Voici la nation qui a pris la mer, emportant dans ses soutes l’alphabet et la pourpre. La voilà qui embaume ses écoles et universités. 

Voici la nation qui de son bois a construit les palais des rois et les temples des dieux. La voilà qui flambe ses bois et humilie ses dieux  

Voici la nation qui a instruit le droit au monde antique. La voilà qui erre dans ses ruines à la recherche d’une justice et d’un juste  

Voici la nation qui a tenu tête à Alexandre. Le Grand. Et à tous ceux qui l’ont suivi.Tous.La voilà qui plie devant un mercenaire à la solde de la Perse et d’un gendre qui liquide son Œdipe en veillant son beau père 

Voici la nation qui a nourri de blé et habillé de soie tous ses voisins. La voilà qui cherche dans les poubelles et s’habille d’oripeaux

Voici la nation qui a réveillé les arabes de leur torpeur et les a secoués par les plumes de Gibran, Naime et les autres. La voilà qui s’endort sur sa médiocrité et pleure sa presse et ses penseurs 

Voici la nation qui a accueilli les damnés de la terre des confins de l’Anatole, des vallées du Jourdain et des plaines de Palmyre. La voilà qui reprend à son tour les chemins de l’exil 

Voici la nation qui est morte de faim dans les rues victime de l’avidité des seigneurs. La voilà aujourd’hui aux mains des mêmes vautours et aux portes de la famine 

Voici la nation qui s’est déchirée pour de fausses idoles, qui s’est haie jusqu’aux extrêmes, qui s’est  détruite puis s’est reconstruite. La voilà qui explose de l’intérieur en milliards de fragments et qui se recolle  morceau par morceau pour rattraper son âme et l’empêcher de se perdre

Voici la nation qui a  dansé jusqu’à l’aube, qui a bu, qui a ri, qui a chanté, qui a couru les chemins de randonnée et les sentiers des Saints, la nation qui a vécu en commun et en partage toutes ses fêtes et tous ses rites. La voilà qu’on mure dans le silence, qu’on éteint ses couleurs, qu’on condamne à la tristesse et à l’uniformité

Voici la nation qui refuse de mourir.

Voici les pharisiens et les hypocrites  attroupés autour de son corps agonisant, les présidents, députés, ministres, banquiers, négociants, trafiquants et toutes leurs basses cours. Les voici qui se servent encore et toujours, qui se remplissent les panses du peu qui reste, qui flagellent, qui lacèrent qui négocient encore et toujours. Les voici qui entendent mais n’écoutent pas, voient mais ne regardent pas. Les voici agrippés à leurs privilèges et acquis .Les voici si  obnubilés par leur propre importance qu’ils ne ressentent pas le sol qui frémit sous leurs pieds.

Voici la nation qui va au calvaire.

Carine Chammas

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