Une structure fiscale déséquilibrée centrée sur la consommation
Le budget 2025 du Liban révèle une concentration inédite de la fiscalité sur la TVA, qui représenterait plus de 50 % des recettes fiscales totales. Cette évolution découle de la forte augmentation des rentrées de TVA prévues pour l’année : +86,9 % par rapport à 2024, selon les chiffres officiels du ministère des Finances. Cette hausse devrait rapporter à l’État plus de 2,4 milliards de dollars, soit une part majoritaire des recettes publiques.
Type de recettes fiscales | Montant estimé 2025 (M USD) | Part du total fiscal (%) |
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TVA | 2 421 | 52,8 % |
Impôt sur le revenu | 1 086 | 23,7 % |
Droits de douane et autres | 1 075 | 23,5 % |
Total recettes fiscales | 4 582 | 100 % |
Cette situation met en lumière la dépendance croissante de l’État libanais à l’imposition sur la consommation, au détriment de l’impôt direct sur les revenus ou sur le capital.
La TVA : un impôt efficace mais socialement régressif
L’administration fiscale privilégie la TVA pour sa facilité de collecte, sa base large et son rendement élevé. Toutefois, en contexte de forte informalité (plus de 50 % de l’économie selon InfoPro), cette taxe pèse disproportionnellement sur les ménages à revenus faibles, qui consacrent une part plus importante de leurs dépenses à la consommation courante.
La TVA est donc perçue comme un impôt régressif :
- Elle touche indistinctement riches et pauvres
- Elle alimente l’inflation des produits de base
- Elle ne tient pas compte de la capacité contributive réelle
Un impôt sur le revenu en hausse mais encore limité
Le rendement de l’impôt sur le revenu devrait progresser de 135,3 % en 2025, à la faveur d’un élargissement partiel de l’assiette et d’une meilleure traçabilité bancaire. Il reste néanmoins inférieur à la TVA, tant en valeur absolue qu’en part relative, alors qu’il est théoriquement plus équitable.
Cette situation s’explique par :
- L’évasion fiscale massive dans les revenus professionnels
- Le manque de numérisation des déclarations
- La faible culture fiscale
- L’absence d’un impôt progressif moderne
Une structure fiscale vulnérable face aux chocs
Cette dépendance à la consommation rend le système budgétaire vulnérable :
- En cas de contraction de la demande, les recettes chutent immédiatement
- Le choc est d’autant plus violent que les dépenses publiques sont rigides
- Il n’existe pas de stabilisateur automatique (impôt sur les bénéfices ou sur la fortune)
Une baisse de la consommation intérieure, liée à la hausse des prix, à l’exode ou à l’incertitude politique, pourrait donc entraîner un effondrement rapide des recettes, sans solution de repli pour l’État.
Réformes nécessaires pour rééquilibrer la fiscalité
Plusieurs pistes sont évoquées pour corriger cette structure déséquilibrée :
- Création d’un impôt progressif sur les revenus élevés
- Taxation des grandes fortunes mobilières et immobilières
- Lutte contre l’économie informelle et numérisation de la collecte
- Réduction ciblée de la TVA sur les produits de base
À moyen terme, le Liban doit évoluer vers une fiscalité plus équitable et stable, alignée sur les standards internationaux et capable de soutenir un développement inclusif sans pénaliser les plus vulnérables.