Le Liban, un pays souvent décrit comme un modèle de coexistence confessionnelle, est aujourd’hui paralysé par un système politique profondément divisé et polarisé. Le partage du pouvoir basé sur des quotas confessionnels, bien qu’instauré pour garantir une représentation équitable des différentes communautés, a conduit à une fragmentation politique extrême. Ce système, combiné à des ingérences étrangères, est un obstacle majeur à la résolution des crises multiples qui frappent le pays.
Les racines du système confessionnel
Depuis son indépendance en 1943, le Liban repose sur un Pacte national non écrit qui attribue les postes clés de l’État selon des critères confessionnels. Ainsi, le président de la République est toujours maronite, le Premier ministre sunnite et le président de la Chambre des députés chiite. Ce système a été conçu pour refléter la diversité religieuse du pays et prévenir la domination d’une seule communauté.
Cependant, au fil des décennies, ce système a renforcé les allégeances confessionnelles au détriment d’une identité nationale unifiée. Les partis politiques libanais sont majoritairement basés sur des lignes confessionnelles, ce qui limite la coopération et favorise les divisions. Ces clivages se traduisent par des blocages institutionnels récurrents, comme la vacance présidentielle actuelle, qui paralyse le pays depuis des mois.
Une polarisation politique exacerbée par les acteurs étrangers
La polarisation politique au Liban est aggravée par l’influence de puissances étrangères qui soutiennent différentes factions locales. L’Iran est un allié clé du Hezbollah, tandis que l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe soutiennent principalement les partis sunnites. Cette rivalité régionale se reflète dans les luttes internes au Liban, où chaque camp privilégie les intérêts de ses alliés extérieurs au détriment de l’intérêt national.
La guerre civile syrienne a également eu un impact profond sur la politique libanaise, exacerbant les tensions entre les communautés. Le Hezbollah, par exemple, a joué un rôle actif en soutenant le régime syrien, ce qui a aliéné une partie de la population libanaise. Ces divisions se traduisent par une paralysie institutionnelle qui empêche toute réforme significative, notamment celles exigées par le FMI pour sortir le pays de sa crise économique.
L’impact du système confessionnel sur l’économie
Le système confessionnel n’est pas seulement un problème politique, il a également des conséquences graves sur l’économie libanaise. La corruption généralisée et le clientélisme, souvent liés aux alliances confessionnelles, ont affaibli les institutions publiques et vidé les caisses de l’État. Les postes dans la fonction publique sont souvent attribués sur la base de quotas confessionnels, ce qui limite l’efficacité de l’administration et freine les réformes structurelles.
Le secteur bancaire, autrefois pilier de l’économie libanaise, est un exemple frappant de cette mauvaise gestion. Les élites politiques, y compris celles issues de différents blocs confessionnels, sont accusées d’avoir détourné des fonds publics pour protéger leurs intérêts personnels. Cette corruption, combinée à l’absence de gouvernance efficace, a conduit à l’effondrement économique actuel, où plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Les défis de la transition politique
Un des principaux obstacles à la sortie de crise au Liban est la réticence des élites politiques à abandonner leurs privilèges. Le système confessionnel leur garantit une base électorale fidèle, ce qui rend toute réforme structurelle difficile. Les manifestations de masse en 2019, qui ont réclamé la fin du système confessionnel et une plus grande responsabilité des dirigeants, ont été un rare moment d’unité nationale. Cependant, ces mouvements ont été rapidement réprimés ou récupérés par les partis traditionnels.
Le Patriarche maronite a récemment appelé à une révision du système confessionnel, soulignant que le Liban ne peut continuer à fonctionner dans un cadre aussi rigide. Cependant, cette proposition suscite des résistances, car elle remet en question les bases mêmes de l’équilibre politique libanais. Les efforts pour introduire un système laïc, bien que soutenus par une partie de la population, sont confrontés à des obstacles majeurs, notamment l’opposition des leaders religieux et politiques.
Les perspectives de réforme
Malgré les nombreux défis, des opportunités de réforme existent. La pression internationale, notamment celle du FMI, pourrait servir de levier pour exiger des changements structurels en échange d’une aide financière. La diaspora libanaise, qui joue un rôle crucial en envoyant des fonds pour soutenir les familles restées au pays, pourrait également être un acteur clé dans la reconstruction économique et politique.
Cependant, toute réforme devra surmonter les divisions profondes entre les communautés confessionnelles. Les analystes soulignent que la clé d’un avenir stable pour le Liban réside dans une transition progressive vers un système plus inclusif et moins dépendant des quotas confessionnels. Cela nécessitera une volonté politique qui fait actuellement défaut, mais également une pression accrue de la société civile et des acteurs internationaux.
Une crise systémique à résoudre
Le système confessionnel libanais, conçu à l’origine comme un mécanisme de partage du pouvoir, est devenu un obstacle majeur à la stabilité du pays. Ses effets se manifestent à tous les niveaux, de la politique à l’économie en passant par la société civile. La polarisation qu’il engendre empêche le Liban de répondre aux défis actuels, qu’il s’agisse de la crise économique, de la vacance présidentielle ou des tensions sécuritaires.
Pour surmonter cette crise systémique, le Liban devra non seulement repenser son système politique, mais également renforcer ses institutions publiques et promouvoir une culture de responsabilité et de transparence. Le chemin vers la réforme sera long et semé d’embûches, mais il représente l’unique solution pour sortir le pays de l’impasse actuelle.