caractéristiques des bombes utilisées
1. GBU-28
La GBU-28 est une bombe anti-bunker développée pour la première fois pendant la guerre du Golfe de 1991. Pesant environ 2,2 tonnes, elle peut percer jusqu’à 6 mètres de béton armé ou 30 mètres de sol avant de déclencher une explosion. Sa puissance en fait une arme redoutable contre les cibles profondément enfouies, telles que les bunkers souterrains. Certaines versions de la GBU-28 contiennent de l’uranium appauvri pour améliorer la capacité de pénétration.
2. GBU-39/B Small Diameter Bomb (SDB)
La GBU-39/B est une bombe à guidage de précision plus petite mais hautement efficace pour des frappes ciblées. Elle est connue pour sa capacité à causer des dommages importants tout en minimisant les dégâts collatéraux, bien que son utilisation dans des zones civiles soit toujours sujette à controverse. Cette bombe ne contient généralement pas d’uranium appauvri.
3. GBU-57A/B (MOP – Massive Ordnance Penetrator)
Le GBU-57A/B est l’une des plus grandes bombes anti-bunker existantes. Pesant près de 13,6 tonnes, elle peut percer plus de 60 mètres de béton armé avant d’exploser. Bien qu’il n’y ait pas de confirmation publique concernant l’utilisation d’uranium appauvri dans ce modèle, certaines spéculations suggèrent que des versions améliorées pourraient en contenir pour accroître la capacité de destruction.
Ces bombes, en particulier les GBU-28 et GBU-39/B, ont été largement utilisées par Israël dans ses opérations militaires contre des cibles stratégiques au Liban, à Gaza et ailleurs. Certaines de ces munitions peuvent contenir des éléments comme l’uranium appauvri pour améliorer leur capacité de pénétration, soulevant des préoccupations humanitaires et environnementales, surtout si elles sont employées dans des zones civiles.
Uranium appauvri : Effets sur la santé et l’environnement
L’uranium appauvri est un matériau dense souvent utilisé dans les munitions pour améliorer leur capacité de pénétration. Bien que moins radioactif que l’uranium naturel, il reste hautement toxique lorsqu’il est dispersé dans l’environnement. Lorsqu’une bombe contenant de l’uranium appauvri explose, elle libère des particules radioactives et toxiques dans l’air, qui peuvent être inhalées ou ingérées par les habitants de la zone touchée.
Lorsque des munitions contenant de l’uranium appauvri (UA) explosent, elles dispersent de minuscules particules métalliques d’UA dans l’environnement. Ces particules peuvent se propager sur une vaste zone, en fonction de plusieurs facteurs, dont la force de l’explosion, les conditions météorologiques (vent, pluie, etc.), et le terrain. En général, les particules d’uranium appauvri peuvent se disperser sur plusieurs centaines de mètres autour de l’impact initial. Certaines études ont montré que des traces de particules d’uranium appauvri peuvent être retrouvées à des distances pouvant aller jusqu’à plusieurs kilomètres du site d’impact.
Les particules d’UA libérées dans l’air sont suffisamment petites pour être inhalées par les personnes se trouvant à proximité. Elles peuvent également contaminer les sols, l’eau et la végétation, pénétrant dans la chaîne alimentaire. La durée de vie de ces particules dans l’environnement est très longue, en raison de la demi-vie de l’uranium (4,5 milliards d’années pour l’uranium-238), ce qui signifie que les zones contaminées peuvent rester dangereuses pendant des décennies, voire des siècles.
Effets sur la santé de l’exposition à l’uranium appauvri
L’exposition à l’uranium appauvri peut survenir de plusieurs manières :
- Inhalation : L’une des principales voies d’exposition est l’inhalation des poussières d’UA dispersées dans l’air après une explosion. Ces particules peuvent rester dans les poumons pendant des années, irradiant les tissus avoisinants.
- Ingestion : Les particules d’UA peuvent également être ingérées par des aliments ou de l’eau contaminés.
- Contact avec la peau : Bien que l’absorption par la peau soit moins probable, les blessures ouvertes exposées à l’UA peuvent entraîner une contamination directe.
Effets spécifiques sur la santé
Les effets sur la santé liés à l’exposition à l’uranium appauvri sont dus à ses propriétés chimiques toxiques (similaires à celles des métaux lourds comme le plomb) et à ses propriétés radiologiques (bien qu’il soit faiblement radioactif comparé à l’uranium naturel). Voici les principaux risques pour la santé :
- Cancers :
- Les particules inhalées peuvent rester dans les poumons pendant de longues périodes, exposant les tissus pulmonaires à des radiations alpha. Cela augmente considérablement le risque de cancer du poumon.
- Une fois dans la circulation sanguine, l’UA peut se fixer dans les reins, les os et d’autres organes, augmentant le risque de cancers dans ces zones, tels que le cancer des reins, des os, et potentiellement des leucémies.
- Malformations congénitales :
- Dans les zones touchées par l’UA, des taux élevés de malformations congénitales ont été observés chez les enfants nés de parents exposés. Cela a été particulièrement documenté en Irak, où des pics de malformations ont été enregistrés après l’exposition à l’UA pendant la guerre du Golfe (1990-1991).
- Dommages aux reins :
- L’uranium est un métal lourd et toxique. Lorsqu’il est ingéré ou inhalé, il est principalement filtré par les reins, ce qui peut causer des lésions rénales sévères, allant jusqu’à l’insuffisance rénale.
