Le 22 avril 2025, les déclarations parallèles de Benyamin Netanyahou et de Donald Trump sur le conflit en cours à Gaza résonnent avec une synchronisation inhabituelle. D’un côté, le Premier ministre israélien promet une « guerre de renaissance » pour démanteler le Hamas et redessiner l’équilibre stratégique du Moyen-Orient. De l’autre, l’ancien président américain, candidat probable à la réélection, soutient sans réserve l’opération, affirmant qu’Israël « a le droit de renaître face au terrorisme ». Cette convergence suscite interrogations et critiques sur une alliance réactivée, dont les objectifs dépassent le simple théâtre militaire.
L’histoire politique commune entre Netanyahou et Trump remonte au mandat de ce dernier à la Maison-Blanche. Les deux dirigeants partagent une vision conservatrice du monde, une posture de défi vis-à-vis des institutions internationales, et une approche bilatérale des relations extérieures. Durant la présidence Trump, les relations israélo-américaines ont atteint un niveau d’alignement stratégique inédit : reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, transfert de l’ambassade américaine, reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le Golan, et soutien sans réserve à la politique de colonisation.
Depuis son retour au pouvoir, Netanyahou a entretenu un lien informel mais régulier avec Trump. Les deux hommes échangent des messages par l’intermédiaire de leurs conseillers respectifs. L’actuel conflit à Gaza semble offrir un terrain d’entente pour réactiver leur alliance idéologique. Trump, bien qu’ayant quitté la présidence, conserve une influence importante au sein du Parti républicain, et ses prises de position sur le Proche-Orient restent scrutées.
L’usage par Netanyahou de l’expression « guerre de renaissance » trouve un écho dans la rhétorique trumpienne de la « reconstruction du monde libre ». Les deux hommes s’inscrivent dans une logique de polarisation géopolitique : démocratie contre terrorisme, civilisation contre barbarie, renaissance nationale contre déclin. Cette sémantique dualiste, mobilisée dans des contextes très différents, alimente des dynamiques populistes où la guerre devient un outil de mobilisation électorale.
Aux États-Unis, Trump utilise la guerre à Gaza pour consolider sa base évangélique et pro-israélienne. Il insiste sur la nécessité de « soutenir sans condition notre allié historique », tout en critiquant les hésitations de l’administration Biden. Il accuse le gouvernement actuel de « faiblesse », « trahison de la cause israélienne », et de « complicité avec les ennemis de l’Amérique ». Ces déclarations sont relayées dans les médias conservateurs et renforcent sa position dans les primaires républicaines.
En Israël, la réactivation du soutien trumpien sert à Netanyahou de levier pour légitimer sa politique militaire et renforcer sa stature internationale. Accusé de corruption, fragilisé par des manifestations massives contre sa réforme judiciaire, contesté par des ex-généraux de l’armée, Netanyahou cherche dans la guerre un moyen de reconquête de son électorat et de division de l’opposition. La couverture médiatique de sa relation avec Trump vise à restaurer une image d’homme d’État soutenu à l’international.
La convergence entre les deux leaders ne s’arrête pas à Gaza. Sur la question iranienne, Trump soutient les accusations d’Israël selon lesquelles Téhéran serait l’instigateur indirect des attaques contre Israël. Il critique les négociations nucléaires en cours, les qualifiant de « mascarade dangereuse » et appelle à une stratégie d’isolement maximal. Netanyahou, de son côté, intensifie ses efforts diplomatiques pour torpiller les pourparlers, en se basant sur des informations issues du renseignement israélien, transmises à certains membres du Congrès américain proches de Trump.
Cette alliance réactivée inquiète les chancelleries européennes. Plusieurs diplomates expriment en privé leur malaise face à une escalade militaro-diplomatique difficile à contenir. La France, l’Allemagne et la Norvège plaident pour une reprise des négociations de cessez-le-feu, mais se heurtent à une ligne dure israélo-américaine soutenue par les droites nationales. Le risque d’une marginalisation des médiateurs traditionnels augmente à mesure que la polarisation s’accentue.
L’alignement stratégique entre Netanyahou et Trump repose aussi sur un rejet commun des institutions internationales. Le Premier ministre israélien refuse toute enquête de la CPI sur les événements de Gaza. Trump, de son côté, propose de retirer le financement américain à l’ONU si cette dernière condamne Israël. Ce type de posture aggrave la crise de légitimité des organismes multilatéraux et renforce la dynamique de fragmentation de l’ordre international.
L’opinion publique israélienne, quant à elle, reste divisée. Une partie des citoyens approuve le lien renouvelé avec Trump, perçu comme un allié fiable. Mais d’autres y voient une ingérence nuisible, un facteur de radicalisation qui isole davantage Israël sur la scène mondiale. La presse israélienne elle-même exprime des doutes sur l’efficacité d’une alliance fondée sur la guerre permanente. Plusieurs éditorialistes mettent en garde contre le « piège de la dépendance stratégique ».
Aux États-Unis, certains élus démocrates dénoncent l’usage politique du conflit à Gaza par Trump. Ils l’accusent de manipuler une tragédie humanitaire à des fins électorales. Des ONG pro-palestiniennes organisent des manifestations pour dénoncer le soutien américain aux bombardements. Dans ce climat tendu, les universités deviennent le théâtre d’affrontements idéologiques entre militants pro-israéliens et pro-palestiniens, exacerbant les divisions internes.
Le retour possible de Trump à la Maison-Blanche en 2025 pourrait avoir des conséquences profondes sur la politique étrangère américaine. La consolidation de l’alliance avec Netanyahou ouvrirait la voie à une stratégie de rupture complète avec les accords d’Abraham, au profit d’une approche unilatérale, centrée sur la force et la dissuasion. Cela pourrait également compromettre tout processus de paix crédible et renforcer les positions des factions les plus radicales.
En définitive, la convergence actuelle entre Trump et Netanyahou dépasse la simple coïncidence d’intérêts. Elle reflète une vision du monde fondée sur la domination stratégique, le rejet du compromis et l’usage politique de la guerre. Cette logique, si elle devait prévaloir, risquerait d’entraîner la région dans une spirale sans issue, où les ambitions personnelles se substitueraient aux dynamiques de négociation