Un système judiciaire structurellement inefficace et facteur d’instabilité économique
Selon les données publiées par la Heritage Foundation dans son index de la liberté économique 2025, relayées par Byblos Bank, le Liban obtient un score de seulement 17 % en matière d’efficacité judiciaire. Ce résultat place le pays dans le bas du classement des nations arabes, loin derrière ses voisins directs. Ce score faible reflète la profonde inefficacité de l’appareil judiciaire libanais, marqué par la lenteur des procédures, l’absence de mise en œuvre effective des lois, et une dépendance préoccupante à l’égard des influences politiques et des intérêts privés.
La Heritage Foundation définit l’efficacité judiciaire comme la capacité d’un système à appliquer efficacement les lois et à prendre les mesures nécessaires contre les violations. Dans le cas libanais, cette capacité est sérieusement compromise, ce qui entrave la sécurité juridique des transactions commerciales et financières, freine les investissements, et alimente la défiance des citoyens comme des opérateurs économiques.
Un classement régional sans appel pour le Liban
Le détail du classement révèle que le Liban se situe parmi les pires performances régionales. À titre de comparaison, le Maroc atteint 45,5 %, les Émirats arabes unis 42,6 %, tandis que l’Arabie saoudite se situe à 39,8 %. Le Liban, avec ses 17 %, est dépassé par la majorité des économies arabes analysées.
Classement d’efficacité judiciaire dans le monde arabe (2025) | Score (%) |
---|---|
Maroc | 45,5 % |
Émirats arabes unis | 42,6 % |
Arabie saoudite | 39,8 % |
Tunisie | 30,7 % |
Égypte | 27,3 % |
Jordanie | 26,7 % |
Liban | 17 % |
Cette performance catastrophique isole le Liban non seulement par rapport à ses voisins directs, mais également dans le contexte mondial où la moyenne des pays à revenu intermédiaire est estimée à environ 45 %. L’écart est ainsi de près de 28 points de pourcentage, ce qui illustre la profondeur du malaise institutionnel libanais.
Les conséquences économiques d’une inefficacité judiciaire chronique
Au-delà du classement lui-même, ce déficit d’efficacité judiciaire a des implications économiques majeures. D’abord, il dissuade l’investissement étranger direct. Les investisseurs internationaux, particulièrement dans les secteurs à forte intensité capitalistique comme l’énergie ou les infrastructures, privilégient des juridictions offrant des garanties solides en matière de règlement des différends commerciaux. Le Liban, incapable d’assurer la prévisibilité et l’application effective des décisions de justice, se prive ainsi d’une source essentielle de capitaux.
Deuxièmement, la faiblesse du système judiciaire alimente la prolifération de pratiques informelles et la persistance d’une économie parallèle. Face à un système perçu comme inopérant, les acteurs économiques cherchent à contourner les voies légales traditionnelles pour résoudre leurs différends, renforçant ainsi l’illégalité structurelle de l’environnement des affaires libanais.
Enfin, cette situation accroît le risque de contentieux non résolus au sein du secteur bancaire libanais, déjà fortement fragilisé. La lenteur des procédures de recouvrement de créances et l’incapacité à faire appliquer efficacement les garanties judiciaires prolongent l’assainissement du système financier, retardant d’autant la reprise économique du pays.
Les réformes judiciaires en suspens malgré la pression internationale
Sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, et notamment du Fonds monétaire international, le Liban a intégré l’amélioration de l’efficacité judiciaire parmi les conditions de son plan de redressement économique. Toutefois, à ce jour, les réformes engagées restent largement cosmétiques.
La récente réforme de la loi sur le secret bancaire, bien qu’importante sur le plan de la transparence financière, ne s’accompagne pas d’une refonte structurelle du fonctionnement des tribunaux ou des organes de contrôle. Le système judiciaire continue de souffrir d’une politisation excessive et d’un manque criant de moyens humains et matériels.
Le gouverneur de la Banque du Liban, Karim Souaid, a d’ailleurs rappelé dans son discours inaugural la nécessité d’une coordination étroite entre les autorités judiciaires et les institutions financières pour lutter efficacement contre la corruption et l’abus de pouvoir. Mais sans réforme en profondeur, cette ambition reste à l’état de déclaration d’intention.
Une urgence pour rétablir la confiance et relancer l’économie
La faiblesse de l’efficacité judiciaire constitue l’un des principaux freins à la stabilisation économique du Liban. Au-delà de l’image dégradée du pays sur la scène internationale, c’est l’ensemble du tissu économique domestique qui pâtit de l’absence d’état de droit efficace. Les litiges commerciaux non résolus, les fraudes non sanctionnées et la corruption endémique détournent les investisseurs et minent la reprise.
Dans le contexte actuel de profonde récession et d’hyperinflation, la mise en place d’une justice indépendante, rapide et efficace représente une condition sine qua non pour reconstruire la confiance dans les institutions libanaises. Sans progrès rapide sur ce front, les perspectives de stabilisation durable de l’économie resteront limitées, même en présence de soutiens financiers internationaux.