Le 8 décembre 2024 marque un tournant décisif dans l’histoire contemporaine de la Syrie. Après près de 25 ans au pouvoir, le président Bachar al-Assad a fui Damas, laissant derrière lui un régime en déroute et un pays en proie à l’incertitude. Cette déchéance résulte d’une série d’événements militaires et politiques qui ont progressivement érodé l’emprise du régime sur le territoire syrien, rappelant les premières années du conflit et les luttes intenses pour le contrôle des villes clés.
L’offensive rebelle : une avancée fulgurante
La chute du régime d’Assad ne s’est pas produite en une nuit. Fin novembre 2024, une coalition de groupes rebelles, menée par Hayat Tahrir al-Sham (HTS), a lancé une offensive surprise dans le nord de la Syrie. Le 27 novembre, les insurgés ont pris le contrôle d’Alep, la deuxième ville du pays et un centre économique stratégique. Cette défaite symbolique a rappelé les violents combats de 2016, lorsque les forces du régime avaient repris la ville grâce au soutien massif de la Russie et de l’Iran. En 2024, cependant, les soutiens extérieurs semblaient moins déterminés, et les forces loyalistes étaient affaiblies.
Cette victoire a été suivie, le 5 décembre, par la capture de Hama, une ville clé du centre de la Syrie. Hama, théâtre d’un soulèvement brutalement réprimé par le père de Bachar al-Assad en 1982, était également un point névralgique pour les lignes d’approvisionnement du régime. Les forces gouvernementales, déjà affaiblies par des pertes humaines et matérielles, n’ont pas pu contenir l’avancée rebelle. Cette défaite a été perçue comme un signe avant-coureur de l’effondrement imminent du régime.
Le 7 décembre, les rebelles ont pris Homs, autre bastion stratégique et symbole de la révolution syrienne. En 2011, Homs avait été l’un des premiers foyers de la contestation contre le régime. La reprise de cette ville par les insurgés en 2024 a marqué un tournant décisif. Les forces loyalistes, démoralisées et en sous-effectif, n’ont opposé qu’une résistance symbolique, laissant la voie ouverte pour une avancée vers la capitale.
L’effondrement du régime
Face à ces revers successifs, le régime d’Assad a montré des signes évidents de désintégration. Les forces armées syriennes, déjà épuisées par plus d’une décennie de conflit, semblaient incapables de défendre les positions restantes. Plusieurs rapports indiquent que l’armée syrienne n’a pas opposé de résistance significative lors de l’avancée des rebelles vers Damas. Certains analystes évoquent même des actes de désertion parmi les soldats, ajoutant à la confusion sur le terrain.
Le 8 décembre, les rebelles ont pénétré dans Damas sans rencontrer de résistance majeure. Des célébrations spontanées ont éclaté dans la ville, les citoyens exprimant leur soulagement après des années de guerre civile. La chute de la capitale a marqué la fin effective du régime de Bachar al-Assad, dont la localisation reste inconnue. Des rumeurs circulent sur sa fuite vers un pays voisin, bien que cela n’ait pas été confirmé.
Le rôle du Hezbollah et les dynamiques régionales
Le Hezbollah, allié clé du régime syrien, a également été un acteur déterminant dans cette dynamique. Depuis le début de la guerre civile syrienne, le groupe libanais chiite a joué un rôle crucial dans le maintien au pouvoir de Bachar al-Assad. Cependant, en 2024, le Hezbollah était déjà affaibli par ses engagements sur plusieurs fronts, notamment dans des conflits avec Israël. En effet, les tensions dans le sud du Liban avaient conduit le Hezbollah à concentrer une partie de ses forces sur la défense de ses propres intérêts territoriaux.
Des sources indiquent que le Hezbollah a déployé des forces de supervision à Homs pour empêcher la chute de la ville, mais ces efforts se sont avérés insuffisants. Le groupe a également été la cible de frappes israéliennes répétées, qui ont limité ses capacités opérationnelles. Par ailleurs, l’implication de l’Iran, principal soutien du Hezbollah, semblait avoir diminué, en raison de pressions économiques croissantes et d’un isolement diplomatique accru.
Parallèlement, les tensions régionales ont exacerbé la situation. Les frappes israéliennes répétées sur des cibles en Syrie ont affaibli les infrastructures militaires du régime et de ses alliés. En septembre 2024, une opération israélienne avait ciblé une usine d’armement liée à l’Iran en Syrie, illustrant la complexité du théâtre syrien. Ces frappes, combinées aux sanctions économiques imposées au régime, ont contribué à l’effondrement progressif des capacités du gouvernement syrien.
Les failles internes du régime
Outre les facteurs militaires, le régime d’Assad a également souffert de profondes divisions internes. La corruption généralisée, l’épuisement des ressources économiques et le mécontentement croissant parmi la population ont sapé le soutien populaire au régime. Même parmi les élites proches d’Assad, des voix dissidentes ont commencé à émerger, critiquant ouvertement l’incapacité du gouvernement à répondre aux besoins de base des citoyens.
Le Premier ministre syrien, Mohamed Al-Jalali, a récemment annoncé sa volonté de transférer le pouvoir, un geste perçu comme une tentative de sauver ce qui reste de l’appareil d’État. Cependant, cette déclaration est arrivée trop tard pour éviter l’effondrement total du régime.
Conséquences et perspectives
La fuite de Bachar al-Assad laisse la Syrie à un carrefour critique. L’absence de leadership centralisé ouvre la voie à une période d’incertitude politique et sécuritaire. Les groupes rebelles, bien que victorieux, doivent maintenant gérer la transition et éviter le chaos. Les risques de rivalités entre factions sont élevés, et la fragmentation du pays reste une menace réelle.
La communauté internationale, quant à elle, est confrontée à un dilemme. La reconstruction de la Syrie nécessitera des efforts concertés et une vision commune pour éviter que le pays ne sombre davantage dans l’instabilité. Les puissances régionales, notamment la Turquie, la Russie et l’Iran, joueront un rôle crucial dans la définition de l’avenir politique de la Syrie.
En somme, la chute de Bachar al-Assad est le résultat d’une série d’événements militaires, politiques et régionaux qui ont convergé pour mettre fin à des décennies de règne autoritaire. La Syrie entre désormais dans une nouvelle ère, porteuse d’espoirs mais aussi de défis majeurs.