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Élections municipales au Nord : recomposition politique et enjeux communautaires

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Les élections municipales prévues le 19 mai 2025 dans les cazas de Tripoli, Zgharta, Batroun, Koura et Akkar revêtent un caractère politique sensible. Dans un contexte marqué par l’effondrement prolongé des services publics et l’affaiblissement des structures partisanes traditionnelles, ces scrutins sont perçus comme un révélateur de la dynamique politique locale et des rapports de force communautaires.

À Tripoli, les anciens bastions du Courant du Futur apparaissent fragmentés. Depuis la suspension de ses activités, aucun leadership alternatif n’a émergé de manière cohérente. Cette vacance ouvre la voie à des listes indépendantes, formées d’activistes locaux, de personnalités issues des milieux professionnels, ou encore de groupes issus des protestations populaires de 2019. Les tensions communautaires restent en toile de fond, mais la question de la gouvernance municipale occupe le centre des débats, avec des programmes centrés sur les services de base, la collecte des déchets et la transparence budgétaire.

Dans les localités chrétiennes de Zgharta et Batroun, la compétition entre le Courant patriotique libre (CPL) et les Forces libanaises (FL) demeure un axe structurant du paysage politique. Les FL s’appuient sur leur percée législative et leur présence militante organisée pour tenter de s’imposer dans plusieurs municipalités stratégiques. Le CPL, de son côté, conserve des appuis solides dans des zones spécifiques grâce à des relais communautaires et à la fidélité d’une partie de l’électorat. Ces confrontations prennent souvent la forme de duels indirects entre notables alliés des deux camps, chacun mobilisant des alliances locales sur des bases parfois clientélistes.

Le Koura présente une configuration hybride. Historiquement proche des FL, cette région voit émerger de nouvelles candidatures issues de la société civile, notamment parmi les jeunes diplômés et les membres de la diaspora revenue au pays. Ces listes mettent en avant une rupture avec les formations politiques traditionnelles et portent des revendications concrètes liées à l’urbanisme, à l’entretien des réseaux de distribution et à l’environnement.

Dans le Akkar, l’enjeu électoral est d’une nature différente. Région périphérique et majoritairement rurale, l’Akkar connaît une profonde crise des services publics. L’absence de développement, l’exode des jeunes et la précarité généralisée y favorisent l’émergence de coalitions transcommunautaires. Des candidatures mixtes sunnites et chrétiennes voient le jour, articulées autour de programmes de développement rural, d’accès à l’eau potable, de réhabilitation des routes agricoles et de soutien aux écoles publiques.

La presse fait état d’une mobilisation citoyenne inédite dans certaines zones rurales, où les candidats indépendants se heurtent toutefois à des pratiques électorales enracinées. L’achat de voix, la distribution ciblée de services préélectoraux et les pressions informelles demeurent des outils utilisés par les réseaux de pouvoir locaux, bien que contestés ouvertement par plusieurs collectifs de jeunes électeurs.

Dans ce paysage fragmenté, les enjeux communautaires, bien que toujours présents, semblent moins prégnants que lors des scrutins précédents. La dégradation continue des conditions de vie, l’impossibilité d’accéder à des services élémentaires et l’érosion de la crédibilité des partis traditionnels favorisent un retour du débat municipal à ses fonctions premières : la gestion concrète du quotidien.

Le vide laissé par les grandes formations au niveau national se traduit donc, dans plusieurs localités, par une recomposition partielle du champ politique local. Si certaines figures historiques continuent d’imposer leur autorité, notamment à Zgharta ou Batroun, leur légitimité est de plus en plus questionnée. La campagne est marquée par des débats publics, des initiatives numériques de sensibilisation électorale, et une présence accrue d’associations observatrices.

Cette phase municipale du calendrier électoral constitue ainsi un laboratoire politique, dans un pays où les institutions centrales restent bloquées. L’enjeu est double : redonner une fonction à la représentation locale et tester, à l’échelle des municipalités, la possibilité d’un renouvellement des pratiques démocratiques. Dans le Nord, ce test s’annonce décisif.

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Newsdesk Libnanews
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