Des prix bloqués malgré un rebond spectaculaire depuis 2024
Depuis plusieurs semaines, le marché des euro-obligations libanaises est entré dans une phase d’inertie inquiétante, après avoir connu un spectaculaire rebond de +187 % entre septembre 2024 et mai 2025. Les titres souverains, qui s’échangeaient à 6 cents par dollar fin septembre dernier, oscillent désormais autour de 17,2 cents. Mais cette remontée n’évolue plus. Selon les données arrêtées au 23 mai 2025, aucun mouvement de prix significatif n’a été observé sur l’ensemble de la courbe.
Ce blocage illustre le désengagement des investisseurs internationaux, qui attendent un cadre crédible de restructuration de la dette et, surtout, un accord formel avec le FMI. Sans avancée institutionnelle, la valorisation actuelle semble refléter un plafond politique autant qu’économique.
Profil du marché au 23 mai 2025
Indicateur | 23/05/2025 | 16/05/2025 | 27/12/2024 | Évolution |
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Taille totale négociable | 31,793 M USD | 31,793 M USD | 31,793 M USD | — |
Obligations souveraines | 31,314 M USD | 31,314 M USD | 31,314 M USD | — |
Prix moyen (en cents USD) | 17,2 | 17,2 | 12,7 | +35,4 % YTD |
Rendement US 5 ans | 4,09 % | 4,02 % | 4,45 % | — |
Le prix moyen des euro-obligations libanaises reste figé, malgré une baisse du rendement des obligations américaines à 5 ans, ce qui aurait pu normalement favoriser une hausse relative des prix libanais. Le fait que cela ne se produise pas indique une absence d’appétit et un positionnement attentiste du marché.
Lecture technique : une compression qui s’épuise
La hausse de 6 à 17 cents en 8 mois traduit une reprise spéculative initiée en septembre 2024, à la suite d’annonces politiques sur un gouvernement d’unité et un retour du FMI à la table des discussions. Ce rebond s’explique par :
- Des achats opportunistes à très bas prix
- L’espoir d’un deal de restructuration
- L’effet d’entraînement d’acteurs institutionnels ayant racheté des blocs d’obligations dépréciées
Mais ce mouvement semble désormais épuisé. Les acteurs présents sur le marché ne prennent plus position. Les détenteurs de titres attendent une clarification des termes de la future restructuration, tandis que les nouveaux entrants restent en retrait tant que l’accord avec le FMI n’est pas finalisé.
Le poids de l’incertitude politique et fiscale
La principale entrave à toute revalorisation des obligations souveraines reste l’incapacité du Liban à produire une feuille de route budgétaire et monétaire consolidée. Parmi les conditions encore non remplies pour un programme avec le FMI, figurent :
- L’approbation d’un cadre légal de résolution bancaire
- La définition d’un plan de restructuration de la dette publique
- L’unification des taux de change
- La mise en œuvre d’un contrôle des capitaux clair
Tant que ces éléments restent en suspens, les investisseurs considèrent que la valeur recouvrable des eurobonds demeure très incertaine, et qu’il est peu probable qu’un accord de restructuration généreux soit validé sans mécanisme de contrôle crédible.
Le rôle décisif du FMI
L’enjeu majeur à court terme est l’obtention d’un Staff-Level Agreement avec le Fonds monétaire international. Ce dernier est attendu avant l’été 2025, selon les déclarations du ministère des Finances. Sans cet accord, le Liban ne pourra :
- Ni obtenir des financements concessionnels
- Ni restructurer officiellement ses obligations avec le soutien des créanciers multilatéraux
- Ni enclencher un assainissement progressif de ses finances publiques
Le marché est donc figé par anticipation, mais cette attente peut être dangereuse. Si les négociations échouent ou sont repoussées, le risque de décote brutale sur les eurobonds réapparaît.
Lecture critique : le calme avant la tempête ?
Ce qui ressemble à un calme de marché est en réalité un reflet de paralysie systémique. Les prix ont atteint un niveau qui intègre un optimisme conditionnel, mais aucune certitude sur les flux futurs ni sur le degré de décote finale des titres ne permet de fonder une véritable stratégie d’investissement.
L’absence de volume sur le marché, l’immobilisme du prix et la faiblesse des signaux fondamentaux indiquent que le marché des euro-obligations libanaises n’est plus un indicateur avancé, mais un thermomètre bloqué. Le potentiel de baisse est désormais aussi tangible que celui de hausse, en fonction de la tournure des réformes.