Le président libanais Joseph Aoun est attendu à Paris dans les prochains jours pour une rencontre avec son homologue français, Emmanuel Macron, dans le cadre d’une visite visant à renforcer la coopération économique et sécuritaire entre les deux nations. Ce déplacement intervient à un moment critique pour le Liban, confronté à des blocages économiques internes et en quête de soutien financier international. La France, acteur historique dans les affaires libanaises, intensifie son rôle diplomatique pour pousser Beyrouth à accélérer les réformes exigées par le Fonds monétaire international (FMI). Parallèlement, Paris s’intéresse au secteur énergétique libanais et à la stabilisation du Sud-Liban via le mandat de la FINUL, dans un contexte de tensions persistantes avec Israël.
Une visite pour consolider les liens bilatéraux
La rencontre entre Joseph Aoun et Emmanuel Macron marque une étape clé dans les relations franco-libanaises. Élu président du Liban le 9 janvier 2025 après plus de deux ans de vacance institutionnelle, Joseph Aoun, ancien commandant en chef de l’armée libanaise, a pris ses fonctions dans un pays au bord de l’effondrement. Sa visite à Paris, première depuis son investiture selon les informations disponibles, souligne l’importance accordée par la France au soutien du nouveau leadership libanais. Annoncée dans un communiqué de l’Élysée, cette rencontre vise à approfondir la coopération économique et sécuritaire, deux domaines où Paris exerce une influence significative depuis des décennies.
Le Liban traverse une crise économique sans précédent depuis 2019, avec une dévaluation de la livre libanaise de plus de 95 % et une inflation record, plongeant plus de 80 % de la population dans la pauvreté selon les estimations de l’ONU en 2023. En février 2025, le gouvernement de Nawaf Salam, nommé sous la présidence d’Aoun, obtenait la confiance du Parlement, promettant des réformes pour débloquer l’aide internationale. La France, qui a organisé la conférence CEDRE en 2018 pour mobiliser 11 milliards de dollars en prêts et dons conditionnés à des réformes, reste un partenaire stratégique dans cette quête de redressement.
Pression sur les réformes et le FMI
La visite d’Aoun à Paris intervient alors que le Liban cherche désespérément un soutien financier international pour sortir de l’impasse. Le FMI, en pourparlers avec Beyrouth depuis 2020, a conditionné un programme d’aide de 3 milliards de dollars à des réformes structurelles : restructuration du secteur bancaire, transparence des finances publiques, et lutte contre la corruption. En avril 2022, un accord préliminaire avait été signé, mais son application a été retardée par l’inaction politique, comme noté par HRW en 2023. En 2025, malgré l’élection d’Aoun et la formation d’un nouveau gouvernement, les blocages internes persistent, notamment sur les nominations administratives et judiciaires, selon des rapports récents (Al Joumhouriyat, 17/03/2025).
La France, qui joue un rôle clé dans le suivi de ce processus, met la pression sur Beyrouth pour accélérer ces réformes. Lors d’une visite à Beyrouth en août 2020 après l’explosion du port, Macron avait promis un soutien conditionné à un « nouveau pacte politique ». En 2025, Paris maintient cette ligne, voyant en Joseph Aoun un partenaire crédible en raison de son passé militaire et de son rôle dans la stabilisation sécuritaire. L’Élysée pourrait profiter de cette rencontre pour insister sur des mesures concrètes, comme l’audit de la Banque du Liban ou la réforme des subventions, afin de débloquer les fonds du FMI et d’autres donateurs, tels que l’Union européenne et les États-Unis.
Un focus sur le secteur énergétique
L’Élysée accorde une attention particulière au dossier énergétique libanais, notamment aux projets de modernisation des infrastructures électriques. Le Liban souffre d’une crise énergétique chronique : en août 2024, Électricité du Liban (EDL) avait cessé de fonctionner faute de carburant, laissant le pays dans le noir, selon HRW. En 2023, un contrat avec la Jordanie et l’Égypte pour fournir de l’électricité via la Syrie était en cours, mais sa mise en œuvre restait entravée par des obstacles financiers et logistiques. En 2025, la situation n’a que marginalement évolué, malgré les promesses du gouvernement Salam.
Plusieurs sociétés françaises, dont TotalEnergies, manifestent un intérêt pour investir dans ce secteur. TotalEnergies, déjà impliquée dans l’exploration gazière offshore au Liban (bloc 4 et 9) depuis 2018 avec Eni et Novatek, attend des garanties sur la transparence des marchés publics avant de s’engager davantage. En 2023, des retards dans l’attribution des contrats pétroliers et gaziers avaient été critiqués par des ONG comme HRW pour manque de clarté, une préoccupation persistante en 2025. La rencontre Macron-Aoun pourrait aborder ces projets, avec la France cherchant à sécuriser des contrats pour ses entreprises tout en poussant le Liban à instaurer des mécanismes anti-corruption pour rassurer les investisseurs.
La FINUL et les tensions frontalières
La question du mandat de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) sera également au menu des discussions. Créée en 1978 et renforcée par la résolution 1701 après la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah, la FINUL compte environ 10 000 Casques bleus, dont 700 soldats français en 2023. En novembre 2024, un cessez-le-feu négocié par la France et les États-Unis mettait fin à deux mois de guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah, qui avait fait 3749 morts et 1,2 million de déplacés selon le ministère libanais de la Santé (Web ID 7). Ce cessez-le-feu, prolongé jusqu’au 18 février 2025, exigeait un retrait israélien et un repli du Hezbollah au nord du Litani, mais des violations persistent, comme les frappes israéliennes du 16 mars 2025 (Ad Diyar).
La France, contributrice majeure à la FINUL, cherche à garantir sa stabilité face aux tensions sur le contrôle des zones frontalières. Israël maintient des troupes dans cinq positions au Sud-Liban, tandis que des incidents armés impliquant le Hezbollah continuent. Macron pourrait réaffirmer le rôle de la FINUL comme tampon, tout en pressant Aoun de renforcer l’autorité de l’armée libanaise – que ce dernier dirigeait jusqu’en 2024 – pour appliquer la résolution 1701, une priorité partagée avec Washington.
Un rôle diplomatique historique
La France renforce ainsi son rôle diplomatique traditionnel au Liban, héritage de son mandat colonial (1920-1943) et de son engagement post-indépendance. En 2020, Macron avait lancé l’Initiative française pour le Liban après l’explosion du port, mobilisant des fonds et pressant les élites politiques à réformer. En 2025, Paris voit dans la présidence d’Aoun une opportunité de stabiliser un allié stratégique au Moyen-Orient, tout en contrant l’influence iranienne via le Hezbollah. La visite d’Aoun à Paris s’inscrit dans cette continuité, avec des enjeux économiques (FMI, énergie) et sécuritaires (FINUL) au cœur des discussions.
Le Liban, en quête de bouée de sauvetage financière, dépend de partenaires comme la France pour éviter un effondrement total. Cependant, le succès de cette coopération repose sur la capacité de Beyrouth à surmonter ses blocages internes, un défi que Macron ne manquera pas de souligner. Cette rencontre pourrait marquer un tournant, ou révéler une fois encore les limites d’un soutien extérieur face à un système politique libanais résilient dans ses dysfonctionnements.