Benjamin Netanyahu a saisi l’occasion, début mars 2025, pour adresser un vibrant hommage à Donald Trump. Dans une vidéo en anglais diffusée depuis Jérusalem, le Premier ministre israélien a remercié le président américain pour avoir débloqué des livraisons de munitions, retenues sous Joe Biden, essentielles pour contrer ce qu’il appelle « l’axe de la terreur » iranien. Depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche en janvier, cette alliance revitalisée entre Washington et Jérusalem promet une escalade stratégique contre Téhéran et ses proxies – Hamas à Gaza, Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen. À l’heure où la guerre à Gaza s’éternise et où les tensions régionales atteignent un pic, ce soutien militaire massif redéfinit les rapports de force. Mais derrière ces déclarations triomphantes, les défis logistiques, politiques et humains pourraient compromettre cette ambition. Jusqu’où cette collaboration peut-elle mener ?
Un arsenal américain pour une guerre prolongée
« Donald Trump est le plus grand ami qu’Israël ait jamais eu à la Maison-Blanche », a proclamé Netanyahu, un sourire inhabituel éclairant son visage fatigué par des mois de crise. Ces mots ne sont pas anodins : ils célèbrent l’arrivée d’un arsenal crucial – bombes guidées, systèmes antimissiles, drones avancés – débloqué après des mois de tractations. Marco Rubio, secrétaire d’État américain, a signé en février une déclaration accélérant une aide militaire de 4 milliards de dollars, mettant fin à l’embargo partiel imposé par Biden face aux pertes civiles à Gaza.
Ce soutien intervient à un moment critique. Après dix-huit mois de combats acharnés contre Hamas, déclenchés par l’attaque du 7 octobre 2023, Israël a vu ses réserves d’armes s’épuiser. Les affrontements quasi quotidiens avec Hezbollah au nord et les frappes répétées contre des cibles iraniennes en Syrie ont accentué cette pression. Les nouvelles livraisons, incluant des bombes bunker-busting capables de percer les fortifications souterraines, offrent à Tsahal une bouffée d’oxygène pour poursuivre son offensive multidirectionnelle.
Trump, fidèle à sa doctrine de « pression maximale » contre l’Iran, voit dans cet appui une double opportunité : affaiblir Téhéran tout en renforçant un allié clé. Lors de sa campagne de 2024, il avait promis de « mettre l’Iran à genoux » en combinant sanctions économiques paralysantes et soutien militaire à Israël. Cette livraison concrétise cette vision, marquant un retour à la politique musclée de son premier mandat, lorsqu’il avait torpillé l’accord nucléaire de 2015 et intensifié les sanctions contre la République islamique.
Mais ce flux d’armes soulève des interrogations. Si Netanyahu affirme que ces outils permettront de « finir le travail », la définition de cette victoire reste vague. Éliminer totalement Hamas, démanteler Hezbollah, ou frapper directement l’Iran ? Chaque option exige des ressources colossales et un consensus international que ni Trump ni Netanyahu ne semblent prêts à chercher. Pour l’instant, cet arsenal dope les capacités israéliennes, mais il pourrait aussi prolonger un conflit déjà coûteux.
Gaza : un bourbier sans issue apparente
La guerre à Gaza, qui a transformé l’enclave en un champ de ruines, reste au cœur de cette stratégie. L’attaque du 7 octobre 2023, où Hamas a tué plus de 1 200 Israéliens et pris des centaines d’otages, a déclenché une réponse israélienne d’une ampleur inégalée. Netanyahu a juré d’éradiquer le groupe, qu’il accuse d’être une extension directe de l’Iran. Mais après plus d’un an et demi, les objectifs – détruire Hamas et libérer les otages – semblent hors de portée.
Les munitions débloquées par Trump visent à renverser cette dynamique. Les bombes de précision permettent de cibler les tunnels où se cachent les combattants, tandis que les systèmes antimissiles renforcent la défense contre les roquettes artisanales. En février 2025, une série de frappes sur Rafah, à la frontière égyptienne, a détruit plusieurs caches d’armes, démontrant la puissance de ce nouvel équipement. Pourtant, le bilan humain est accablant : plus de 45 000 Palestiniens auraient péri, selon les autorités locales, et Gaza est devenue inhabitable pour ses deux millions d’habitants.
Cette escalade divise. À Washington, Trump défend une ligne dure, qualifiant Netanyahu de « leader courageux » dans un discours récent à Mar-a-Lago. Mais des voix au Congrès, même parmi les républicains, s’inquiètent des retombées humanitaires. En Israël, la population, épuisée par les alertes constantes et les pertes militaires, oscille entre soutien à la guerre et lassitude. Netanyahu, sous pression judiciaire et politique, mise sur une victoire éclatante pour sauver son mandat. Les armes de Trump lui offrent une chance, mais à quel prix ?
La communauté internationale, elle, s’éloigne. Les Nations unies ont multiplié les appels à un cessez-le-feu, tandis que des pays comme la France et le Royaume-Uni réduisent leur soutien diplomatique à Israël. Trump, indifférent à ces critiques, voit dans Gaza un test de sa politique extérieure : une démonstration de force qui doit dissuader l’Iran et ses alliés. Mais cette obstination pourrait transformer un conflit local en un abcès régional insoluble.
L’Iran et ses proxies : une menace multiforme
Netanyahu ne limite pas son combat à Gaza. L’« axe de la terreur » qu’il dénonce englobe un réseau complexe de milices soutenues par Téhéran. Au Liban, Hezbollah a intensifié ses attaques depuis octobre 2023, tirant des milliers de roquettes sur le nord d’Israël en solidarité avec Hamas. Israël a riposté par des bombardements ciblés, éliminant des figures clés comme un commandant senior tué à Beyrouth en janvier 2025. Les systèmes antimissiles américains, tels que le Dôme de fer amélioré, absorbent désormais mieux ces salves, mais la menace persiste.
