Le Liban traverse une crise sans précédent, exacerbée par une vacance présidentielle prolongée et un effondrement du secteur bancaire. Cette double impasse reflète non seulement la paralysie politique du pays, mais également une incapacité chronique à adopter des réformes indispensables. Les répercussions sur l’économie nationale et le quotidien des citoyens sont catastrophiques, menaçant la survie même de l’État libanais.
Une vacance présidentielle, symbole d’une paralysie institutionnelle
Depuis l’expiration du mandat présidentiel en octobre 2022, le Liban n’a pas réussi à élire un successeur. Ce vide institutionnel a bloqué le fonctionnement normal du Parlement et entravé la prise de décisions cruciales pour l’économie. Les factions politiques, profondément divisées et alignées sur des puissances étrangères rivales, ont échoué à s’accorder sur un candidat consensuel. Les débats sur les candidats révèlent des intérêts conflictuels entre les blocs politiques et les acteurs économiques.
Parmi les candidats les plus discutés figure Jihad Azour, ancien ministre des Finances, dont le mandat a été marqué par la disparition inexpliquée de 11 milliards de dollars. Son éventuelle élection suscite des inquiétudes, notamment en raison de ses liens présumés avec les milieux bancaires qui privilégient une stratégie consistant à faire porter les pertes bancaires aux déposants plutôt qu’aux actionnaires. De même, Sleiman Frangié, autre candidat potentiel, est étroitement associé à des cercles d’affaires influents, renforçant les doutes sur sa capacité à mener des réformes indépendantes.
Seul le général Joseph Aoun, actuel chef de l’armée, semble échapper à ces critiques. Considéré comme un candidat relativement neutre, il est perçu par certains comme une figure capable de transcender les divisions politiques et de restaurer la confiance dans les institutions de l’État. Cependant, son éventuelle candidature se heurte aux résistances de certains blocs politiques, réticents à soutenir un militaire pour la présidence.
Une crise bancaire aux ramifications profondes
Le secteur bancaire libanais, autrefois considéré comme l’un des plus solides de la région, s’est effondré sous le poids de décennies de mauvaise gestion et de corruption. Depuis 2019, les banques libanaises ont imposé des restrictions strictes sur les retraits en devises étrangères, laissant les déposants sans accès à leurs économies. Ce contrôle informel des capitaux a aggravé la méfiance envers les institutions financières et provoqué des protestations massives dans tout le pays.
La livre libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur face au dollar américain, entraînant une hyperinflation et une chute brutale du pouvoir d’achat. Les épargnants de la classe moyenne, autrefois le pilier de l’économie libanaise, ont été réduits à la pauvreté. Le manque de confiance envers les banques a également paralysé le crédit, bloquant les investissements nécessaires pour relancer l’économie.
Les acteurs bancaires, notamment les principaux actionnaires, continuent de rejeter la responsabilité des pertes sur les déposants, aggravant le ressentiment populaire. Cette approche a été critiquée par les institutions internationales, qui appellent à une distribution équitable des pertes pour restaurer la confiance dans le système financier.
Les répercussions sociales d’un double blocage
La combinaison de la vacance présidentielle et de la crise bancaire a plongé le Liban dans une spirale de pauvreté et de désespoir. Plus de 80 % de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté, selon les estimations des Nations Unies. Les coupures d’électricité prolongées, l’insécurité alimentaire et l’effondrement des services publics aggravent encore la souffrance des citoyens.
Les jeunes Libanais, désabusés par l’incapacité de leur gouvernement à répondre à leurs aspirations, quittent le pays en masse. Cette fuite des cerveaux prive le Liban de compétences essentielles pour reconstruire son économie. Les écoles et les universités, autrefois des bastions d’excellence académique, peinent à fonctionner dans un contexte de pénurie de ressources et de départ des enseignants qualifiés.
Le rôle des institutions internationales
Face à cette situation désespérée, les institutions internationales, telles que le FMI et la Banque mondiale, ont offert des plans de sauvetage conditionnés à des réformes rigoureuses. Ces réformes incluent la restructuration du secteur bancaire, la lutte contre la corruption et l’amélioration de la transparence dans la gestion des finances publiques. Cependant, en l’absence d’un gouvernement fonctionnel et de volonté politique, ces propositions restent lettre morte.
Le FMI a averti que sans un leadership politique stable, le Liban pourrait perdre l’accès aux fonds d’aide essentiels pour éviter un effondrement total. De plus, la communauté internationale, bien qu’alertée de la gravité de la situation, hésite à s’impliquer davantage en raison du manque de progrès tangible dans la gouvernance libanaise.
Les tentatives locales pour surmonter la crise
Malgré l’inaction du gouvernement, plusieurs initiatives locales ont émergé pour atténuer les effets de la crise. Des ONG, des communautés religieuses et des groupes de bénévoles organisent des distributions de nourriture et de médicaments, palliant l’effondrement des services publics. La diaspora libanaise joue également un rôle crucial en envoyant des fonds à leurs familles restées au pays, permettant ainsi à des milliers de ménages de survivre.
Cependant, ces efforts, bien qu’essentiels, ne suffisent pas à compenser l’absence de politiques économiques cohérentes. Les experts soulignent que seule une réforme structurelle profonde, accompagnée d’une stabilisation politique, pourra remettre le Liban sur la voie de la reprise.
Les perspectives : des solutions à portée de main ?
Le Patriarche maronite, ainsi que d’autres figures influentes, ont appelé à un compromis national pour élire rapidement un président et lancer les réformes nécessaires. Ce compromis nécessitera des concessions des principaux blocs politiques, ainsi qu’un engagement à réduire l’influence des puissances étrangères dans le processus décisionnel libanais.
Dans le secteur bancaire, la restructuration des banques et la restauration de la confiance des déposants sont des priorités absolues. Cela pourrait inclure des audits transparents, des mesures de recapitalisation et des programmes visant à réduire les inégalités dans l’accès aux devises étrangères.
La reprise économique passera également par la revitalisation des secteurs clés tels que l’agriculture et le tourisme, qui ont historiquement été des moteurs de croissance pour le Liban. Ces initiatives nécessiteront un soutien international substantiel, mais également une volonté locale de mettre fin aux pratiques de corruption et de clientélisme.