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Crise de l’eau : l’EBML sous pression et la population en détresse

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La situation financière de l’Établissement des Eaux de Beyrouth et du Mont-Liban (EBML) illustre l’ampleur de la crise socio-économique libanaise. Le 12 mai 2025, l’EBML a publié un communiqué alarmant détaillant les mesures extraordinaires mises en œuvre pour faire face à une vague d’impayés généralisés sur les abonnements domestiques et commerciaux. Ces annonces confirment la précarité structurelle dans laquelle opèrent aujourd’hui les services publics de base au Liban.

Des facilités de paiement exceptionnelles jusqu’en 2027

Face à l’incapacité croissante des ménages à régler leurs factures d’eau, l’EBML a décidé d’instaurer un système d’échelonnement des paiements pour les abonnements impayés depuis 2021. Selon les nouvelles directives, les consommateurs peuvent désormais répartir leur dette sur une période allant jusqu’à fin 2027, avec des modalités de remboursement ajustées aux capacités individuelles. Ce dispositif s’applique aussi bien aux particuliers qu’aux institutions publiques et privées.

Cette mesure vise à limiter la suspension de service pour défaut de paiement tout en tentant de maintenir un minimum de flux de trésorerie pour l’établissement. Elle révèle cependant l’ampleur de la crise de solvabilité qui frappe des centaines de milliers d’abonnés dans les régions couvertes par l’EBML, soit environ 1,2 million de personnes.

Remises sur les pénalités : un geste de survie administrative

En complément des facilités de paiement, l’EBML a annoncé des remises substantielles allant jusqu’à 85 % sur les intérêts de retard, ainsi que 90 % sur les frais techniques comme les changements de nom, de compteur ou de transfert de contrat. Cette initiative vise à inciter les abonnés à régulariser leur situation en réduisant les coûts annexes qui, dans de nombreux cas, dépassaient la facture initiale elle-même.

Ces mesures exceptionnelles ne sont pas seulement un levier de recouvrement. Elles traduisent une tentative de restauration du lien de confiance entre le service public et les usagers. Dans un contexte où les coupures d’eau sont fréquentes et la qualité du service en baisse, l’EBML espère réengager les citoyens dans une logique de contractualité, même minimale.

Un service public au bord de l’asphyxie

Au-delà des aspects financiers, le communiqué de l’EBML met en lumière une institution au bord de la rupture opérationnelle. Faute de ressources suffisantes, de nombreux projets de maintenance, de rénovation des canalisations et de modernisation des réseaux sont suspendus. Le personnel technique travaille souvent dans des conditions précaires, avec des retards de salaires fréquents et un manque criant de matériel.

La crise énergétique complique encore davantage la distribution, les stations de pompage étant soumises à des interruptions récurrentes. L’EBML dépend largement des générateurs privés pour assurer un minimum de service, avec un coût énergétique qui absorbe une part croissante du budget mensuel. Cette dépendance aggrave la spirale d’endettement et renforce l’incapacité à investir dans des solutions durables.

Réactions et perceptions publiques

Les réactions des usagers à ces annonces sont partagées. Si certains y voient une opportunité de régulariser leur situation à moindre coût, d’autres dénoncent une fuite en avant d’une institution incapable d’assurer un service digne de ce nom. Des associations de consommateurs ont réclamé une refonte complète du modèle de tarification, basé sur la consommation réelle et non sur des forfaits annuels déconnectés de l’usage effectif.

Dans les quartiers défavorisés de Beyrouth comme Tariq el-Jdideh ou dans les hauteurs du Metn, des habitants témoignent de pannes fréquentes, d’une eau impropre et de l’obligation de recourir aux camions-citernes privés, à des prix bien supérieurs aux tarifs de l’EBML. La fracture sociale se double ici d’une inégalité d’accès à une ressource vitale.

Un enjeu politique majeur

Le dossier de l’eau devient ainsi un enjeu politique à part entière. Plusieurs députés ont interpellé le gouvernement sur l’urgence de mettre en place une réforme de la gouvernance des établissements publics, et en particulier de l’EBML. Des propositions circulent en commission parlementaire pour régionaliser la gestion de l’eau, introduire des partenariats public-privé ou externaliser certaines fonctions de maintenance.

Mais dans un climat d’instabilité institutionnelle, ces propositions peinent à se traduire en textes législatifs. En attendant, l’EBML tente de survivre en s’appuyant sur des mesures provisoires, sans visibilité stratégique.

Un symptôme de la déliquescence de l’État

L’état de l’EBML n’est pas un cas isolé. Il est le reflet d’un effondrement plus global des services publics libanais. Dans un pays sans budget voté depuis plusieurs années, où les subventions internationales sont suspendues faute de réformes structurelles, chaque institution tente de gérer la survie au jour le jour. La situation de l’eau révèle à la fois l’urgence sociale, la faillite administrative et l’ampleur du chantier de reconstruction étatique à venir.

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Newsdesk Libnanews
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