Au Yémen, les Houthis, autre bras armé de l’Iran, ont accru leurs attaques de drones et de missiles balistiques sur des navires en mer Rouge. En février 2025, un cargo lié à des intérêts israéliens a été endommagé, perturbant davantage le commerce mondial. Ces actions, bien que lointaines, illustrent l’ambition iranienne de projeter sa puissance au-delà de ses frontières. Netanyahu, avec l’appui logistique de Trump, envisage des frappes préventives plus audacieuses pour couper ces lignes de ravitaillement.
En Syrie, Israël a multiplié les raids aériens sur des dépôts d’armes et des bases iraniennes, profitant du vide laissé par la chute d’Assad en décembre 2024. Ces opérations, souvent menées avec des munitions américaines, ont ralenti le flux d’armements vers Hezbollah, mais elles ont aussi irrité la Russie, qui maintient une présence militaire dans le pays. L’Iran, malgré ces revers, conserve une résilience inquiétante. En janvier, une contre-attaque de missiles sur le Golan occupé a tué deux soldats israéliens, signalant que Téhéran ne pliera pas sans combattre.
Cette guerre par procuration met Trump et Netanyahu face à un dilemme. Les nouvelles armes renforcent leur capacité à frapper, mais elles ne résolvent pas la profondeur de l’enracinement iranien. Une frappe directe sur le sol iranien – notamment sur ses sites nucléaires – reste une option, mais elle transformerait le conflit en une guerre ouverte, un scénario que même Trump pourrait hésiter à endosser.
Une alliance sous haute tension
L’entente entre Netanyahu et Trump est une histoire de longue date, ponctuée de moments forts comme le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem en 2018. Leur retrouvailles en janvier 2025, lors de la première visite d’un chef d’État sous le second mandat de Trump, ont scellé un pacte clair : Washington fournit les moyens, Jérusalem mène la bataille. « Il me donne les outils pour finir le travail », a ripeté Netanyahu, louant la générosité de son allié.
Marco Rubio incarne cette continuité. Lors de sa tournée au Moyen-Orient en février, il a réaffirmé que « l’Amérique sera toujours aux côtés d’Israël face à la menace iranienne ». La levée de l’embargo de Biden, qui avait gelé certaines livraisons après les bombardements massifs de Gaza, symbolise ce virage. Les 4 milliards de dollars incluent des technologies de pointe – drones furtifs, missiles à longue portée – qui placent Israël en position de force régionale.
Mais cette alliance n’est pas sans nuages. Trump, obsédé par son image de « faiseur de paix », pourrait exiger des concessions, comme une normalisation avec l’Arabie saoudite, qui reste conditionnée à un règlement palestinien. Netanyahu, lui, doit jongler avec une coalition hétéroclite et une opinion publique divisée entre faucons et modérés. Les manifestations à Tel-Aviv, où des familles d’otages accusent le gouvernement de privilégier la guerre à leur libération, fragilisent son autorité. Leur succès dépendra de leur capacité à harmoniser leurs priorités dans un contexte volatil.
Les limites d’une stratégie brutale
« Finir le travail » est un slogan puissant, mais son exécution est complexe. Éradiquer Hamas nécessiterait une occupation prolongée de Gaza, un scénario politiquement et militairement coûteux. Démanteler Hezbollah impliquerait une guerre totale au Liban, risquant des milliers de victimes. Quant à l’Iran, son programme nucléaire, bien que freiné par les sanctions, reste une énigme. Les nouvelles armes de Trump donnent à Israël un avantage tactique, mais une victoire stratégique exige plus qu’un déluge de feu.
L’opposition iranienne, galvanisée par des décennies de résistance, adapte ses tactiques. Les Houthis, par exemple, ont perfectionné leurs drones low-cost, défiant les défenses israéliennes. Téhéran, malgré une économie exsangue, mise sur une guerre d’usure pour épuiser ses adversaires. Netanyahu sait que chaque frappe renforce son image de leader inflexible, mais elle alimente aussi la détermination de ses ennemis.
Sur le plan intérieur, Trump et Netanyahu affrontent des vents contraires. Aux États-Unis, les images de Gaza ont ravivé les critiques des démocrates et d’une partie de la jeunesse, qui dénoncent un soutien aveugle à Israël. En Israël, les poursuites de la Cour pénale internationale contre Netanyahu pour crimes de guerre, relancées en 2025, ternissent son aura. Leur alliance, si solide soit-elle, repose sur une fenêtre étroite avant que ces pressions ne s’intensifient.
Un Moyen-Orient au bord du gouffre
Cette collaboration redessine les équilibres régionaux. Les monarchies du Golfe, alliées tacites de Trump, soutiennent en privé cette offensive contre l’Iran, mais redoutent une déflagration qui les toucherait. La Turquie, influente en Syrie, surveille les incursions israéliennes avec méfiance, tandis que la Russie, bien que concentrée sur l’Ukraine, conserve un rôle de contrepoids. Pour les Palestiniens, l’espoir d’une solution s’efface, écrasé par une realpolitik impitoyable.
Les munitions américaines prolongent la capacité d’Israël à dominer militairement, mais elles ne règlent pas les racines du conflit. Une frappe sur l’Iran, rendue plus plausible par cet arsenal, pourrait être le point de bascule. Si Netanyahu et Trump optent pour cette voie, ils parient sur une victoire rapide. Mais dans une région où chaque action engendre une réaction, le risque est immense : un embrasement que ni l’un ni l’autre ne pourraient contenir.