Jérusalem, ville millénaire et carrefour des trois grandes religions monothéistes, demeure un point central des tensions au Moyen-Orient. Revendiquée à la fois par Israël comme capitale indivisible et par les Palestiniens comme capitale d’un futur État, son statut reflète les fractures géopolitiques de la région. Avec le rapprochement récent entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, sous médiation chinoise, ainsi que les accords d’Abraham impliquant Israël et plusieurs pays arabes, le rôle de Jérusalem s’inscrit dans un contexte géopolitique en pleine mutation.
Jérusalem : une ville au cœur des tensions historiques
Depuis la guerre des Six Jours en 1967, Israël contrôle l’ensemble de Jérusalem, y compris Jérusalem-Est, annexée en 1980 malgré les résolutions des Nations Unies la déclarant illégale. Cette annexion, accompagnée d’une politique d’expansion des colonies, est perçue par les Palestiniens comme une tentative de modifier le statu quo démographique et religieux de la ville.
Du côté palestinien, Jérusalem-Est est envisagée comme la capitale d’un futur État, conformément aux accords d’Oslo de 1993. Ces revendications trouvent un écho dans le monde arabe et musulman, où Jérusalem est vue comme un symbole de la résistance à l’occupation israélienne. La question de Jérusalem ne se limite pas à des enjeux territoriaux : elle englobe des dimensions religieuses, politiques et identitaires qui la rendent particulièrement sensible.
Les accords d’Abraham et leurs limites sur la question de Jérusalem
Signés en 2020, les accords d’Abraham ont normalisé les relations entre Israël et plusieurs pays arabes, notamment les Émirats arabes unis, Bahreïn, et plus récemment le Maroc et le Soudan. Ces accords, soutenus par les États-Unis, ont été présentés comme un moyen de stabiliser la région en établissant des alliances économiques et stratégiques. Cependant, ils n’ont pas abordé la question de Jérusalem ni celle des droits des Palestiniens.
Pour Israël, les accords d’Abraham ont renforcé sa position diplomatique en affaiblissant l’isolement imposé par ses voisins arabes. Pourtant, ces accords n’ont pas mis fin à la question palestinienne, qui reste un point de discorde dans les relations israélo-arabes. En omettant de traiter le statut de Jérusalem, les accords ont laissé un vide stratégique, désormais accentué par le rapprochement irano-saoudien.
L’impact du rapprochement Iran-Arabie Saoudite sur Jérusalem
En 2023, l’Iran et l’Arabie Saoudite ont surpris la communauté internationale en rétablissant leurs relations diplomatiques après une médiation chinoise. Ce rapprochement, marqué par des engagements à réduire les tensions régionales, pourrait avoir des implications directes sur la question de Jérusalem.
- Renforcement du soutien à la cause palestinienne :
L’Iran, fervent défenseur des droits des Palestiniens, pourrait utiliser cet accord pour rallier des soutiens arabes, y compris l’Arabie Saoudite, à une position plus ferme contre Israël sur Jérusalem. - Rivalité avec les accords d’Abraham :
L’Arabie Saoudite, bien qu’influencée par les accords d’Abraham, n’a pas encore normalisé ses relations avec Israël. Le rapprochement avec l’Iran pourrait retarder cette normalisation, notamment si Riyad adopte une position plus favorable à Jérusalem-Est comme capitale palestinienne. - Changement dans les dynamiques régionales :
La Chine, en facilitant ce dialogue, s’affirme comme un acteur clé au Moyen-Orient, au détriment des États-Unis. Cette montée en puissance chinoise pourrait influencer les alliances autour de Jérusalem, en incitant d’autres pays à soutenir une approche plus multilatérale.
Le rôle des lieux saints : entre conflit et diplomatie
Jérusalem abrite des lieux saints majeurs pour le judaïsme, le christianisme et l’islam, ce qui en fait un foyer de tensions religieuses. L’esplanade des Mosquées (Haram al-Sharif pour les musulmans, Mont du Temple pour les juifs) est particulièrement sensible. Les visites de responsables israéliens sur ce site ont souvent déclenché des violences, exacerbant les tensions entre les communautés.
Le statut de ces lieux saints, théoriquement sous la supervision jordanienne, est un enjeu diplomatique majeur. Avec le rapprochement entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, la question de leur gestion pourrait devenir un point de convergence pour rallier d’autres pays musulmans à une position unifiée.
Les enjeux économiques autour de Jérusalem
Au-delà de ses dimensions religieuses et politiques, Jérusalem joue également un rôle économique crucial. Les investissements dans l’infrastructure de la ville, souvent concentrés dans les zones juives, ont accentué les inégalités entre les communautés israéliennes et palestiniennes. Les projets de développement israéliens dans Jérusalem-Est, notamment les plans de transport et les zones industrielles, sont perçus comme des outils d’annexion de facto.
Le rapprochement irano-saoudien pourrait introduire de nouveaux acteurs économiques dans cette équation. En cas d’ouverture diplomatique, des pays comme l’Arabie Saoudite pourraient financer des projets de soutien aux Palestiniens, équilibrant ainsi l’impact des initiatives israéliennes.
Perspectives régionales et internationales
- Risque d’escalade :
Les tensions autour de Jérusalem pourraient s’aggraver si Israël poursuit ses politiques d’expansion des colonies et de restrictions sur les lieux saints. - Opportunités de dialogue :
Le rapprochement irano-saoudien, bien qu’encore fragile, pourrait servir de catalyseur pour relancer un dialogue multilatéral sur Jérusalem, impliquant des acteurs comme la Chine, la Russie, et l’Union européenne. - Pression sur les États-Unis :
Washington, en soutenant les accords d’Abraham, a marginalisé la question de Jérusalem. La montée en puissance de la Chine dans la médiation pourrait forcer les États-Unis à réviser leur approche pour éviter un recul de leur influence.
Jérusalem à la croisée des alliances
Le statut de Jérusalem reste une question non résolue au cœur du conflit israélo-palestinien et des dynamiques régionales. Si les accords d’Abraham ont renforcé les alliances israélo-arabes, le rapprochement Iran-Arabie Saoudite introduit une nouvelle variable dans cette équation. À mesure que la Chine s’affirme comme un acteur influent, les perspectives de résolution de la question de Jérusalem dépendent d’un équilibre fragile entre dialogue multilatéral et intérêts nationaux divergents.