Le Liban, confronté à une crise économique et financière sans précédent, a récemment présenté un nouveau plan de restructuration bancaire sous la direction du Premier ministre Najib Mikati. Bien que ce plan vise à stabiliser le système financier du pays, il semble avant tout protéger les intérêts des actionnaires bancaires, ce qui risque de conduire à son rejet par le Fonds Monétaire International (FMI). Un tel refus pourrait priver le Liban d’un soutien financier crucial et aggraver son isolement sur la scène financière internationale.

1. Les Détails du Plan de Restructuration Bancaire

Le plan Mikati propose plusieurs mesures clés :

  • Conversion des Dépôts en Actions Bancaires (Bail-In) : Une partie des dépôts en devises étrangères serait convertie en actions bancaires, forçant les déposants à devenir actionnaires malgré eux, afin de renforcer le capital des banques.
  • Réduction de la Valeur des Dépôts (Haircut) : Le plan prévoit une réduction significative de la valeur nominale des dépôts, entraînant des pertes pour les déposants.
  • Remboursement des Dépôts sur une Période Excessivement Longue : Les dépôts seraient remboursés sur une période de 20 à 30 ans, voire 50 ans, un délai jugé inacceptable par le FMI, qui insiste sur la nécessité d’un remboursement plus rapide pour restaurer la confiance des épargnants et des investisseurs.

2. Les Critiques du FMI : Une Répartition Injuste des Pertes

Le FMI critique fortement la manière dont le plan Mikati répartit les pertes. Ce dernier semble avant tout protéger les actionnaires bancaires, au détriment des déposants et de l’économie dans son ensemble. Dans des pays confrontés à des crises similaires, comme la Grèce ou Chypre, les pertes ont été d’abord absorbées par les actionnaires des banques avant d’être imposées aux déposants. Cependant, le plan Mikati inverse cette logique, favorisant les actionnaires, ce qui pourrait sérieusement compromettre la possibilité d’obtenir un soutien financier du FMI.

3. Un Plan Qui Privilégie les Actionnaires plutôt que l’Économie

Le plan Mikati semble davantage conçu pour protéger les intérêts des actionnaires des banques, y compris ceux de Mikati lui-même, plutôt que pour assurer la viabilité du système bancaire ou relancer l’économie. Même avec ce plan, les banques libanaises resteraient sous-capitalisées et peu attractives pour les investisseurs, ce qui les rendrait difficilement fonctionnelles à long terme. De plus, le plan ne prévoit aucun programme de relance économique, laissant l’économie libanaise stagnante et sans perspectives de croissance.

4. L’Utilisation des Actifs Publics : Une Solution Illusoire et Dangereuse

Le plan Mikati propose également d’utiliser des actifs publics pour couvrir une partie des pertes bancaires. Cependant, cette approche est largement considérée comme irréaliste et potentiellement dangereuse pour plusieurs raisons :

  • Fiabilité du Système Bancaire : Le système bancaire libanais est perçu comme non fiable par les investisseurs étrangers, ce qui complique l’utilisation des actifs publics comme garantie pour attirer des capitaux.
  • Corruption Massive et Détournement des Actifs : Le Liban souffre d’une corruption endémique, rendant l’utilisation transparente et efficace des actifs publics presque impossible. De plus, ces actifs risquent d’être détournés par les mêmes personnes qui se sont enrichies de manière illégale avant la crise, notamment en transférant frauduleusement leurs fonds à l’étranger.
  • Biens Publics Incessibles et Inutilisables : La majorité des biens publics ne sont ni cessibles ni facilement utilisables dans le cadre d’une restructuration financière, en raison de leur nature ou de litiges fonciers complexes.

5. Le Poids Injuste Supporté par l’État et les Citoyens

Un autre point crucial est que le plan Mikati propose que l’État prenne en charge une partie des pertes des banques. Cela revient à faire payer à l’ensemble des citoyens les erreurs de gestion des dirigeants et des actionnaires des banques. Pour le FMI, cette approche est fondamentalement injuste. En effet, faire peser le fardeau des pertes bancaires sur les contribuables, alors que les actionnaires qui ont profité des bénéfices sont protégés, va à l’encontre des principes d’équité économique que l’institution défend..

6. L’Oubli de la Question des Eurobonds et l’Isolement Financier International

Le plan Mikati omet également de traiter une question cruciale : celle du règlement des eurobonds. En 2020, le Liban a fait défaut sur ces obligations internationales, et cette question reste non résolue. Avant de pouvoir envisager une restructuration bancaire efficace, le Liban devrait régler cette dette pour restaurer sa crédibilité et pouvoir retourner sur les marchés financiers internationaux. Ignorer cette étape pourrait non seulement compromettre la restructuration bancaire, mais aussi maintenir le Liban dans un isolement financier international, rendant toute reprise économique encore plus difficile.

7. Le Risque d’une Inclusion sur la Liste Grise de la GAFI

Le Liban est également confronté au risque d’être inclus sur la liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI), une organisation internationale qui lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Si le pays est inscrit sur cette liste, cela signifierait que ses systèmes financiers ne sont pas conformes aux normes internationales, ce qui découragerait encore plus les investisseurs étrangers et isolerait davantage le pays sur le plan financier international.

8. Le Conflit d’Intérêts de Najib Mikati

Enfin, il est important de rappeler que Najib Mikati, le Premier ministre à l’origine de ce plan, est lui-même actionnaire dans le secteur bancaire. Ce conflit d’intérêts soulève des questions sur les véritables intentions du plan, qui semble avant tout conçu pour protéger les intérêts des actionnaires des banques, y compris ceux de Mikati, plutôt que pour relancer l’économie libanaise et soutenir la population.

Le plan de restructuration bancaire du gouvernement Mikati, bien que présenté comme étant ambitieux, semble manquer des éléments essentiels pour obtenir l’approbation du FMI et relancer l’économie libanaise. En protégeant principalement les actionnaires des banques, en proposant de faire peser les pertes sur les citoyens, en négligeant les besoins plus larges de l’économie, et en omettant de traiter la question des eurobonds, ce plan risque de maintenir le Liban dans une crise prolongée, avec un isolement financier international accru. Pour éviter ce scénario catastrophe, il est impératif que le gouvernement libanais propose un plan qui soit véritablement équitable, transparent, et orienté vers la relance économique, tout en s’attaquant de manière réaliste aux dettes existantes

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