- Problèmes neurologiques :
- Certaines études suggèrent que l’exposition à long terme à l’UA pourrait causer des problèmes neurologiques, tels que des troubles cognitifs, des maux de tête chroniques et d’autres affections affectant le système nerveux central.
- Autres effets à long terme :
- L’exposition à l’UA a également été associée à des affections cardiovasculaires, des maladies respiratoires chroniques, et une réduction de l’espérance de vie pour les populations vivant dans des zones contaminées.
Le cas de l’Irak dans les années 1990
Après la guerre du Golfe de 1990-1991, l’Irak a été gravement touché par l’utilisation de munitions à uranium appauvri par les forces de la coalition, en particulier lors des bombardements sur les chars et les bunkers irakiens. Selon les rapports, environ 300 tonnes de munitions à uranium appauvri auraient été utilisées pendant le conflit. Les effets sur la santé des populations locales ont été désastreux.
Cancers
Dans les années suivant la guerre, les autorités irakiennes et des ONG internationales ont rapporté une hausse dramatique des cas de cancers, en particulier les cancers du poumon, des reins et des os. Des taux exceptionnellement élevés de leucémie et de lymphome ont également été observés dans les régions où les bombes à uranium appauvri ont été utilisées.
Malformations congénitales
Un autre effet tragique de l’exposition à l’uranium appauvri en Irak a été une augmentation sans précédent des malformations congénitales. Les hôpitaux, notamment à Bassorah et Falloujah, ont signalé des taux extrêmement élevés de naissances avec des anomalies graves, telles que des malformations cardiaques, des membres atrophiés ou inexistants, et des déformations faciales.
Distance de Dispersion des Particules d’Uranium Appauvri
- Dispersion immédiate après l’impact :
- Lors de l’explosion d’une bombe ou d’un obus contenant de l’uranium appauvri, des particules de métal peuvent être projetées dans l’atmosphère. Les études indiquent que les particules les plus lourdes tombent relativement près du site d’impact, généralement dans un rayon de quelques centaines de mètres (jusqu’à environ 500 mètres). Cependant, les particules plus légères et les poussières peuvent être transportées par les vents et se disperser sur plusieurs kilomètres.
- Contamination à plus longue portée :
- En fonction des conditions météorologiques, notamment le vent, les petites particules d’uranium appauvri peuvent se déplacer sur plusieurs kilomètres. Des études menées dans des zones touchées, comme en Irak, ont révélé des traces de contamination par l’UA jusqu’à 10 km ou plus à partir du site d’impact.
Études de cas : Irak et Balkans
- Irak (guerre du Golfe, 1990-1991) : Les zones touchées par les munitions à uranium appauvri ont montré une contamination persistante dans un rayon de 5 à 10 kilomètres autour des sites d’impact, avec des traces détectables bien au-delà dans certaines circonstances particulières (vents forts, désert aride).
- Balkans (guerre de Yougoslavie, 1999) : Des mesures effectuées après les bombardements de l’OTAN ont montré une contamination de l’air, du sol, et de l’eau dans des zones s’étendant sur plusieurs kilomètres autour des sites d’impact.
Législation internationale et crimes de guerre
L’utilisation d’armes contenant de l’uranium appauvri dans des zones civiles soulève des questions juridiques complexes. Selon les Conventions de Genève, les États parties sont tenus de protéger les civils des conséquences des hostilités. L’utilisation d’armes qui causent des dommages superflus ou des souffrances inutiles est strictement interdite.
Bien que l’uranium appauvri ne soit pas explicitement interdit par le droit international, de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme et des ONG plaident pour son interdiction totale en raison de ses effets à long terme sur la santé et l’environnement. L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté plusieurs résolutions appelant à la restriction ou à l’interdiction des armes à uranium appauvri, bien que ces résolutions ne soient pas contraignantes.
L’utilisation de bombes à uranium appauvri dans des zones civiles pourrait être considérée comme un crime de guerre si elle entraîne des dommages disproportionnés aux populations civiles par rapport aux avantages militaires obtenus. La Cour pénale internationale (CPI) et d’autres instances internationales pourraient enquêter sur de telles allégations en cas de plainte formelle.
Conséquences pour le Liban
Si ces armes ont effectivement été utilisées dans des zones civiles au Liban, notamment autour de Beyrouth, les conséquences pour la population seraient potentiellement catastrophiques. La dispersion de particules d’uranium appauvri dans l’air et dans le sol pourrait entraîner une crise de santé publique à long terme, similaire à celle observée en Irak après la guerre du Golfe. Les services de santé libanais, déjà fragilisés par des années de crise économique et politique, seraient largement incapables de faire face à une telle urgence.
De plus, la contamination des terres pourrait rendre certaines zones inhabitées pendant des décennies, forçant de nombreuses familles à fuir et rendant la reconstruction encore plus difficile. Les effets sociaux, économiques et sanitaires d’une telle catastrophe environnementale pourraient aggraver les problèmes déjà considérables auxquels le Liban est confronté.
L’assassinat de Hassan Nasrallah et l’utilisation potentielle de bombes anti-bunker contenant de l’uranium appauvri dans des zones civiles illustrent les dangers que posent ces armes. Les répercussions sur la santé humaine et l’environnement sont considérables, et l’impact à long terme sur les populations civiles pourrait constituer une violation du droit international humanitaire.