Les États-Unis intensifient leur pression diplomatique sur le Liban pour l’inciter à entamer des négociations directes avec Israël sur la démarcation des frontières terrestres, un dossier jugé crucial pour la stabilité régionale. Cette initiative intervient dans un contexte de tensions persistantes entre le Hezbollah et l’armée israélienne, exacerbées par des affrontements récents le long de la frontière sud. Selon un rapport diplomatique américain, l’administration Trump, réélue en novembre 2024, adopte une stratégie plus offensive envers Beyrouth, conditionnant son aide financière et militaire à des engagements clairs du gouvernement libanais. L’ambassadrice américaine à Beyrouth, Lisa Johnson, a récemment multiplié les rencontres avec des responsables locaux, soulignant l’urgence d’une coopération renforcée contre le Hezbollah et ses réseaux de financement internationaux.
Une pression diplomatique accrue
Washington exerce une forte influence sur Beyrouth pour pousser à des pourparlers directs avec Israël, un objectif que les États-Unis considèrent comme une étape essentielle pour désamorcer les tensions dans la région. Ce contentieux frontalier, qui inclut des zones disputées comme les fermes de Chebaa et une portion de 13 points le long de la Ligne bleue établie par l’ONU en 2000, alimente les frictions entre le Liban et son voisin depuis des décennies. Les récents affrontements entre le Hezbollah et Tsahal, notamment les frappes israéliennes du 16 mars 2025 ayant fait quatre morts à Tripoli selon Ad Diyar, ont ravivé l’urgence d’un règlement.
Les États-Unis voient dans la résolution de ce différend un moyen de stabiliser le Sud-Liban, où le cessez-le-feu du 27 novembre 2024, négocié par Washington et la France, reste fragile. Ce cessez-le-feu, prolongé jusqu’au 18 février 2025, exigeait un retrait israélien et un repli du Hezbollah au nord du Litani, mais des violations persistantes – des centaines d’attaques israéliennes recensées par le Liban et l’ONU, contre de multiples infractions attribuées au Hezbollah par Israël – maintiennent la région sous tension. L’administration Trump, entrée en fonction le 20 janvier 2025, fait de ce dossier une priorité, estimant qu’un accord frontalier pourrait réduire l’influence militaire du Hezbollah et renforcer l’autorité de l’État libanais.
Une stratégie offensive de l’administration Trump
Un rapport diplomatique américain, évoqué dans les cercles officiels, indique que la nouvelle administration Trump adopte une approche plus musclée envers le Liban. Réélu en novembre 2024, Donald Trump a promis une politique étrangère axée sur la sécurité d’Israël et la containment de l’Iran, principal soutien du Hezbollah. Cette stratégie se traduit par une conditionnalité stricte de l’aide financière et militaire américaine au Liban. Depuis octobre 2023, les États-Unis ont fourni à Israël plus de 22 milliards de dollars en soutien militaire, un engagement massif qui contraste avec l’aide limitée accordée à Beyrouth, souvent subordonnée à des réformes et à une coopération anti-Hezbollah.
Le Liban, en crise économique depuis 2019, dépend fortement de l’assistance internationale. En 2023, la Banque mondiale estimait que plus de 80 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, une situation aggravée par la guerre Hezbollah-Israël de 2024, qui a déplacé 1,4 million de personnes. L’aide américaine, qui inclut un soutien annuel de 150 millions de dollars à l’armée libanaise jusqu’en 2023, est désormais explicitement liée à des engagements fermes de Beyrouth. Le rapport diplomatique souligne que Washington exige des progrès dans la démarcation des frontières et une lutte plus efficace contre les financements internationaux du Hezbollah, notamment via des sanctions renforcées contre les réseaux liés à l’Iran.
