Depuis le début des tensions accrues entre Israël et le Hezbollah, Baalbeck, ville historique située dans la région de la Békaa au Liban, est de nouveau frappée par les événements. Le 6 novembre 2024, une vague de bombardements israéliens a touché plusieurs points stratégiques de la ville, y compris des infrastructures civiles et patrimoniales. Parmi les édifices emblématiques durement touchés figure l’hôtel Palmyra, un monument historique et culturel du Liban, ainsi que les habitations et commerces environnants, situés en face des célèbres ruines romaines.
L’hôtel Palmyra : un témoin silencieux de l’histoire libanaise
L’hôtel Palmyra, fondé en 1874, est bien plus qu’un simple lieu d’hébergement. Situé à proximité immédiate des temples romains de Baalbeck, il a accueilli une pléiade de personnalités au fil des décennies, devenant ainsi un lieu de mémoire et d’histoire. Des figures illustres telles que Charles de Gaulle, Jean Cocteau, Ella Fitzgerald et même Lawrence d’Arabie y ont séjourné, imprégnant ce lieu d’une aura unique. Les murs de cet hôtel sont témoins de nombreuses époques, marquées par la colonisation, les conflits régionaux, et la guerre civile libanaise. C’est également un symbole de résilience, ayant maintenu ses portes ouvertes malgré les multiples crises qui ont secoué le pays.
La frappe du 6 novembre a cependant endommagé gravement cet édifice. Des témoins évoquent des vitres brisées, des fissures menaçant l’intégrité de la structure, et des pertes dans le mobilier historique de l’hôtel. « En 150 ans, cet hôtel n’a jamais fermé, même en pleine guerre. Aujourd’hui, il est totalement vide, pas un seul client. C’est comme si on avait perdu une partie de notre identité », confie Rabih Salika, employé de longue date de l’établissement. Ces dommages témoignent de la brutalité des affrontements récents et de leur impact direct sur le patrimoine libanais.
Des habitations civiles et un quartier en péril
Le quartier entourant l’hôtel Palmyra, composé de bâtiments résidentiels et de petits commerces, a lui aussi subi de lourds dégâts. Les habitants, qui depuis plusieurs semaines vivent dans l’angoisse des frappes aériennes, ont été nombreux à évacuer en urgence, souvent en laissant derrière eux tous leurs biens et souvenirs. « Nous vivons dans la peur constante, avec le bruit des explosions comme compagnon quotidien », raconte un résident du quartier.
Le recensement des dommages reste incomplet, mais de nombreux édifices présentent des façades détruites, des fenêtres soufflées et des murs fissurés. Selon des estimations locales, plus de la moitié des 250 000 habitants de Baalbeck auraient déjà quitté la ville, se réfugiant dans d’autres régions ou à l’étranger. Ceux qui sont restés tentent de protéger leurs biens, souvent sans électricité ni approvisionnement en eau régulier, dans des conditions de plus en plus précaires.
Des impacts collatéraux sur le patrimoine mondial
Les ruines de Baalbeck, classées au patrimoine mondial de l’UNESCO, attirent chaque année des milliers de visiteurs. Leur importance culturelle et historique est inestimable, représentant l’une des plus grandes réussites architecturales de l’Empire romain. Cependant, ces monuments n’ont pas été épargnés par les affrontements. Les bombardements du 6 novembre ont entraîné la destruction de certaines murailles d’enceinte entourant le site, notamment celles construites durant la période ottomane et sous le mandat français.
Des voix s’élèvent au sein de la communauté internationale pour alerter sur les conséquences irréversibles de ces destructions, mais les réponses concrètes demeurent limitées.
Le contexte de l’intensification des frappes
Ces événements surviennent dans un climat de tensions exacerbées entre Israël et le Hezbollah, particulièrement implanté dans la région de Baalbeck. Depuis le 23 septembre, les forces israéliennes ont intensifié leurs frappes sur des zones identifiées comme fiefs du Hezbollah au Liban, arguant de la nécessité de neutraliser cette force paramilitaire qui contrôle, selon Israël, des positions stratégiques aux frontières libano-israéliennes.
Pour de nombreux observateurs, cette escalade militaire a plongé le Liban dans une nouvelle phase de conflits qui rappelle les pires heures de son histoire récente. Les civils, piégés dans cette guerre asymétrique, sont les premiers à en souffrir. Les infrastructures civiles et patrimoniales en font également les frais, entraînant une situation humanitaire de plus en plus critique.
Réactions internationales : appels à la préservation du patrimoine et à la protection des civils
Face à la gravité de la situation, des organisations internationales, dont l’UNESCO, ont appelé à la préservation du patrimoine culturel de Baalbeck. Plusieurs pays européens ont également exprimé leur préoccupation et exhorté les parties au conflit à éviter toute atteinte supplémentaire aux biens culturels et historiques. La destruction de l’hôtel Palmyra et des ruines de Baalbeck a suscité l’émoi au-delà des frontières libanaises, où ce site est perçu comme un bien commun de l’humanité.
Les appels en faveur d’un cessez-le-feu se multiplient, même si la complexité de la situation sur le terrain laisse présager que la paix ne soit pas envisageable dans l’immédiat. Des diplomates et représentants de divers pays évoquent toutefois la possibilité d’une intervention internationale pour protéger les sites patrimoniaux en zones de conflit, une démarche qui reste encore au stade de la discussion.
La vie suspendue des habitants de Baalbeck
Pour les habitants de Baalbeck, l’avenir demeure incertain. Ceux qui restent sur place vivent dans l’attente d’un retour à la normale, mais la réalité quotidienne est marquée par la peur, le deuil, et la perte. L’absence de sécurité, combinée aux restrictions d’accès à des services essentiels, rend la vie de plus en plus difficile. Les enfants ne peuvent pas aller à l’école, les marchés sont désertés, et les services de santé sont débordés par les demandes.
Pour l’instant, les familles déplacées espèrent une aide internationale, tant pour leur survie immédiate que pour la reconstruction de leur ville. « Nous avons besoin de soutien pour reconstruire nos vies, mais aussi notre patrimoine », souligne un membre de la communauté, en soulignant l’importance de Baalbeck en tant que symbole d’identité pour les Libanais.
Perspectives : quelle protection pour les trésors du patrimoine en zone de guerre ?
La destruction de sites patrimoniaux au Liban, comme l’hôtel Palmyra et les ruines de Baalbeck, remet en lumière le débat sur la protection des monuments historiques dans les zones de conflit. Certains experts en patrimoine préconisent la mise en place de zones protégées, tandis que d’autres appellent à des sanctions contre les responsables de destructions culturelles.
Le cas de Baalbeck pourrait inciter les organisations internationales à renforcer les dispositifs de protection du patrimoine en temps de guerre. La question de la mise en place de « zones neutres » autour des sites d’importance mondiale est souvent débattue, mais rarement mise en application. Face à la destruction grandissante de ce patrimoine millénaire, l’idée d’une action coordonnée pour sauver Baalbeck et d’autres sites précieux du Liban pourrait gagner en popularité dans les mois à venir.