Un Premier ministre sous la pression des acteurs régionaux et internationaux
Depuis sa nomination à la tête du gouvernement, Nawaf Salam est soumis à des pressions multiples et contradictoires, émanant aussi bien des puissances occidentales que des acteurs régionaux impliqués dans la politique libanaise. Son défi principal consiste à former un gouvernement qui puisse être accepté à la fois par les forces internes et par les partenaires internationaux, tout en préservant une certaine indépendance décisionnelle face aux ingérences extérieures.
Selon Al Sharq (08/02/2025), les États-Unis et l’Arabie saoudite ont intensifié leurs efforts pour influencer la formation du cabinet, insistant sur l’exclusion totale du Hezbollah et de ses alliés politiques. Cette pression se manifeste sous plusieurs formes : conditionnalité des aides financières, menaces de sanctions ciblées contre des figures politiques libanaises et pressions diplomatiques accrues sur Nawaf Salam pour qu’il adopte une ligne alignée sur les intérêts de Washington et Riyad.
Dans le même temps, la France adopte une position plus mesurée. Elle tente d’agir en médiatrice, mettant en avant la nécessité d’un compromis entre les exigences internationales et les réalités politiques internes. Paris insiste sur la mise en place de réformes urgentes, notamment celles exigées par le Fonds Monétaire International (FMI) pour débloquer les aides financières promises au Liban. Toutefois, cette approche française se heurte aux intérêts divergents des différentes factions libanaises, ainsi qu’à l’opposition de Washington, qui refuse toute forme de conciliation avec le Hezbollah.
Le positionnement de Nawaf Salam est ainsi extrêmement délicat. Il doit non seulement composer avec les factions internes, notamment le Hezbollah et Amal, qui s’opposent à toute tentative de marginalisation, mais aussi avec les puissances étrangères qui cherchent à imposer un gouvernement conforme à leurs intérêts stratégiques dans la région. Cette équation complexe rend toute avancée difficile et expose Nawaf Salam à un risque de paralysie politique, alors que le Liban traverse une crise économique et institutionnelle sans précédent.
n affrontement avec Nabih Berri et le tandem Hezbollah-Amal
L’une des principales difficultés auxquelles est confronté Nawaf Salam dans la formation de son gouvernement est le refus catégorique du tandem Amal-Hezbollah d’accepter un ministre chiite non affilié à leurs rangs. Cette exigence s’inscrit dans une logique de préservation des équilibres confessionnels, un principe fondamental du système politique libanais. Nabih Berri, président du Parlement et chef du mouvement Amal, a réaffirmé que toute nomination d’un ministre chiite devait être validée par les formations représentant cette communauté, et qu’aucun choix externe ne serait accepté, quels que soient les compromis internationaux envisagés.
Cette position a rapidement créé une confrontation directe entre Nawaf Salam et Nabih Berri, ce dernier accusant le Premier ministre désigné de « céder aux exigences étrangères au détriment des dynamiques politiques internes ». Selon Al Joumhouriyat (08/02/2025), les tensions se sont particulièrement intensifiées après les propositions américaines visant à imposer un gouvernement technocratique excluant toute influence du Hezbollah et d’Amal. Ce projet a immédiatement été perçu par le tandem chiite comme une tentative d’ingérence visant à affaiblir leur poids politique, ce qu’ils refusent catégoriquement.
Des négociations ont été entamées entre Nawaf Salam et Nabih Berri afin d’essayer de surmonter cette impasse, mais les positions restent figées. Berri exige que les ministres chiites soient désignés uniquement par Amal et le Hezbollah, tandis que Nawaf Salam, sous pression occidentale, tente d’imposer un candidat « neutre », perçu par le tandem chiite comme un cheval de Troie permettant de limiter leur influence dans les prises de décision gouvernementales. Le Hezbollah a clairement annoncé qu’il ne participerait à aucun gouvernement qui tenterait de le marginaliser, mettant ainsi en péril toute tentative de compromis.
L’affrontement entre Nabih Berri et Nawaf Salam n’est donc pas simplement un désaccord sur la nomination d’un ministre, mais bien un conflit plus large sur la répartition du pouvoir et les rapports de force entre les différentes factions libanaises. Cette confrontation bloque l’ensemble du processus de formation gouvernementale, empêchant tout progrès politique alors que le pays traverse une crise économique et sociale sans précédent.
