Quarante… un nombre maléfique ou bénéfique selon les cas. Quarante… le nombre de l’attente, de la traversée, du renouveau. Quarante … le nombre de l’épreuve, de la tentation, de la faim, de la survie dans un univers hostile.

Dans l’histoire du Salut, ce chiffre est récurent. Moïse s’est retiré quarante jours et quarante nuits dans la montagne avant de recevoir les Tables de la Loi ; il erre avec le peuple hébreu quarante ans dans le désert. Le Déluge dure quarante jours et quarante nuits. Ninive avait quarante jours pour se repentir. Goliath a défié David pendant quarante jours. David a régné sur Israël pendant quarante ans, de même pour le règne de Salomon sur Jérusalem.

Jésus a jeûné au désert pendant quarante jours, a prêché pendant quarante mois ; son corps est resté quarante heures au sépulcre, et son Ascension a eu lieu quarante jours après sa Résurrection. La prédication de Mahomet s’est entamée alors qu’il avait quarante ans. Idem pour Bouddha.

Mais quarante, est surtout lié au deuil. Pour beaucoup de peuples, c’est le nombre de jours qu’il faut pour qu’un mort soit “totalement mort”, au terme desquels il est dépouillé de toutes ses âmes, sa famille devenant ainsi déliée de toute obligation à son égard.

Aujourd’hui, au pays des cèdres, quarante revêt un tout autre sens. Les Libanais commémorent les quarante ans du début de la guerre civile, une guerre dont la fin n’aurait pas (encore eu) lieu. Une guerre dont on n’est toujours pas débarrassé de ses vieux démons. Un stigmate qui demeure ouvert, avec l’hémorragie continue des Libanais vers l’étranger, avec les handicapés de la guerre qu’on oublie, avec les 17000 disparus dont le sort reste inconnu.
Mais surtout, avec les seigneurs de la guerre, ces Quarante Voleurs d’Ali Baba, une clique de pantins articulés avide de pouvoir, qui règnent depuis 1975, et qui se sont évertués à façonner le cercueil du Liban à coups de magouilles et de marchés conclus aux dépends du peuple, des martyrs morts ainsi pour rien, et du pays lui-même.

Un cycle vient de s’achever, et selon la coutume, un autre vient de commencer … maléfique ou bénéfique ? Telle est la question.

Ce qui est sûr, c’est que ce cycle vécu a démontré brillamment sa nature néfaste : notre peuple vient de prouver au cours de sa mise en quarantaine depuis 1975, qu’il n’est pas capable de s’autogouverner, qu’il a réussi à élargir les fossés et à couper les ponts, qu’il est passé maître dans le culte de la personne, et qu’il a commencé une guerre qu’il n’a pas su finir, qu’il s’en fout de l’avenir de son pays comme de l’an quarante …
Un cycle dans un pays nommé Liban … Quarante ans d’épreuves dans un univers hostile, d’expectatives, sur les planches de l’absurde, en attendant Godot, et en continuant de se dire à l’instar de Vladimir et Estragon : « Allons-y », sans pour autant bouger …

Par Marie-Josée Rizkallah

Pour rappel :

Peut-on avoir confiance en «l’homo libanicus» ?
La Passion des christs : Une pensée aux Libanais portés disparus
Pour que le Liban revive : Plus d’Ego, nous sommes tous Égaux !
Libanais, Libanaises, Yalla ! en avant la division !!!
Au cœur du Cèdre, et avec le Cèdre dans le cœur …

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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