Le Parlement libanais a récemment approuvé une modification clé du Code de l’argent et du crédit (décret-loi n°13513) en autorisant la Banque du Liban (BDL) à émettre deux nouvelles coupures de 500 000 et 1 000 000 livres libanaises. Cette mesure exceptionnelle intervient dans un contexte de profonde dépréciation monétaire, la livre ayant perdu plus de 98 % de sa valeur par rapport au dollar américain depuis le début de la crise financière en 2019.
contexte économique de l’initiative
Avant cette réforme, la plus grande coupure disponible était celle de 100 000 livres libanaises, qui équivalait, avant la crise, à environ 66 dollars américains. Aujourd’hui, cette même coupure a vu sa valeur fondre pour atteindre environ 1,1 dollar américain sur le marché parallèle. Cette érosion dramatique de la valeur monétaire a profondément perturbé la circulation de l’argent liquide, augmentant le volume de billets nécessaires pour effectuer des transactions courantes, et exacerbant les défis logistiques pour les commerçants et les particuliers.
objectifs du lancement de billets de plus forte valeur
L’introduction de billets de 500 000 et 1 000 000 livres vise principalement à répondre à trois objectifs majeurs : réduire le volume physique des transactions en cash, faciliter les échanges économiques quotidiens et restaurer une certaine fonctionnalité dans les paiements de grande valeur. En outre, la BDL espère que ces nouvelles coupures permettront de moderniser l’usage de la monnaie nationale sans provoquer une hyperinflation immédiate, bien que les risques soient tangibles compte tenu de l’absence actuelle de politique monétaire rigoureuse.
impact de la dépréciation sur les billets existants
Le recul historique de la valeur de la livre libanaise a rendu obsolètes les billets existants pour de nombreux usages économiques. Aujourd’hui, de simples achats de biens de consommation nécessitent des liasses volumineuses de billets de 100 000 livres, rendant les transactions inefficaces et dangereuses en matière de transport et de stockage d’espèces. Le passage à des coupures plus importantes permettra de compacter les transactions tout en limitant l’usure rapide des billets de banque.
réaction des marchés et du public
L’annonce de l’émission de ces nouvelles coupures a suscité des réactions contrastées. D’un côté, les commerçants et les entreprises accueillent favorablement cette décision, y voyant une solution pragmatique aux difficultés logistiques rencontrées quotidiennement. De l’autre, les économistes et une partie du public redoutent que cette mesure ne constitue qu’une réponse technique à une crise plus profonde, sans adresser les causes structurelles de l’effondrement monétaire, notamment l’absence de réformes financières et de stabilisation politique.
comparaison avec d’autres pays en crise monétaire
L’histoire économique récente fournit plusieurs exemples où l’introduction de billets de forte dénomination a été utilisée comme mesure d’urgence dans des contextes de forte inflation ou d’hyperinflation. Le Zimbabwe, le Venezuela ou encore l’Argentine ont tous procédé à des augmentations de la valeur faciale de leur monnaie nationale dans des circonstances similaires, souvent sans réussir à enrayer l’effondrement de la valeur réelle de la devise. Ces expériences soulignent qu’une telle mesure doit impérativement s’accompagner de politiques économiques correctrices pour éviter une spirale inflationniste.
tableau comparatif : évolution de la valeur du billet de 100 000 livres
Année | Valeur en USD (marché parallèle) | Commentaire |
---|---|---|
2018 | 66,3 | Avant crise |
2020 | 13,5 | Première phase de dévaluation |
2022 | 3,5 | Effondrement aggravé |
avril 2025 | 1,1 | Niveau actuel |
analyse des risques et des limites de la réforme
Même si l’introduction de billets de plus forte valeur apporte une solution partielle aux problèmes de gestion du cash, elle ne résout en rien les problèmes structurels qui minent la stabilité monétaire du Liban. Sans un plan de stabilisation économique complet incluant un accord formel avec le Fonds monétaire international (FMI), une restructuration bancaire sérieuse et des réformes fiscales profondes, la confiance dans la monnaie nationale continuera de se détériorer. Le risque d’hyperinflation, même modéré à ce stade, reste présent, surtout si les nouvelles coupures sont mal contrôlées ou utilisées pour financer une expansion désordonnée de la masse monétaire.
le rôle de la Banque du Liban
La Banque du Liban, créée en 1963, est responsable de la politique monétaire du pays. Elle gère aujourd’hui des réserves de change estimées à 11 milliards de dollars en avril 2025, contre plus de 30 milliards avant 2019. Son rôle s’est complexifié depuis la crise, tentant de stabiliser la livre tout en étant soumise à des pressions politiques et financières extrêmes. L’introduction des nouvelles coupures témoigne de l’équilibre précaire que la BDL tente de maintenir entre gestion de crise et adaptation aux réalités économiques sur le terrain.