Le rôle des États-Unis et de l’Arabie saoudite dans la crise
Les États-Unis et l’Arabie saoudite jouent un rôle central dans le blocage actuel de la formation du gouvernement libanais. Dès l’annonce de la nomination de Nawaf Salam, ces deux puissances ont multiplié les pressions diplomatiques et économiques pour s’assurer que le prochain cabinet ministériel soit débarrassé de toute influence du Hezbollah. Cette position a été réaffirmée à plusieurs reprises par des responsables américains et saoudiens, qui estiment que la présence du Hezbollah au sein du gouvernement entrave les relations entre Beyrouth et les partenaires occidentaux.
Lors de sa visite à Beyrouth, Morgan Ortagus, émissaire spéciale américaine, a clairement indiqué que Washington ne soutiendrait aucun gouvernement où le Hezbollah aurait une influence. Cette déclaration a immédiatement provoqué des réactions vives au sein des milieux politiques libanais, certaines factions dénonçant une tentative de dictée étrangère sur la formation du gouvernement. Selon Al Sharq (08/02/2025), les États-Unis conditionnent leur aide économique et leur soutien diplomatique à l’exclusion totale du Hezbollah, ce qui constitue une ligne rouge inacceptable pour Nabih Berri et ses alliés.
L’Arabie saoudite adopte une position similaire, soutenant activement les efforts américains. Riyad considère que le Liban doit se détacher de l’influence iranienne et se rapprocher des blocs régionaux alignés sur les intérêts saoudiens. Des sources diplomatiques citées par Al Liwa’ (08/02/2025) rapportent que « l’Arabie saoudite ne participera à aucune initiative économique pour soutenir le Liban tant que le Hezbollah aura un rôle au sein du gouvernement ». Cette politique de pression financière et diplomatique s’inscrit dans une logique plus large visant à affaiblir l’axe Iran-Hezbollah dans la région.
Ces pressions internationales ont un impact direct sur Nawaf Salam, qui tente de former un gouvernement capable de répondre aux exigences des puissances occidentales et du Golfe tout en évitant un affrontement frontal avec le Hezbollah et ses alliés. Cette situation place le Premier ministre désigné dans une impasse, chaque camp refusant de céder sur ses exigences. L’ingérence étrangère dans le processus politique libanais est donc plus manifeste que jamais, rendant la formation du gouvernement presque impossible sans une concession majeure de l’un des blocs.
Tensions internes et risque de blocage prolongé
Alors que les pressions internationales s’intensifient, les tensions internes entre les différents blocs politiques libanais ne cessent de s’aggraver, plongeant le pays dans une impasse institutionnelle de plus en plus préoccupante. Le Hezbollah et Amal ont prévenu que toute tentative d’exclusion de leurs représentants du gouvernement entraînerait une crise politique plus grave, pouvant aller jusqu’à la paralysie totale des institutions.
Nabih Berri a explicitement affirmé que le Parlement ne cautionnerait pas un gouvernement qui ne respecterait pas les équilibres confessionnels et les réalités politiques locales, une déclaration qui a eu pour effet de fermer la porte à toute tentative de compromis proposé par Nawaf Salam. De son côté, ce dernier continue de naviguer entre les pressions internationales et la nécessité de préserver un minimum de consensus interne, une tâche de plus en plus difficile compte tenu de l’inflexibilité des parties en conflit.
Sur le terrain, les tensions politiques commencent à se répercuter sur la situation sociale et sécuritaire. Des manifestations ont éclaté dans plusieurs régions du pays, notamment à Beyrouth et dans le sud du Liban, où des partisans du Hezbollah et d’Amal ont bloqué des routes en signe de protestation contre ce qu’ils considèrent comme une tentative de dictée étrangère du futur gouvernement.
Par ailleurs, les milieux économiques et financiers expriment une inquiétude croissante face à ce blocage prolongé. Selon Al Sharq AL Awsat (08/02/2025), plusieurs investisseurs et partenaires étrangers ont déjà gelé des projets d’aide et de coopération avec le Liban en raison de l’incertitude politique persistante. La crise actuelle risque donc d’accélérer l’effondrement économique du pays, d’autant plus que le FMI et d’autres institutions financières internationales exigent une stabilité gouvernementale avant d’octroyer tout soutien financier.
L’absence d’une solution rapide laisse entrevoir un prolongement du vide politique, avec des conséquences potentiellement catastrophiques sur la stabilité nationale. Le Liban semble ainsi s’enfoncer dans une crise institutionnelle dont l’issue demeure incertaine, alors que chaque acteur politique campe sur ses positions, refusant tout compromis pouvant être perçu comme une concession excessive à l’adversaire.