Les femmes durant la guerre civile du Liban.
Les femmes durant la guerre civile du Liban.

13 avril 1975, le 11 septembre 2001 libanais, chacun apporte son témoignage du début de la guerre civile, une pierre à l’édifice mémoriel. Certains évoquent une enfance volée, d’autres, le départ loin d’un pays aimé, le sort de proches disparus et dont on est pour l’heure encore sans nouvelle, ou simplement morts enterrant avec eux un avenir qui se promettait d’être radieux.  Par ci ou par là, sur les réseaux sociaux, ou sur les pages personnelles, on peut lire le récit de ce jour funeste où a débuté la guerre civile de 15 ans, qui fera entre 150 000 et 250 000 morts et toujours aujourd’hui, on compte 17 000 disparus. Nombreux ont été effectivement les déracinés de cette terre qui iront briller à l’étranger au lieu d’accomplir leurs destinées au Liban même.

Nombreux ont été blessés, amputés d’une partie de leur chair ou de leurs proches, douleur aujourd’hui qu’on ne voit pourtant pas assez, il faut cacher ses cicatrices comme on a détruit les témoignages de la guerre et ces bâtiments criblés de balles et d’éclats du centre-ville de la capitale pour mieux oublier, au lieu de se recueillir et d’affronter ses peurs. Certains affrontaient les bombes pour sauver les vies comme les volontaires de la Croix-Rouge qu’on ne remerciera jamais assez et d’autres les lançaient sur les civils et on ne maudira jamais assez également. C’était le choix du courage et de l’abnégation ou le choix de la mort. Ce 13 avril 1975, 49 ans après, beaucoup n’étaient pas encore nés, puisque 60% des libanais ont moins de 40 ans. Certains ont grandi ensuite et ont subi sans comprendre le conflit fratricide, d’autres sont nés bien plus tard et ne peuvent pas imaginer les souffrances subies.

Chaque témoignage est bénéfique à la transmission de la mémoire, mais il reste que la mémoire n’est malheureusement pas institutionnalisée et donc commune pour toutes et pour tous. Chacun reste sur ses histoires transmises à ses proches, une histoire qui amène parfois des incompréhensions face aux autres qui étaient souvent des protagonistes et des adversaires selon les partis auxquels ils appartenaient. Ils se rejettent par conséquence, aujourd’hui la responsabilité du conflit comme ils se combattaient hier. L’absence d’une mémoire commune contribue aussi aujourd’hui à la poursuite de la mentalité de la guerre civile, une guerre devenue une écriture en plusieurs versions antagonistes du même récit ou chacun rejette sur les autres les fautes, mais ou les versions différentes tonnent comme les balles des Kalachnikov qui frappaient les murs.

Il ne s’agit plus aujourd’hui de faire témoignage à part, de raconter sa version des différentes phases de la guerre civile, mais de pousser les institutions civiles, politiques et institutionnelles libanaises à se tendre enfin la main, à mettre non pas de coté l’Histoire, mais au contraire à la mettre à l’honneur, à saluer ses adversaires d’hier, morts pour des idéaux, même si ces idéaux ne sont pas partagés, parce que ce conflit n’était pas le conflit du Liban mais le conflit des autres importés au Liban. On n’était que des pions, mais cette phase n’est malheureusement pas terminée aujourd’hui.

Outre le deuil non accompli par les familles qui réclament leurs proches disparus sans trop d’espoir qu’ils puissent toujours être vivants et de connaitre les derniers moments de leurs vies, une histoire difficile à reconstituer et qui malheureusement se révèle souvent impossible, faute de voir accomplir une justice, la guerre civile se poursuit aujourd’hui dans les mentalités des gens par les conflits parfois sectaires que traversent la région d’ou la nécessaire interprétation commune de notre histoire. L’objectif doit être qu’une nation libanaise naisse, dans sa définition moderne, c’est à dire, que des objectifs communs puissent permettre à des individus, ici des libanais, de choisir non pas de coexister mais de vivre ensemble. Il s’agira de partager non pas seulement une langue ou un territoire, mais aussi une Histoire, un même état et non 19 communautés, et les mêmes lois, la même justice.

Il s’agit aujourd’hui de promouvoir non plus des nations ethniques ou religieuses qui nous séparent en fin de compte mais une seule nation civique. Au lieu de cela, les criminels, autrefois vus comme des voyous, se pavanent souvent dans les institutions, pour eux, la guerre civile est une histoire d’une réussite personnelle, quid du sang versé par les autres. Et c’est ce manque de mémoire commune qui perpétue parfois des lignées d’assassins au pouvoir au lieu d’une élimination pacifique par des élections via le vote du peuple. Au lieu de cela, ils se font réélire depuis 49 ans, perpétuant le conflit qui les a mis au-devant. Une tragédie dont nous sommes condamnés à revivre les rediffusions années après année. Malheureusement, il ne s’agit pas d’une fiction mais d’une réalité quotidienne.

49 ans après, c’est sur un constat d’échec que malheureusement chaque témoignage sonne le glas de ce rêve d’une et unique nation rassemblée faute à ce que l’Etat et les autorités aient pu instituer un récit commun de cette période pour l’immense majorité qui n’a pas pu connaitre ce 13 avril 1975.

François el Bacha

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