Lisa Johnson : une messagère exigeante
L’ambassadrice américaine à Beyrouth, Lisa Johnson, nommée en 2023, incarne cette pression accrue. Ces dernières semaines, elle a multiplié les rencontres avec des responsables libanais, dont le Premier ministre Nawaf Salam et le président Joseph Aoun, élu le 9 janvier 2025. Lors de ces échanges, Johnson a insisté sur la nécessité d’une coopération renforcée dans deux domaines clés : la démarcation des frontières avec Israël et la lutte contre le Hezbollah. Selon des sources diplomatiques, elle a rappelé que les États-Unis considèrent l’application intégrale de la résolution 1701 de l’ONU – qui exige le désarmement des milices et le déploiement exclusif de l’armée libanaise au Sud – comme une condition sine qua non pour un soutien accru.
Johnson a également abordé le financement international du Hezbollah, un sujet sensible au Liban. En 2023, le Trésor américain avait imposé des sanctions à des individus et entités accusés de collecter des fonds pour le groupe, notamment en Afrique et en Amérique du Sud. En 2025, cette politique s’intensifie sous Trump, qui a publiquement remercié le président pour des livraisons d’armes à Israël le 2 mars, signalant un alignement clair avec Tel-Aviv. L’ambassadrice a pressé Beyrouth de collaborer avec les efforts internationaux pour démanteler ces réseaux, menaçant implicitement de réduire l’aide si le Liban ne s’aligne pas sur cette stratégie.
Contexte régional et historique
Les pressions américaines s’inscrivent dans une longue histoire de médiation sur les frontières libano-israéliennes. En 2020, les États-Unis avaient facilité des négociations sur les frontières maritimes, aboutissant à un accord en octobre 2022 pour délimiter les zones économiques exclusives, malgré l’opposition initiale du Hezbollah. Ce succès avait ouvert la voie à l’exploration gazière par TotalEnergies et Eni, bien que les résultats restent limités en 2023. Les frontières terrestres, plus complexes en raison des zones disputées et de la présence militaire du Hezbollah, n’ont pas connu de progrès similaire jusqu’à récemment.
La guerre de 2024 a relancé ce dossier. Les affrontements, déclenchés par le Hezbollah en solidarité avec le Hamas après l’attaque du 7 octobre 2023, ont fait 4000 morts civils libanais et 3800 combattants du Hezbollah, contre 133 victimes israéliennes. Le cessez-le-feu de novembre 2024, négocié par Amos Hochstein sous l’administration Biden, avait fixé un calendrier de retrait israélien au 26 janvier 2025, repoussé d’un mois sous pression de Trump. Ce report, dénoncé par Beyrouth comme une violation, renforce l’urgence d’un accord frontalier pour éviter une nouvelle escalade.
Enjeux et défis pour le Liban
Pour Beyrouth, les pressions américaines posent un dilemme. D’un côté, un accord avec Israël pourrait débloquer une aide financière vitale et stabiliser le Sud, où l’armée libanaise peine à s’imposer face au Hezbollah. En février 2025, le gouvernement Salam s’était engagé à reconstruire les zones touchées par la guerre, un projet dépendant des fonds internationaux. De l’autre, négocier directement avec Israël reste politiquement sensible dans un pays où le Hezbollah, soutenu par une partie de la population chiite, rejette toute reconnaissance de l’État hébreu.
Nabih Berri, président du Parlement et allié du Hezbollah, joue un rôle clé. En 2020, il avait négocié l’accord maritime, mais son soutien à des pourparlers terrestres en 2025 reste incertain face à la ligne dure du Hezbollah. Trump, qui a qualifié le groupe de « menace » à neutraliser, pourrait accentuer les sanctions si Beyrouth tergiverse, compliquant davantage la position du Liban.
Une stabilité régionale en jeu
Washington considère qu’un règlement frontalier est essentiel pour la stabilité régionale, un objectif partagé avec la France, qui renforce son propre rôle diplomatique via la visite de Joseph Aoun à Paris. Les États-Unis espèrent que des négociations directes affaibliront l’emprise du Hezbollah, alignant le Liban sur les intérêts américains et israéliens. Cependant, la stratégie offensive de Trump risque de polariser davantage un pays déjà divisé, entre ceux qui voient dans l’aide américaine une bouée de sauvetage et ceux qui dénoncent une ingérence néocoloniale. La réponse de Beyrouth à ces pressions façonnera l’avenir de sa relation avec Washington et la paix à sa frontière sud.